Tout comme le secteur public, le secteur privé n’échappe pas au harcèlement moral au travail. Il peut prendre des formes variées et s’étaler dans le temps, ce qui rend parfois compliqué de le repérer. Bien le connaître pour mieux le combattre est primordial pour l’employeur. Comment le délit de harcèlement au travail est-il constitué ? Comment le prévenir ? Quelles sont les sanctions encourues et comment réagir si vous êtes confronté à une telle situation ? Découvrez toutes nos réponses.
Harcèlement moral : définition
Le harcèlement peut être défini comme une violence fondée sur des rapports de domination et d’intimidation. Il peut être de différentes sortes, moral, sexuel, cyber harcèlement.
Le harcèlement moral bénéficie d’un double emplacement dans les textes de loi.
Il est défini dans le Code du travail, mais aussi dans le Code pénal :
L’article L1152-1 du Code du travail : ce sont des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible :
- de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
- d’altérer sa santé physique ou mentale ;
- ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article 222-33-2 du Code pénal définit et sanctionne les agissements constitutifs de harcèlement moral : par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible :
- de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
- d’altérer sa santé physique ou mentale ;
- ou de compromettre son avenir professionnel.
À la lecture du droit en vigueur, le harcèlement moral est plus défini par son objet et ses effets, nuire à autrui, que par les actes en eux-mêmes. La loi ne liste pas de gestes constitutifs de harcèlement. Elle laisse la porte ouverte à une multitude d’actions pouvant prendre la forme d’une situation de harcèlement moral.
En revanche, la notion de répétition est importante pour que les faits soient constitutifs de harcèlement moral. Un acte isolé n’est donc pas en lui-même un harcèlement au travail. Le temps qui s’écoule entre plusieurs agissements n’est pas nécessairement court. Les faits peuvent être espacés dans le temps, ou au contraire très rapprochés.
Quels sont les signes du harcèlement moral ?
Il n’est pas toujours évident de repérer une situation de harcèlement moral au sein de l’entreprise. Car les agissements sont bien souvent sournois, discrets et étalés dans le temps.
Mais plusieurs signes doivent vous mettre la puce à l’oreille. Vous devez donc être attentif et observateur dès lors que vous avez un doute.
Par exemple, les signes ci-dessous peuvent révéler qu’un salarié est harcelé :
- Il est isolé des autres collaborateurs de l’entreprise.
- Il fait régulièrement l’objet de moqueries diverses.
- Il subit des réflexions méchantes ou déplacées.
- Il est mis en situation d’échec professionnel car des missions irréalisables lui ont été confiées.
- Il est souvent absent.
Exemples de harcèlement au travail
Voici une liste non limitative de cas de harcèlement au travail :
- Un salarié fait l’objet de brimades et de dénigrements par un collaborateur qui l’a privé de ses responsabilités (Cass. soc., 24 juin 2009, n°07-43.994).
- Un supérieur hiérarchique qui se livre de manière répétée et dans des termes humiliants à une critique de l’activité d’un salarié, en présence d’autres salariés (Cass. soc., 8 juillet 2009, n°08-41.638).
- Des propos blessants et humiliants proférés de manière répétée à l’encontre du salarié émanant d’un supérieur hiérarchique (Cass. soc., 12 juin 2014, n°13-13.951).
- Un salarié qui fait l’objet de multiples mesures vexatoires, telles que l’envoi de notes contenant des remarques péjoratives assénées sur un ton péremptoire propre à le discréditer, des reproches sur son incapacité professionnelle et psychologique et sa présence nuisible et inutile, le retrait des clés de son bureau, sa mise à l’écart du comité directeur, la diminution du taux horaire de sa rémunération (Cass. soc., 26 mars 2013, n°11-27.964).
Harcèlement moral au travail : qui peut être victime ?
La loi ne liste pas les personnes pouvant être victimes d’un harcèlement moral au travail. Il n’existe pas dans la loi de liste qui définisse les personnes pouvant être victimes d’une forme de harcèlement moral au travail.
