Les disparités entre les femmes et les hommes

Les disparités entre les femmes et les hommes

Les indicateurs

Un premier signe des inégalités économiques entre les femmes et les hommes est l’incorporation des femmes sur le marché du travail, mesurée par le taux d’activité. Depuis les années 1960, les femmes se sont fortement intégrées au marché du travail. Pour les 25-49 ans, le taux d’activité des femmes est d’environ 80 %. Cependant, il y a toujours un écart d’environ 10 points de pourcentage par rapport aux hommes. Malgré leur présence croissante sur le marché du travail, l’insertion des femmes n’est pas équivalente à celle des hommes.

Le travail à temps partiel

Le deuxième indicateur, le temps de travail, soulève l’aspect du travail à temps partiel, qui concerne principalement les femmes. En France, 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par les femmes, et environ un tiers des femmes travaillent à temps partiel. On distingue le temps partiel “contraint”, imposé par les entreprises, et le temps partiel “choisi”, mais ce dernier est souvent un choix par défaut dû aux conditions sociales.

Un autre indicateur, la ségrégation professionnelle, met en évidence que les femmes n’exercent pas les mêmes métiers ni ne travaillent dans les mêmes secteurs que les hommes. Schématiquement, les hommes travaillent principalement dans l’industrie et le bâtiment, tandis que les femmes travaillent majoritairement dans le secteur tertiaire.

Stagnation de la réduction des inégalités

Tous ces facteurs ont des conséquences significatives sur l’écart de salaire et de retraite. En moyenne, l’écart salarial entre les hommes et les femmes est d’environ 25-27 %. Cela s’explique en partie par le temps de travail, mais même à temps de travail équivalent, il existe des écarts salariaux dus à la discrimination subie par les femmes sur le marché du travail et dans les entreprises. Cette discrimination est liée au fait que les femmes sont perçues comme moins investies dans leur emploi, qu’elles prennent des congés maternité ou parentaux, ou qu’elles s’occupent des enfants malades, etc.

Françoise Milewski souligne que la réduction des écarts salariaux s’est interrompue depuis le début des années 1990, avec le développement du temps partiel et la discrimination envers les femmes. Cela a entraîné une augmentation des inégalités et l’émergence de nouvelles formes d’inégalité.

Inégalités entre les femmes

On observe également des différences au sein même des femmes. Depuis les années 1960, d’un côté, les femmes qui ont investi dans l’enseignement supérieur ont obtenu des diplômes et accèdent à des emplois de qualité, bien qu’étant confrontées au “plafond de verre”.

D’un autre côté, la précarité sur le marché du travail s’est également développée massivement parmi les femmes. Cette précarité est liée au temps partiel contraint et aux emplois peu qualifiés. En France et en Europe, la précarité a un rôle genré, car les emplois à bas salaires sont principalement occupés par les femmes. 70 % des employés au salaire minimum sont des femmes, même si l’on considère le taux horaire.

Inégalités de pouvoir

D’autres indicateurs permettent de comprendre l’accès des femmes au pouvoir politique et économique. Politiquement, les femmes sont sous-représentées dans les parlements, les cabinets ministériels et les gouvernements. L’accès au pouvoir économique est également très inégalitaire. Les femmes accèdent rarement à des postes de responsabilité dans les entreprises, et les progrès dans ce domaine sont particulièrement lents.

Que ce soit dans le secteur privé ou dans la fonction publique, seules 10 à 13 % des femmes accèdent véritablement aux postes de pouvoir économique. Cette inégalité est présente dès le début de leur carrière. Les parcours professionnels diffèrent entre les hommes et les femmes. Pourtant, selon Françoise Milewski, si on voulait nommer des femmes à des postes de responsabilité, il serait possible de trouver des candidates.

Une partie des écarts salariaux est liée à cette inégalité de parcours professionnel.

Les causes

Pour Françoise Milewski, les inégalités entre les femmes et les hommes commencent dès la petite enfance, à travers l’éducation dispensée par la famille et l’école.

Dès la petite enfance

L’image imposée aux petites filles et aux petits garçons diffère. Les petites filles sont éduquées pour être des filles, tandis que les petits garçons sont éduqués pour être des garçons. Les garçons sont encouragés à retenir leurs larmes et sont souvent perçus comme plus violents que les filles. Cette éducation se reflète ensuite dans les choix d’orientation scolaire et professionnelle. Les élèves, les familles et les conseillers d’orientation orientent plus facilement les filles vers les métiers du soin, tandis que les garçons sont encouragés vers les mathématiques et la physique.

Un paradoxe se pose : les filles réussissent mieux à l’école, mais leur orientation vers certaines filières reste très différenciée. Par exemple, dans les écoles d’ingénieurs, le nombre de filles reste très faible, et leur proportion évolue très peu.

Différentes valorisations des métiers

Ces inégalités se traduisent dans l’insertion professionnelle par une différenciation des métiers. Dès l’entrée dans la sphère professionnelle, en plus des discriminations présentes dans les entreprises elles-mêmes, la situation est différenciée, ce qui a des répercussions sur la carrière professionnelle.

Articulation entre vie privée et vie professionnelle

Les relations entre la sphère professionnelle et la sphère privée, familiale, sont un autre facteur important d’inégalités. Les tâches domestiques sont inégalement partagées. Malgré l’augmentation de la participation des femmes sur le marché du travail, les inégalités dans la sphère privée se sont peu réduites.

