L’an dernier, le nombre de candidats inscrits pour passer le permis de conduire a atteint un record. Au total, plus d’un million de personnes l’ont passé, dont 800 000 pour le permis B, qui concerne les voitures et les camionnettes[^1^]. Dans le but de réduire les coûts élevés du permis et de bénéficier d’une plus grande flexibilité, de nombreux Français optent pour les auto-écoles en ligne, que ce soit pour leurs enfants ou pour eux-mêmes. C’est notamment le cas de Lucile, 23 ans, qui s’est inscrite sur Ornikar, l’un des leaders du marché. Elle déclare : “J’ai commencé mes heures de conduite à Besançon, puis j’ai déménagé à Paris et passé mon examen à Dijon”[^2^]. Ornikar est présent dans plus de 1700 villes en France, contrairement à son concurrent En Voiture Simone, qui n’est disponible que dans une trentaine de villes[^2^].
Des tarifs compétitifs
Que ce soit sur Internet ou dans les auto-écoles traditionnelles, les moniteurs de conduite travaillent en tant qu’indépendants. Patrice Bessone, président national de l’éducation et de la sécurité routière chez Mobilians (ex-CNPA) et directeur d’une auto-école physique, critique cette pratique en soulignant qu’il y a “une multitude de formateurs dans les auto-écoles en ligne, ce qui ne permet pas un suivi individualisé des clients”[^3^]. Pourtant, cette variété de formateurs n’est pas nécessairement perçue de manière négative par les candidats. Lucile témoigne : “À Dijon, j’ai eu un moniteur débutant qui me faisait dessiner des schémas au lieu de conduire. J’ai donc pu facilement changer de moniteur via la plateforme, ce que je n’aurais probablement pas osé faire dans une auto-école traditionnelle”[^3^].
Ces sites proposent également un aspect ludique pour attirer les jeunes. Ils utilisent la “gamification” en affichant un badge coloré lorsque les étapes sont franchies. Cette approche semble fonctionner, car Édouard Rudolf, cofondateur d’En Voiture Simone, affirme que la plateforme obtient une note de 4,87 sur 5 sur plus de 90 000 avis clients[^3^]. En 2021, En Voiture Simone a dépassé le million d’inscrits depuis sa création en 2015. En seulement sept mois, entre juin 2021 et janvier 2022, la plateforme a enregistré 400 000 nouvelles inscriptions. Une des raisons principales de ce succès réside dans la formation gratuite au code, l’un des services phares du groupe. En payant seulement 30 euros à l’organisme de son département, il est possible de passer l’examen du code, alors qu’il faut débourser près de 300 euros dans une auto-école traditionnelle[^4^].
Les auto-écoles en ligne proposent également des tarifs très compétitifs pour le permis de conduire. Pour 28 heures de conduite, il faut débourser environ 1000 euros, contre 1800 euros pour 30 heures dans une auto-école traditionnelle. Benjamin Gaignault, cofondateur d’Ornikar, explique cette différence par la “suppression des charges annexes liées aux locaux et aux effets de volumes” grâce aux multiples inscriptions sur la plateforme. Lucas, le frère de Lucile, a également décidé de passer son permis en ligne et déclare : “Ornikar m’a permis de le payer moins cher. J’ai pu économiser entre 300 et 400 euros au total”[^4^].
Neuf mois pour passer l’examen à Paris
Malgré les avantages des auto-écoles en ligne, un des points noirs concerne la difficulté à obtenir une date d’examen. Les écoles en ligne n’ont pas le droit légal d’inscrire leurs clients. Ces derniers doivent donc passer le permis en tant que candidats libres et s’inscrire eux-mêmes auprès de leur préfecture. Les places allouées aux auto-écoles traditionnelles sont fixes, tandis que les candidats libres doivent se contenter des disponibilités restantes. Dans certaines villes, les délais peuvent donc être considérables. Lucile en a fait l’expérience lorsqu’elle a essayé de s’inscrire : “Quand j’ai appris qu’il fallait attendre neuf mois pour passer l’examen, j’ai préféré me rendre à Dijon, chez mes parents, où j’ai trouvé une date disponible dans les deux semaines”[^5^].
Ce problème devrait être résolu grâce à la création du site permisdeconduire.gouv.fr par le gouvernement. Lancé au niveau national en 2020, ce site permet à tous les candidats de prendre rendez-vous directement dans leur département. Ainsi, les auto-écoles traditionnelles ne bénéficieront plus d’une priorité et “tout le monde sera sur un pied d’égalité”, se réjouit Édouard Rudolf. Actuellement, la plateforme est disponible dans 38 départements, principalement dans le sud de la France, et couvrira l’ensemble du territoire d’ici la fin de l’année[^6^].
Il est encore difficile d’évaluer le succès des auto-écoles en ligne. En 2020, parmi plus d’un million de candidats au permis de conduire, plus de 43 000 étaient des candidats libres, et près de 45 % d’entre eux ont réussi l’examen. Édouard Rudolf souligne que parmi ces candidats libres, “80 à 90% viennent des auto-écoles en ligne”, ce qui représente environ 3,4% du marché du permis de conduire. Il s’agit donc encore d’une niche, selon Patrice Bessone[^7^].