Il peut donc s’agir de tous les salariés, peu importe :
- Le type de contrat de travail : CDD, CDI, intérim, stage, alternance…
- Son ancienneté.
- Son niveau hiérarchique dans l’entreprise.
- Son poste.
Qui peut causer du harcèlement au travail ?
La loi ne restreint pas le profil type du harceleur.
Il peut tout aussi bien s’agir :
- D’un collaborateur de l’entreprise du même niveau hiérarchique que la victime harcelée.
- D’un supérieur hiérarchique.
- D’un subordonné envers son supérieur hiérarchique.
- D’un représentant syndical.
- D’une personne seule ou d’un groupe de personnes.
L’auteur du harcèlement peut aussi être une personne ayant une autorité externe à l’entreprise, comme un client ou un sous-traitant.
Comment prouver un cas de harcèlement au travail ?
Pour être sanctionné par les tribunaux, le harcèlement au travail doit être prouvé.
Qui doit regrouper les preuves ?
La charge de la preuve pèse sur la victime de harcèlement au travail.
Elle doit prouver :
- La répétition dans les actes.
- Les effets produits : une dégradation de ses conditions de travail susceptible
- de porter atteinte à ses droits et à sa dignité. Par exemple, une mise au placard, des humiliations.
- d’altérer sa santé physique ou mentale. Par exemple, des arrêts de travail réguliers.
- de compromettre son avenir professionnel. Par exemple, la perte de chance d’une promotion.
La victime n’a pas l’obligation d’établir qu’elle a subi un dommage. Elle doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Quelles sont les preuves pouvant être utilisées ?
En droit français, la preuve est libre et peut être rapportée par tout moyen légal. Il peut donc s’agir de témoignages, de certificats médicaux, de mails ou sms…
Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de harcèlement au travail ?
Sur le sujet du rôle de l’employeur en cas de harcèlement au travail, la loi est très claire. Elle précise qu’il doit prendre toutes les mesures pour prévenir les agissements de harcèlement au travail (article L1152-4 du Code du travail).
Il a donc une obligation de prévention et de protection pour que ce type de situation ne survienne pas dans l’entreprise. Par exemple, il peut mettre en place des modules de formation ou informer les collaborateurs par affichage.
Il a bien évidemment aussi une obligation de faire cesser les agissements déjà constitués (article L1152-5 du Code du travail).
Le non-respect de ces obligations engage sa responsabilité civile et pénale.
Bon à savoir : l’employeur a aussi une obligation générale de sécurité de résultat et de protection de la santé du salarié, qui comprend bien évidemment le harcèlement moral (articles L4121-1 et -2 dudit code).
Quels sont les recours possibles pour la victime en cas de harcèlement moral au travail ?
Que faire en cas de harcèlement moral ? Il est primordial d’agir pour ne pas laisser plus longtemps la victime en souffrance. Découvrez les recours possibles.
Prévenir son employeur en cas de harcèlement au travail
La victime harcelée ou un témoin doit avertir l’employeur de ce qu’il se passe dans sa société. Ce dernier doit alors prendre toutes les mesures efficaces pour faire cesser les faits fautifs.
Il n’est jamais évident de dénoncer des faits subis, le rôle de prévention de l’employeur est alors primordial.
Modèle de lettre pour signaler des faits de Harcèlement à son employeur
Voici un exemple de courrier à personnaliser que vous pouvez mettre à disposition des salariés dans l’entreprise. Ce modèle peut être utilisé par une victime ou un témoin de faits de harcèlement.
Objet : Signalement d’une situation de harcèlement moral au travail
Madame X, Monsieur Y,
Je souhaite porter à votre connaissance les faits de harcèlement au travail dont je suis le témoin ou la victime.
Je travaille dans l’entreprise depuis le … (indiquer ici la date d’entrée dans la société) en tant que … (indiquer ici votre poste), dans le service de … (préciser ici votre service de rattachement).
Paragraphes à insérer si vous êtes témoin
Je vous informe que … (indiquer le nom de la victime) subit les agissements suivants : … (décrire précisément les agissements, attitudes, propos…) depuis le … (indiquer la date ou la période) de la part de … (indiquer ici le nom du harceleur).
