La protection du lanceur d’alerte et la procédure de signalement ont été établies par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, visant à promouvoir la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. La loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 a ensuite renforcé cette protection en élargissant la définition du lanceur d’alerte et en simplifiant les canaux de signalement.
La définition légale du lanceur d’alerte
Selon la loi, un lanceur d’alerte est une personne qui signale ou divulgue, de manière désintéressée et de bonne foi, des informations concernant :
- Un crime ou un délit ;
- Une menace ou un préjudice pour l’intérêt général ;
- Une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation de :
- Un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
- Un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur la base d’un tel engagement ;
- Le droit de l’Union européenne ;
- La loi ou les règlements.
La procédure d’alerte, distincte du signalement prévu à l’article 40, 2ème alinéa, du Code de procédure pénale, offre au lanceur d’alerte le bénéfice d’une protection juridique.
Le Défenseur des droits peut être sollicité par toute personne pour évaluer si elle remplit les critères légaux de lanceur d’alerte, conformément à l’article 35-1 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 modifiée relative au Défenseur des droits.
Il est important de noter que la procédure d’alerte permet de divulguer des informations qui, normalement, seraient couvertes par le secret professionnel.
Cependant, certaines informations sont exclues de la procédure d’alerte si leur divulgation est interdite par les dispositions relatives au secret de la défense nationale, au secret médical, aux délibérations judiciaires, à l’enquête ou à l’instruction judiciaires, ou au secret professionnel de l’avocat.
De plus, seules les personnes physiques peuvent être lanceurs d’alerte. Les personnes morales, telles que les associations ou les organisations syndicales, ne peuvent pas remplir ce rôle. Le lanceur d’alerte peut être un salarié du secteur privé, un agent public (fonctionnaire ou contractuel), ou même un collaborateur externe et occasionnel, tel qu’un stagiaire ou un prestataire de services.
Une condition essentielle pour être considéré comme lanceur d’alerte est d’agir de bonne foi, ce qui signifie que le lanceur d’alerte croyait raisonnablement que les informations divulguées étaient nécessaires pour protéger les intérêts en question.
Depuis le 1er septembre 2022, la loi a apporté quelques modifications :
- Le terme “signale ou révèle” a été remplacé par “signale ou divulgue”.
- La condition selon laquelle le lanceur d’alerte devait avoir une connaissance personnelle des faits signalés ne s’applique que lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles. Dans un contexte professionnel, le lanceur d’alerte peut maintenant signaler des faits qui lui ont été simplement rapportés.
- La démarche du lanceur d’alerte ne doit plus nécessairement être désintéressée, mais il ne doit pas recevoir de contrepartie financière directe.
- L’exigence de gravité concernant la violation de la loi ou du règlement, ainsi que la menace ou le préjudice pour l’intérêt général, a été supprimée. Les tentatives de dissimulation d’une telle violation sont désormais également prises en compte.
La procédure d’alerte
Depuis le 1er septembre 2022, le lanceur d’alerte dispose de deux canaux de signalement : un signalement interne et un signalement externe, sans qu’il y ait une hiérarchie entre ces deux voies.
Le lanceur d’alerte peut choisir d’appliquer la procédure externe sans avoir utilisé au préalable la procédure interne de signalement. De même, dans certains cas, il est possible de procéder à une divulgation publique directe.
Le respect de cette procédure est une condition essentielle pour bénéficier de la protection légale accordée aux lanceurs d’alerte.
Auparavant, le lanceur d’alerte devait d’abord signaler les faits en interne à son supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur, ou à une personne référente désignée par l’employeur.
En l’absence de traitement adéquat dans un délai raisonnable, le lanceur d’alerte pouvait s’adresser à l’autorité judiciaire ou administrative compétente, ou à l’ordre professionnel concerné.
Seulement si l’autorité externe ne traitait pas le signalement dans un délai de trois mois, le lanceur d’alerte était autorisé à rendre publique les informations qu’il possède. Toutefois, en cas de danger grave et imminent, ou de risque de dommages irréversibles, le signalement pouvait être directement porté à l’attention de l’autorité externe ou rendu public.
La procédure de signalement interne est déclenchée par les personnes physiques ayant obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations sur des faits survenus ou susceptibles de se produire au sein de l’entreprise concernée. Elles peuvent alors signaler ces informations en interne, notamment si elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie, et si elles ne risquent pas de subir des représailles.
Les personnes pouvant déclencher la procédure interne de signalement sont notamment :
- Les membres du personnel, les anciens salariés, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de leur relation de travail, ainsi que les candidats à un emploi au sein de l’entreprise concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de leur candidature.
- Les collaborateurs externes et occasionnels.
- Les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance.
- Les cocontractants de l’entreprise concernée, leurs sous-traitants, ou les membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous-traitants, ainsi que les membres de leur personnel.
Les entreprises employant au moins 50 salariés, ainsi que les entités juridiques de droit public employant ce nombre minimum de personnes, doivent mettre en place une procédure interne de recueil et de traitement des signalements. Les modalités de cette procédure sont fixées par le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022. Cette procédure doit prévoir un moyen de réception des signalements, que ce soit par écrit ou par voie orale, selon ce que prévoit la procédure. Elle doit également désigner les personnes ou services chargés de recueillir et de traiter les signalements.
La procédure interne doit garantir l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies, y compris l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées et de tout tiers mentionné. Si une entreprise ne dispose pas d’une procédure interne appropriée, le signalement peut être effectué auprès du supérieur hiérarchique direct ou indirect, de l’employeur, ou d’une personne référente désignée par l’employeur.
