Le Dakar 2022 : un mélange de performances et de doutes écologiques

Le Dakar 2022 : un mélange de performances et de doutes écologiques

“Je ne pensais pas que nous serions arrêtés par des problèmes de moteur électrique, mais plutôt par le châssis”, déclare Stéphane Peterhansel, célèbre pilote de rallye-raid, après avoir abandonné ses espoirs de victoire au Dakar 2022 dès la première étape. Cette déclaration résume bien l’arrivée des véhicules hybrides dans cette compétition.

Avant leur arrivée dans le désert saoudien, certains s’interrogeaient sur la fiabilité de cette technologie dans des conditions aussi extrêmes. Cependant, les moteurs essence et les batteries rechargeables ainsi que les moteurs électriques sont parvenus à résister à l’épreuve.

Des véhicules performants

“Le plaisir est là, on peut se concentrer sur le volant, la trajectoire, et moins sur le régime moteur, les changements de rapports, car la puissance est linéaire et nous utilisons presque plus les freins puisque nous ralentissons à 90% grâce au moteur”, explique Stéphane Peterhansel, surnommé “Monsieur Dakar” en raison de ses 14 victoires dans cette compétition.

Les trois voitures hybrides Audi, conduites par Peterhansel, l’Espagnol Carlos Sainz et le Suédois Mattias Ekstrom, ont chacune remporté une étape. Selon le Français Sébastien Loeb, nonuple champion du monde WRC et actuel deuxième du classement au Dakar 2022, ce n’est pas un hasard : “Du point de vue des performances, les Audi sont excellentes. Quand elles accélèrent, elles nous mettent tous dans le vent. Elles manquent encore un peu de fiabilité pour le moment, mais cela ne durera pas”, confie-t-il. Nasser al-Attiyah, le pilote qatarien de l’équipe Toyota et leader du rallye, abonde dans le même sens : “Nous devrons peut-être suivre cette technologie, elles sont difficiles à rattraper. Les voitures électriques sont plus puissantes et elles n’ont qu’une seule chose à faire : accélérer”.

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A première vue, que du positif. Cependant, la technologie hybride présente également des inconvénients, à commencer par le poids. Peterhansel l’admet lui-même : “Entre les batteries, les moteurs électriques et le moteur thermique pour les recharger, le surpoids est considérable. Cela impose beaucoup plus de travail sur les suspensions, créant ainsi des faiblesses et de l’inertie en virage, qu’il faut compenser”.

Un système pas forcément plus écologique

En ce qui concerne la réglementation, le poids est également un problème : “Nous dépassons actuellement la limite de poids fixée par la FIA”, ajoute le pilote. Glyn Hall, directeur de l’équipe de Nasser al-Attiyah, Gazoo Racing, a également son opinion sur le sujet : “Carlos Sainz parle d’un surpoids de 150 kilos, mais d’après ce que nous avons pu constater en termes de taille et de nos évaluations, il s’agit plutôt de 200 kilos”.

Ce poids pose problème non seulement dans les virages, mais il affecte également l’objectif annoncé de ce type de véhicules : rouler en émettant moins de CO2. Bien qu’Audi annonce une consommation inférieure de 40% par rapport aux autres véhicules du bivouac, un véhicule plus lourd consomme davantage d’énergie pour avancer et… pour freiner.

Cela vaut pour les rallyes, mais aussi pour les voitures grand public. Diane Strauss, directrice France de l’ONG Transport & Environnement (T&E), rappelle les conclusions d’un rapport de 2020 : “Les voitures hybrides grand public non rechargeables restent des voitures thermiques assez efficaces, mais elles utilisent beaucoup de ressources en termes de métaux”. Le frein moteur est un paramètre important, mais le poids du véhicule rend “l’utilisation du frein pratiquement équivalente en milieu urbain”, selon les estimations de T&E.

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Les spécialistes du rallye partagent généralement cette opinion. “Est-ce que c’est écologique ? Je n’en sais rien. Leur système est quand même assez original, avec un moteur thermique qui tourne en permanence à plein régime pour recharger la batterie, donc je ne vois pas vraiment l’intérêt, même si je n’ai pas les chiffres”, affirme Sébastien Loeb.

Glyn Hall, de Toyota, s’interroge également : “Nous ne savons pas si les Audi consomment moins. Ce que nous savons, c’est qu’elles ont été autorisées à ravitailler en carburant avant les spéciales, donc honnêtement, nous ne savons pas. Mais ce n’est certainement pas moins de 300 litres, et lors de certaines étapes, nous utilisons nous-mêmes 300 litres avec des moteurs thermiques conventionnels”.

Malgré tout, serait-ce l’avenir du rallye-raid ? Peterhansel conclut : “Il est difficile de dire si cette technologie est plus écologique, mais économiser de l’énergie est la voie à suivre. Cependant, faire le Dakar en voiture électrique aujourd’hui est encore impossible”.