Les femmes effectuent un peu moins de tâches ménagères, principalement grâce à l’utilisation d’appareils électroménagers et parfois à l’aide extérieure pour la garde des enfants ou le ménage. Cependant, cela n’est pas dû à une plus grande implication des hommes dans les tâches domestiques. De plus, il faut distinguer les différentes tâches ménagères. S’occuper des enfants pour les devoirs, les activités sportives ou autres est différent de faire tourner une machine à laver ou de cuisiner tous les jours et non seulement lorsqu’on reçoit des amis. Les stéréotypes persistent et ont un impact sur la répartition des tâches.

Les entreprises hésitent à confier des responsabilités aux femmes, craignant qu’elles ne soient pas suffisamment disponibles. De leur côté, les hommes qui souhaitent prendre des congés font également face à la pression des stéréotypes.

Selon Françoise Milewski, l’articulation permanente entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle constitue une caractéristique spécifique des inégalités entre les femmes et les hommes par rapport à d’autres formes d’inégalités. Le manque de partage au sein de l’entreprise est également dû au manque de partage au sein de la famille, et vice versa. Les femmes sont discriminées dans le monde du travail parce qu’elles sont discriminées dans leur vie personnelle.

Image masculine du pouvoir

Une autre source d’inégalité entre les femmes et les hommes réside dans le poids des stéréotypes : le pouvoir est considéré comme masculin. Une femme qui occupe un poste de pouvoir n’est plus perçue comme féminine. On dit parfois qu’elle “travaille aussi bien qu’un homme”. Les commentaires peuvent même porter sur la façon dont une femme de pouvoir s’habille.

Les femmes finissent par intérioriser ces contraintes. On observe des phénomènes d’autocensure et d’exclusion volontaire. Cependant, selon Françoise Milewski, ce n’est pas le phénomène majeur. Il est essentiel de prendre en compte les phénomènes économiques et les processus qui contribuent à la construction des inégalités. Il est incorrect de considérer que ce sont les personnes discriminées qui sont responsables de leur propre discrimination.

Évolution des structures familiales

Les évolutions démographiques et des structures familiales sont également à prendre en compte. L’augmentation du nombre de séparations et donc du nombre de familles monoparentales, principalement féminines, représente une nouvelle et importante cause d’inégalités. La rupture conjugale peut plonger les femmes qui ont la charge des enfants dans une situation précaire, voire de pauvreté.

La pauvreté ne se limite plus aux chômeurs. Elle touche désormais les personnes en emploi, en particulier les femmes en situation de famille monoparentale, avec un temps partiel contraint ou un salaire bas.

Les politiques publiques

Les politiques publiques peuvent agir au niveau de l’éducation. Les enseignants et les conseillers d’orientation doivent être formés pour prendre en compte les inégalités entre les filles et les garçons. Si certains perpétuent des stéréotypes, ce n’est pas forcément intentionnel, mais le résultat de l’influence de la société dans son ensemble.

Des lois contraignantes pour les entreprises

Au niveau des entreprises, l’introduction de lois contraignantes est nécessaire. Par exemple, la loi sur les quotas de femmes au sein des conseils d’administration des grandes entreprises, qui prévoit 40 % de femmes en 6 ans, a donné des résultats significatifs grâce aux sanctions qui l’accompagnent. En ce qui concerne l’égalité salariale, malgré l’accumulation de lois, les résultats tardent à se concrétiser. Les entreprises doivent être contraintes d’agir, mais la loi actuelle est limitée par ses décrets d’application.

En effet, pour évaluer les discriminations, il ne suffit pas de comparer deux personnes occupant le même poste, il faut prendre en compte des emplois de valeur égale. Cela permettrait, par exemple, de comparer un emploi dans l’industrie à un emploi dans le secteur tertiaire. De plus, il est nécessaire de considérer le parcours professionnel dans son ensemble afin de comprendre les raisons des disparités de carrière entre un homme et une femme ayant commencé avec le même niveau de diplôme et la même position.

Ingérence dans la sphère privée ?

La loi peut-elle intervenir dans la sphère privée ? Certes, les politiques publiques ne doivent pas dicter la répartition des tâches domestiques. Cependant, elles peuvent exercer une influence. Selon Françoise Milewski, les politiques publiques actuelles manquent avant tout de cohérence.

D’un côté, elles affirment la volonté d’une égalité hommes/femmes au sein de la famille, mais les mesures prises ne sont pas adaptées. Par exemple, les congés parentaux, insuffisamment rémunérés, sont principalement pris par des femmes. Les exemples scandinaves sont intéressants : le congé paternité y est plus long, et le congé parental comprend une part non transférable. Ainsi, si l’homme ne prend pas sa part du congé, celle-ci est perdue.

Pas seulement le 8 mars

Il est important de suivre les politiques publiques. La question des inégalités ne doit pas être abordée publiquement uniquement le 8 mars, une journée par an. Chaque politique publique, comme la réforme des retraites par exemple, devrait intégrer la préoccupation de l’égalité entre les femmes et les hommes et être évaluée en fonction de son impact sur ces inégalités.

Françoise Milewski souligne également l’importance de l’auto-organisation des femmes, qui se produit de plus en plus souvent dans les entreprises grâce à la mise en place de réseaux de femmes pour rendre les inégalités visibles et exercer des pressions, notamment par le biais de recours à d’anciennes autorités de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Il est essentiel d’en parler tout en reconnaissant que le sujet est plus présent sur la scène publique qu’il ne l’était il y a quelques années.