Le 28 mars 2022, un arrêté a déclaré une “incompatibilité définitive à la conduite pour les patients diagnostiqués d’une maladie d’Alzheimer ou apparentée (MAMA) dès le stade 3 de l’échelle de Reisberg”. Mais qu’est-ce que cette échelle et que signifie ce “stade 3” ?
Le psychiatre américain Barry Reisberg a été le premier médecin à décrire précisément l’évolution clinique de la maladie d’Alzheimer en 1982. Il a identifié sept stades principaux allant de l’absence de troubles cognitifs à la démence sévère. Chaque stade correspond à un niveau d’autonomie et présente des symptômes spécifiques. Cette échelle globale de détérioration (GDS), également connue sous le nom d’échelle de Reisberg, est encore largement utilisée par les professionnels de la santé pour évaluer l’état des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, mesurer la progression de la maladie et guider leur entourage dans la prise en charge.
Stade 1 : tout va bien !
La personne ne présente aucun signe de la maladie d’Alzheimer. Les petits oublis peuvent être attribués à l’âge, mais ils n’ont aucun lien avec un déclin cognitif. En résumé, tout va pour le mieux !
Stade 2 : d’imperceptibles défaillances de mémoire…
Des troubles de la mémoire quasi indécelables se manifestent de temps en temps : parfois la personne a du mal à trouver ses mots, d’autres fois elle confond les noms ou oublie où elle a posé ses clés… Cependant, cela n’affecte ni ses performances professionnelles ni ses relations sociales ! Il s’agit simplement d’un léger déclin cognitif.
Stade 3 : les troubles cognitifs perturbent le quotidien
Les troubles cognitifs commencent à attirer l’attention de l’entourage car ils deviennent plus fréquents et plus intenses : la personne se perd, égare ses objets, a du mal à se concentrer et à s’organiser, elle se répète et a des difficultés à reconnaitre les gens. Ses capacités de travail sont affectées. Elle en est consciente, ce qui peut engendrer de l’anxiété ou du déni selon les cas. Ce léger déclin cognitif précède la démence mais n’en est pas encore. Cette phase peut durer plusieurs années.
Stade 4 : le diagnostic de maladie d’Alzheimer est posé
À partir de ce stade, la personne est considérée comme atteinte de la maladie d’Alzheimer. Tous les éléments nécessaires pour poser un diagnostic sont réunis, bien qu’il s’agisse de la phase précoce de la maladie. Les troubles cognitifs deviennent de plus en plus fréquents et prennent des formes variées : difficultés à réaliser des tâches complexes, troubles de la mémoire à court terme, oubli d’éléments importants du passé… Ces difficultés peuvent provoquer des changements d’humeur. Malgré tout, la personne est toujours capable de prendre soin d’elle-même, de se repérer dans le temps et dans les lieux familiers, et de reconnaitre les visages familiers.
Stade 5 : le début de la dépendance
La personne n’est plus capable d’accomplir certaines tâches quotidiennes seule (préparation des repas, choix des vêtements). Bien qu’elle puisse encore gérer ses besoins fondamentaux (manger, aller aux toilettes), elle n’est plus autonome et ses proches doivent réorganiser sa vie pour lui fournir une aide à domicile. La mémoire des événements récents peut faire défaut, mais les souvenirs importants de son passé résistent.
Stade 6 : l’apparition des troubles du comportement
La plupart des activités quotidiennes (s’habiller, se laver, aller aux toilettes, manger) nécessitent désormais une assistance. La question de l’admission en institution se pose de manière plus pressante car les troubles de la mémoire s’aggravent et s’accompagnent souvent de troubles du comportement qui compliquent énormément la vie à domicile : agitation, errance, hallucinations, méfiance, agressivité, symptômes obsessionnels…
Stade 7 : la fin des interactions
La personne perd progressivement la capacité de se déplacer ou d’interagir (parler, sourire) en raison d’une tension musculaire croissante. Une assistance est nécessaire pour tous ses besoins. Cette phase finale de la maladie peut durer de un à trois ans et peut aboutir au coma, mais le patient est souvent victime de complications telles qu’une embolie, une fausse route ou une infection.
Conclusion
Cette échelle, définie en 1982, est-elle toujours pertinente ? On comprend que les autorités cherchent un moyen d’évaluer les dangers de la conduite automobile pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées. Cependant, l’utilisation de cet outil a été critiquée par la Fédération des Centres Mémoire qui le considère comme daté et imparfaitement validé. Son défaut est qu’il repose sur l’idée que toutes les maladies suivent une progression identique chez tous les patients, ce qui est désormais connu pour être faux. Des patients atteints de formes rares de la maladie d’Alzheimer, telles que les formes frontales ou visuelles, pourraient être mal évalués par cet outil, bien qu’ils présentent des déficits visuo-spatiaux ou d’attention considérables qui affectent leur capacité à conduire. De plus, l’utilisation de cette échelle pour les maladies apparentées, telles que la maladie à corps de Lewy et la dégénérescence lobaire fronto-temporale, semble encore moins légitime. Cette décision a au moins le mérite de sensibiliser et de fournir un repère, mais rien ne remplace l’évaluation individuelle par des équipes spécialisées, même si elles sont malheureusement encore trop peu nombreuses.