L’obligation de chauffer les locaux de travail pendant la saison froide pose des défis d’interprétation, exacerbés par la crise énergétique et le plan de sobriété énergétique présenté par le Gouvernement. Cet article explore les différentes facettes de cette question.
I- Les “locaux fermés affectés au travail”
La notion de “locaux fermés” est comprise de manière large. Elle ne se limite pas aux bureaux, ce qui complexifie sa mise en pratique. En effet, tout local muni de portes est considéré comme un local fermé. Le Conseil d’Etat a confirmé que ni la taille des locaux ni l’ouverture fréquente des portes ne dispensent l’employeur de son obligation de chauffer les locaux. Ainsi, même un entrepôt de stockage où travaillent des employés doit être chauffé, de même que l’atelier d’un garage automobile, même si les portes restent généralement ouvertes en raison des allers-retours des véhicules. En somme, l’obligation de chauffer les locaux de travail concerne tous les espaces qui peuvent être fermés, peu importe que l’activité nécessite de garder les portes ouvertes.
II- La température adéquate
Le Code du travail ne définit pas précisément ce qu’est une “température convenable”. Néanmoins, différentes sources donnent des indications sur les plages recommandées selon le type d’activité exercée. Par exemple, l’Institut National de Recherche et de Sécurité suggère des températures de 21 à 23°C pour un travail sédentaire en position assise, 19°C pour un travail physique léger en position assise, 18°C pour un travail physique léger en position debout, 17°C pour un travail physique intense, et 15 à 16°C pour un travail physique intense. Le Ministère du travail a également publié une fiche sur l’ambiance thermique qui prend en compte la température sèche, l’humidité et la vitesse de l’air. Par ailleurs, l’article R241-6 du Code de l’énergie stipule que les bureaux occupés doivent avoir une température moyenne fixée à 19°C. Pour les locaux artisanaux, industriels et commerciaux, des arrêtés de 1977 définissent les températures à maintenir, et en cas de travail non sédentaire, ces locaux doivent être chauffés à 18°C. Il est important de souligner que ces températures sont relativement élevées, ce qui peut représenter un défi financier en période de crise énergétique.
III- Le chauffage des locaux pendant la sobriété énergétique
Dans le cadre du plan de sobriété énergétique présenté par le Gouvernement, une température maximale de 19°C est recommandée dans les bureaux. Il est également recommandé de baisser la température à 16°C pendant la nuit et à 8°C lorsque le bâtiment est fermé pendant plus de trois jours. Par ailleurs, le Gouvernement encourage les entreprises à limiter l’utilisation de l’eau chaude dans les locaux, en la réservant par exemple aux douches. Toutefois, pour les autres types de locaux (artisanaux, commerciaux et industriels), aucune mesure spécifique n’est prévue dans le plan de sobriété énergétique. Par conséquent, les employeurs qui exercent leur activité dans des entrepôts ou des locaux artisanaux ne peuvent déroger aux températures habituelles. Pour éviter de mettre en péril leur activité en raison des coûts élevés du chauffage, les employeurs peuvent envisager des solutions telles que le chauffage partiel des zones fréquentées par le personnel. Par exemple, des chauffages individuels peuvent être placés à proximité des employés travaillant dans de grands entrepôts difficiles à chauffer. Il est important que les équipements de protection individuelle des employés soient adaptés à ces conditions. Si le travail ne peut pas être effectué en télétravail, l’employeur peut également mettre les employés en activité partielle.
IV- La responsabilité de l’entreprise en cas de non-respect de l’obligation de chauffage des locaux
L’employeur ne doit pas prendre à la légère son obligation de chauffer les locaux, car sa responsabilité pénale et civile peut être engagée en cas de non-respect de cette obligation. Sur le plan pénal, chaque infraction aux règles de santé et de sécurité du Code du travail peut entraîner une amende de 10 000 euros par salarié concerné. De plus, l’employeur peut faire face à des sanctions prévues par le Code pénal en cas d’accident du travail ou de risque d’accident. Sur le plan civil, un employé travaillant dans des locaux non chauffés ou insuffisamment chauffés peut demander des dommages et intérêts devant les conseils de prud’hommes, à condition de prouver un préjudice. Les tribunaux ont déjà prononcé la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de températures inadéquates, entraînant ainsi des indemnités compensatrices de préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation a également jugé que l’employé qui ne peut pas travailler en raison d’une panne de chauffage doit être intégralement rémunéré. Par conséquent, il est dans l’intérêt de l’employeur de se conformer à son obligation de chauffer les locaux, sous peine d’amendes et de lourdes condamnations financières. S’il ne peut pas supporter le coût financier de cette obligation, il doit impérativement trouver des solutions alternatives telles que le chauffage partiel, les équipements de protection individuelle, le télétravail ou l’activité partielle.