Le maraboutage : comment ça fonctionne ?

Le maraboutage : comment ça marche ?

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Dernièrement, une affaire impliquant les footballeurs Paul Pogba et Kylian Mbappé a fait les gros titres. Le frère de Pogba a publiquement accusé son coéquipier d’avoir été victime d’un maraboutage. Cette histoire a d’abord été perçue comme une simple plaisanterie, mais les détails révélés ont suscité de vives réactions. En réalité, il s’agissait d’un conflit familial et d’une tentative d’extorsion d’argent.

Comme le disait Spinoza, “Ni rire ni pleurer, mais comprendre”. Cette affaire nous pousse à nous interroger sur les croyances entourant le maraboutage, une pratique largement répandue dans le monde du football. Ce n’est pas la première fois que des histoires de maraboutage font le buzz dans la “footosphère”. En 2002, lors de la Coupe du Monde de football, la Fédération sénégalaise avait alloué un budget spécifique pour des consultations de marabouts afin de soutenir son équipe, qui a réussi à atteindre les quarts de finale. Les joueurs africains ne sont pas les seuls à recourir à de tels services : des entraîneurs tels que Rolland Courbis de Bordeaux, Guy Roux d’Auxerre ou Michel Denisot lorsqu’il était dirigeant du Paris Saint-Germain ont également fait appel à des marabouts. Quand l’enjeu est important, toutes les chances doivent être saisies.

Le marabout est avant tout un devin et un guérisseur. Sa magie est utilisée pour aider les gens à résoudre des problèmes de santé, des conflits familiaux, ou encore à attirer la chance dans des domaines tels que l’amour ou les affaires.

Que fait exactement un marabout ?

Mais concrètement, que fait un marabout ? Le processus de base est commun à toutes les pratiques magiques : après avoir écouté la personne exposer son problème, le marabout procède à une divination afin d’identifier les causes du mal. Il utilise différentes méthodes telles que le jet de cauris, la géomancie, la prière de consultation (listikhar), etc. Ensuite, il établit son diagnostic et propose un remède qui, la plupart du temps, implique un sacrifice. Le consultant peut être amené à sacrifier un poulet, à brûler des vêtements ou à faire une offrande. Bien sûr, ces séances sont payantes. Le marabout est une expression africaine de pratiques magiques présentes dans de nombreuses sociétés, comme les chamanes, les guérisseurs, les féticheurs ou les devins. Ces usages sont loin d’appartenir au passé, ils sont toujours très présents de nos jours.

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Le marabout n’est pas un sorcier

Dans la grande majorité des cas, les marabouts et autres magiciens sont sollicités pour résoudre des problèmes et guérir, et non pour “jeter des mauvais sorts”. Les accusations de sorcellerie ou de maraboutage à des fins maléfiques relèvent davantage de la suspicion, du fantasme et des accusations non fondées. Aucun marabout ne propose d’agir à des fins maléfiques. Dans l’affaire des frères Pogba, l’aîné Matthias accuse son frère d’avoir recours à un marabout pour des pratiques malveillantes. Paul Pogba reconnaît certes avoir consulté un marabout, mais uniquement pour se soigner d’une blessure au genou. Parallèlement, il est bien évidemment suivi par une équipe médicale qui l’entoure en tant que sportif professionnel.

La distinction entre la magie et la sorcellerie, ou entre “magie blanche” et “magie noire” – la première étant bénéfique, la seconde malveillante – est courante dans de nombreuses sociétés. Les expressions “magie blanche” et “magie noire” ont été introduites en Europe au XIXe siècle, mais elles étaient déjà présentes sous d’autres noms dans d’autres sociétés. Selon l’anthropologue Adolphus Elkin, les Aborigènes d’Australie font la distinction entre le “medicine man”, une sorte de chaman qui utilise son pouvoir pour guérir, et le “sorcier”, qui jette des mauvais sorts, provoque des maladies et répand la mort. A. Elkin a consacré un livre aux chamans aborigènes, chaque clan ayant le sien et faisant appel à lui dans différentes situations, que ce soit pour guérir des maladies qui ne répondent pas aux traitements habituels connus par chaque famille, appeler la pluie ou favoriser la chasse. Ces “hommes de haut degré” utilisent donc leur pouvoir pour le bien d’autrui.

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Lors de sa quête pour rencontrer des sorciers et des lanceurs de sorts, A. Elkin admet n’en avoir jamais trouvé. Les sorciers sont censés exister, mais toujours chez les clans ennemis, ce qui suggère que la sorcellerie relève plus de l’accusation que d’une pratique réelle. Le même phénomène a été observé lors de la chasse aux sorcières en Europe du XVIe au XVIIe siècle. Les premiers accusés étaient d’abord des hérétiques, puis des femmes isolées, et enfin des notables soupçonnés des pires atrocités : jeter des sorts maléfiques, pactiser avec le diable, pratiquer des rituels sataniques. Cependant, ces aveux étaient toujours obtenus sous la torture. Encore aujourd’hui, en Afrique, personne ne se présente comme sorcier ou n’affirme pratiquer la “magie noire”, alors que les devins, les guérisseurs et les marabouts sont couramment sollicités. La sorcellerie relève donc davantage du fantasme, de la rumeur et de l’accusation que de la réalité.

La sorcellerie au XXIe siècle

En 2018, la chanteuse Beyoncé a été accusée de sorcellerie par une ex-musicienne de son groupe. Kimberley Thompson a porté plainte contre la star, l’accusant notamment d’avoir pratiqué des rituels de sorcellerie ayant provoqué la mort de son chaton ! Cette anecdote peut sembler ridicule (la plaignante a d’ailleurs été déboutée en justice), mais elle cache une réalité plus sombre. Être accusé de sorcellerie peut encore aujourd’hui mener à la mort. En juillet 2020, dans le nord du Ghana, une femme de 90 ans nommée Akua Denteh, accusée de sorcellerie, a été lynchée en public et en est décédée.

Il existe plusieurs “camps de sorcières” dans plusieurs pays africains tels que le Ghana, la Zambie, le Kenya et la Tanzanie. En réalité, il s’agit de refuges mis en place par les gouvernements pour protéger les femmes rejetées par leur communauté. Certaines y vivent depuis dix, vingt ou trente ans. Le gouvernement ghanéen a entrepris de fermer ces camps et de réintégrer ces femmes dans la société.

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Le scénario typique est le suivant : un trouble survient, comme la mort d’un enfant au sein d’une famille ou d’animaux dans un troupeau. Ces décès, considérés comme anormaux, sont traditionnellement attribués à des actes de malveillance. Dans la plupart des cas, les accusateurs sont des membres de la famille qui désignent une femme en la soupçonnant d’être une “mangeuse d’âmes”. Un prêtre-devin est alors sollicité pour confirmer ou non cette accusation. S’ensuit une cérémonie punitive qui se traduit par un châtiment public où fusent les insultes et les coups. La sorcière est soit chassée de son village, soit tuée.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les articles “Dix questions (plus une) sur la magie et la sorcellerie” et “Sorciers et sorcières aujourd’hui” dans le numéro 60 des Grands Dossiers des Sciences Humaines, intitulé “Magie et sorcellerie. Du chamanisme à Harry Potter, 30 000 ans d’histoire”.