Ils sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et/ou d’altérer sa santé physique ou mentale et/ou de compromettre son avenir professionnel.
Paragraphes à insérer si vous êtes victime
Par ce courrier, je vous informe que je subis les agissements suivants : … (décrire précisément les agissements, attitudes, propos…) depuis le … (indiquer la date ou la période) de la part de … (indiquer ici le nom du harceleur).
Ils sont susceptibles de porter atteinte à mes droits et à ma dignité et/ou d’altérer ma santé physique ou mentale et/ou de compromettre mon avenir professionnel.
Paragraphes communs à insérer
Les faits présentés ci-dessus caractérisent selon moi un harcèlement. Je vous demande d’y mettre un terme sans délai.
Dans le cas inverse, je n’aurais d’autres choix que de saisir les autorités compétentes.
Je vous prie d’agréer, Madame X, Monsieur Y, l’expression de mes salutations distinguées.
Votre nom et votre prénom
Signature
Alerter la médecine du travail en cas de harcèlement au travail
En plus d’alerter l’employeur par écrit, le salarié victime de harcèlement moral au travail ou un témoin peuvent alerter la médecine du travail.
Le médecin pourra prononcer une inaptitude temporaire, afin de soustraire le salarié de son poste.
Alerter le CSE et les représentants du personnel
Ces différents acteurs disposent d’un droit d’alerte afin de prévenir l’employeur de ce qu’il se passe dans l’entreprise.
Ils peuvent aussi aider la victime dans ses différentes démarches.
Alerter l’inspection du travail
L’agent de contrôle vérifie si les faits invoqués constituent un harcèlement. Au moyen d’une enquête si besoin.
Dans l’affirmative, l’inspection du travail informe le Procureur de la République.
Saisir le défenseur des droits
Il peut être saisi si le harcèlement au travail est fondé sur une discrimination basée sur un des critères interdits par la loi.
Saisir le Conseil des prud’hommes
Le Conseil de prud’hommes peut être saisi pour manquement de l’employeur à l’obligation de protection qui lui incombe dans un délai de 5 ans après le dernier fait de harcèlement.
Ce dernier peut être condamné au paiement de dommages et intérêts à la victime.
Saisir le juge pénal
La victime d’un harcèlement moral peut porter plainte contre le harceleur dans un délai de 6 ans à partir du fait le plus récent de harcèlement.
Bon à savoir : le secteur public suit une procédure spécifique.
Quelles sont les sanctions encourues par l’auteur d’un harcèlement au travail ?
Il existe 2 types de sanctions.
Sanctions de l’employeur
Harceler au travail est passible d’une sanction disciplinaire proportionnée par rapport à la faute commise (article L1152-5 du Code du travail) :
- Avertissement ou blâme.
- Mise à pied.
- Mutation.
- Rétrogradation.
- Licenciement pour faute simple, grave ou lourde.
En revanche, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.
Sanctions de la justice
Le harcèlement moral au travail est un délit puni d’une amende pouvant aller jusqu’à :
- 2 ans de prison.
- et 30 000 euros d’amende (article 222-33-2 du Code pénal).
Le harceleur peut aussi être condamné à verser des dommages-intérêts à la victime en cas de préjudice.
Conclusion : ce qu’il faut retenir du harcèlement moral au travail.
Le harcèlement au travail est un délit grave qui doit être évité. Pour cela, l’employeur doit mettre en place des actions de prévention dans l’entreprise.
Il est constitué par des agissements répétés. Ces derniers sont susceptibles de dégrader les conditions de travail d’une personne pouvant aboutir à :
- Une atteinte à ses droits et à sa dignité.
- Ou une altération de sa santé physique ou mentale.
- Ou une menace pour son évolution professionnelle.
Il concerne tous les collaborateurs de l’entreprise et peut être commis aussi bien par un supérieur hiérarchique, que par un collègue de même niveau voire un subalterne.
Il est lourdement sanctionné par la loi.