Imaginez une douleur violente, insupportable, qui vous rappelle un coup de poignard et irradie du milieu du dos vers l’aine ou le ventre. La colique néphrétique met à l’épreuve même les personnes les plus résistantes. Cette affection est causée par la présence de calculs rénaux, des cristaux formés de substances dissoutes normalement dans l’urine. En France, environ 10% des hommes et 5% des femmes seront confrontés à cette problématique au cours de leur vie.
Un problème de cristallisation
Les calculs rénaux se forment dans les voies urinaires lorsque la concentration des sels solubles dépasse un certain seuil de cristallisation. Cela se produit de la même manière que dans les marais salants, où l’évaporation de l’eau de mer laisse des cristaux de chlorure de sodium solides.
Le processus de formation des calculs commence par la nucléation, puis les cristaux continuent de croître jusqu’à devenir détectables. Cependant, c’est lorsque les calculs migrent dans l’uretère, le conduit qui amène l’urine du rein à la vessie, qu’ils provoquent les douleurs aiguës ressenties lors d’une colique néphrétique. En effet, le calcul bloque le flux urinaire, entraînant une dilatation des voies excrétrices du rein en amont.
On estime que 80% des calculs rénaux sont de nature calcique, tandis que 10 à 20% sont des calculs phospho-ammoniaco-magnésiens résultant d’une infection chronique des voies urinaires. Mais pourquoi ce phénomène se produit-il dans les urines, même en l’absence d’infection ? Tout dépend de l’équilibre entre les forces pro-lithogènes qui favorisent la cristallisation et les forces anti-lithogènes qui s’y opposent.
Soigner son alimentation
Lorsque les reins concentrent les urines, les substances solubles qu’elles contiennent atteignent un niveau où elles devraient normalement cristalliser. Cependant, cela ne se produit généralement pas car les urines contiennent des inhibiteurs naturels de la cristallisation. Certains de ces inhibiteurs sont apportés par l’alimentation, tandis que d’autres sont produits par l’organisme. Mais différents facteurs peuvent favoriser la production de calculs en déséquilibrant les forces lithogènes et anti-lithogènes.
Par exemple, des urines trop concentrées, généralement causées par une faible consommation de liquides, peuvent favoriser la formation de calculs. De même, des variations du pH urinaire, c’est-à-dire de l’acidité urinaire, peuvent avoir un impact. Un pH trop acide favorise la transformation de l’urate de sodium, très soluble, en acide urique, moins soluble. À l’inverse, un pH trop alcalin réduit la solubilité des cristaux de phosphate.
Dans la plupart des cas, le déséquilibre entre les forces lithogènes et anti-lithogènes est causé par le mode de vie moderne. Environ 60% des calculs rénaux sont dus à une surconsommation d’aliments riches en éléments pro-lithogènes. Les aliments riches en protéines animales et en sel sont deux facteurs importants dans la formation de calculs, souvent composés d’oxalate.
La consommation excessive de glucides simples et de graisses, présents en grande quantité dans l’alimentation industrielle, favorise également la formation de calculs d’oxalate. De même, la consommation excessive d’abats, de charcuterie, de gibier, d’anchois ou de sardines favorise la formation de calculs d’acide urique. Le fructose présent dans le miel et les fruits peut également influencer la formation de calculs au-delà d’une certaine quantité quotidienne.
Contrairement à certaines idées reçues, l’excès d’apport en produits laitiers, bien réparti tout au long de la journée, n’est généralement pas une cause fréquente de calculs rénaux. De même, la consommation d’aliments riches en oxalate ne joue généralement pas un rôle majeur dans la formation de calculs, sauf en cas d’excès importants. Il est important de noter que les oxalates urinaires proviennent de la production endogène de notre organisme, et non de notre alimentation.
La maladie de l’ascension professionnelle
La formation de calculs rénaux, dont l’incidence ne cesse d’augmenter dans le monde entier, touche principalement les hommes jeunes âgés de 30 à 50 ans. On la considère parfois comme la “maladie de l’ascension professionnelle”, car dans près de deux tiers des cas, elle est due à un mode de vie déséquilibré. En plus d’une alimentation inappropriée, le manque d’activité physique, la sédentarité, la prise de poids et le stress augmentent le risque de calculs rénaux.
D’autres facteurs peuvent également favoriser la formation de calculs. Environ 10% des cas sont dus à des maladies acquises telles que l’hyperparathyroïdie primaire ou la sarcoïdose. L’hyperacidité urinaire causée par le diabète de type 2 peut également entraîner la formation de calculs d’acide urique.
Dans environ 10% des cas, les calculs résultent d’infections urinaires ou intestinales, principalement causées par des bactéries produisant une enzyme appelée uréase. Ces bactéries transforment l’urée en ammoniaque, réduisant ainsi l’acidité des urines et provoquant la cristallisation des phosphates. Dans de tels cas, un traitement antibiotique à long terme peut être nécessaire pour stériliser les urines.
Les malformations de l’appareil urinaire, appelées uropathies congénitales, expliquent également environ 10% des calculs rénaux. Cette possibilité est particulièrement à considérer lorsque les calculs urinaires se forment toujours du même côté, au même endroit. On parle alors de “lithiase d’organe” par opposition à la “lithiase systémique”.
Environ 5% des cas de calculs rénaux sont dus à des maladies génétiques qui surviennent généralement dès le plus jeune âge. Certaines affections digestives, telles que la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique ou la malabsorption post-bypass, peuvent également entraîner la formation de calculs en modifiant la physiologie intestinale.
Enfin, environ 3% des calculs rénaux sont causés par des désordres vitaminiques tels que des excès de vitamine C ou D, ou un déficit en vitamine B12. Environ 1% des calculs rénaux sont dus à la cristallisation de certains médicaments dans les voies urinaires.
Identifier correctement les causes pour éviter les récidives
Outre la colique néphrétique, la présence de calculs rénaux peut se manifester par d’autres symptômes tels que l’émission d’une “boue urinaire”, un amas de microcristaux sans conglomérat, lors de la miction. Cette émission peut parfois être douloureuse, provoquant des brûlures lors de la vidange de la vessie, voire des lombalgies fugaces. La présence de sang dans les urines peut également être un signe de calculs ou accompagner une colique néphrétique.
Il est essentiel de comprendre les raisons qui ont conduit à la formation des calculs à l’origine des coliques néphrétiques. En effet, environ 10% des cas sont récidivants et peuvent entraîner des complications graves ainsi qu’une maladie rénale chronique. Sans un diagnostic précis établissant la cause, la moitié des personnes atteintes de calculs rénaux risquent de connaître une récidive dans les 5 ans.
Il est donc crucial de prendre le temps de déterminer précisément l’origine de la maladie, car 97% des cas de calculs rénaux récidivants ont une cause identifiable. De plus, dans la plupart des cas, un traitement approprié peut réduire le risque de récidive. Cette démarche peut véritablement changer la vie des personnes concernées, comme en témoigne l’histoire d’une patiente qui, grâce à une prise en charge adaptée, a enfin pu passer une année sans intervention chirurgicale après 24 ans de souffrance.
Pour en savoir plus :
- Le site de l’association Lithiases UriNaires NEtwork ;
- I. Tostivint, P. Jungers (2021) “Calculs rénaux : les aliments à éviter… ou pas !”, Edition Alpen ;
- P. Jungers, O. Traxer, M. Daudon (2012) “La lithiase urinaire” 2e édition, Flammarion Médecine et science.
Cet article a été rédigé en partenariat avec la chaîne santé de l’université de Paris, Pour une meilleure santé (PuMS).