Lorsque les conditions légales sont remplies quant au contenu du signalement et à la définition du lanceur d’alerte, l’entreprise est responsable du traitement du signalement. L’auteur du signalement doit recevoir une notification écrite de sa réception dans un délai de sept jours ouvrés. Il doit également être informé des mesures envisagées ou prises dans un délai raisonnable, qui ne peut pas excéder trois mois.
Depuis le 1er septembre 2022, le règlement intérieur de l’entreprise doit indiquer la procédure applicable au lanceur d’alerte (article L.1321-2 du Code du travail). Cette procédure doit être diffusée de manière adéquate, notamment par notification, affichage, publication sur le site internet de l’entreprise ou par voie électronique, pour permettre aux lanceurs d’alerte d’y accéder en permanence. L’entreprise doit également fournir des informations claires et facilement accessibles concernant les procédures de signalement externe (article 8 du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022).
Le lanceur d’alerte peut également effectuer un signalement externe, soit après avoir fait un signalement interne, soit directement auprès des autorités compétentes désignées dans l’annexe du décret n°2022-1284 du 3 octobre 2022. Il peut également s’adresser au Défenseur des droits, qui traite ou oriente le lanceur d’alerte vers les autorités compétentes (sous réserve d’un décret en Conseil d’État sur les délais et la confidentialité applicables à cette procédure indépendante et autonome). Enfin, le lanceur d’alerte peut saisir l’autorité judiciaire, à savoir le procureur de la République.
Il est également possible pour le lanceur d’alerte de procéder à une divulgation publique des informations dont il dispose, après avoir effectué un signalement externe, avec ou sans signalement interne préalable, si aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse à son signalement dans le délai imparti (de trois à six mois selon l’autorité saisie). Cette divulgation publique peut être effectuée directement, en cas de danger grave et imminent, si la saisine d’une autorité compétente expose le lanceur d’alerte à des représailles ou si elle ne permet pas de remédier efficacement à la situation en raison de circonstances particulières, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites, ou si le lanceur d’alerte a de sérieuses raisons de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts, en collusion avec l’auteur des faits ou impliquée dans ces faits. De plus, dans le cas d’informations obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles, le lanceur d’alerte peut les divulguer publiquement en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment en présence d’une situation d’urgence ou d’un risque de préjudice irréversible.
En cas de litige, il revient au juge d’apprécier si ces conditions spécifiques sont remplies.
Les protections accordées aux lanceurs d’alerte
- L’irresponsabilité civile et pénale : le lanceur d’alerte qui signale ou divulgue publiquement des informations n’est pas civilement responsable des dommages causés par le signalement ou la divulgation publique, dès lors qu’il avait des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de l’ensemble des informations était nécessaire pour protéger les intérêts en question. Le lanceur d’alerte bénéficie également d’une irresponsabilité pénale. Conformément à l’article 122-9 du Code pénal, un lanceur d’alerte qui enfreint le secret professionnel protégé par la loi ne peut pas être poursuivi pénalement s’il peut prouver que sa divulgation était nécessaire et proportionnée pour protéger les intérêts en question, et qu’il a respecté les procédures de signalement définies par la loi. De plus, le lanceur d’alerte n’est pas pénalement responsable s’il soustrait, détient ou cache des documents ou tout autre support contenant des informations qu’il a légalement obtenues et qu’il signale ou divulgue conformément à la procédure prévue par la loi. Les personnes en relation avec le lanceur d’alerte (les tiers protégés) bénéficient également de cette irresponsabilité civile et pénale. Il s’agit des facilitateurs, des personnes physiques ou morales à but non lucratif qui aident un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation, y compris les organisations syndicales et les associations ; des personnes physiques en lien avec un lanceur d’alerte, qui risquent de subir des mesures de représailles dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de leur client ou du destinataire de leurs services ; et des entités juridiques contrôlées par un lanceur d’alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en relation dans un contexte professionnel.
- L’interdiction des mesures de représailles : le lanceur d’alerte ne peut faire l’objet de mesures de représailles, de menaces, ou de tentatives de représailles pour avoir signalé ou divulgué des informations conformément aux procédures de signalement. Cette protection contre les représailles s’étend également aux personnes physiques et morales en relation avec le lanceur d’alerte. Les mesures de représailles interdites comprennent notamment la suspension, la mise à pied, le licenciement, la rétrogradation, le refus de promotion, le changement de fonctions, le transfert, la réduction de salaire, la suspension de formation, l’évaluation de performance négative, les mesures disciplinaires, la discrimination, et la non-renouvellement d’un contrat de travail à durée déterminée ou temporaire. Tout acte ou décision correspondant à ces mesures est nul et non avenu de plein droit. En cas de litige, le conseil des prud’hommes peut, en plus de toute autre sanction, ordonner à l’employeur d’abonder le compte personnel de formation du lanceur d’alerte. Le décret n°2022-1686 du 28 décembre 2022 définit la procédure d’abondement du compte personnel de formation des salariés lanceurs d’alerte en cas de sanction prononcée par un conseil de prud’hommes contre leur employeur.
Toute personne qui entrave la transmission d’un signalement aux personnes et organismes compétents encourt une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 €. Les personnes reconnues coupables d’entrave au signalement d’un lanceur d’alerte encourent également une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée.
Toute action abusive ou dilatoire contre un lanceur d’alerte est passible d’une amende civile de 60 000 €, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts.