Une nouvelle ère pour Moncler
Il y a près de vingt ans, après sa faillite et son rachat par un groupe italien, Moncler, la célèbre marque de doudounes, retrouve désormais un actionnaire français. Eurazeo, une société d’investissement, a acquis 45 % du capital de l’entreprise pour 418 millions d’euros. De ce fait, Eurazeo devient le principal actionnaire, aux côtés du président et directeur artistique de Moncler, Remo Ruffini. Cet Italien de 49 ans, qui a repris la marque pour 45 millions d’euros en 2003, en a fait depuis une référence de la mode. Avec son nouvel actionnaire, Ruffini, qui conserve 32 % du capital, souhaite transformer Moncler en une marque de luxe mondiale.
Une histoire de succès
Fondée en 1952 dans la région de Grenoble par René Ramillon, Moncler s’est fait connaître grâce à ses doudounes en Nylon remplies de plumes d’oie, à la fois imperméables et chaudes. À l’origine, ces doudounes étaient conçues pour l’alpiniste Lionel Terray, vainqueur du Karakorum en 1954. Elles ont ensuite été popularisées grâce à un partenariat avec l’équipe de France de ski aux Jeux olympiques de Grenoble en 1968. Jean-Claude Killy, Annie Famose et Marielle Goitschel ont contribué à faire connaître le logo de la marque, représentant un coq et deux montagnes formant un M tricolore. Dans les années 1980, ces blousons matelassés aux couleurs brillantes sont descendus des pistes pour devenir à la mode dans les grandes villes italiennes et japonaises. Cependant, la marque n’a pas réussi à capitaliser sur ces succès et a dû déposer le bilan en 1992, avant de renaître de ses cendres une décennie plus tard.
Une évolution ambitieuse
Pour relancer la marque, Remo Ruffini l’a hissée au rang de marque de luxe. Il a commencé par confier la création de séries limitées à des créateurs renommés tels que Nicolas Ghesquière ou Comme des Garçons. Ces initiatives lui ont permis de monter en gamme et de diversifier son offre en commençant par les blousons et les pardessus. Les doudounes, désormais vendues entre 500 et 700 euros pièce, représentent aujourd’hui moins de 30 % de l’activité de Moncler, contre plus de 70 % il y a quelques années. La collection printemps-été a généré 28 % des ventes l’année dernière, tandis que les accessoires (sacs, chaussures) ont représenté 10 % des ventes. La marque vient même de lancer une ligne pour enfants.
Une expansion accélérée
Remo Ruffini a également multiplié les ouvertures de boutiques Moncler grâce à un partenariat avec le fonds d’investissement américain Carlyle. Ce dernier a investi 220 millions d’euros pour acquérir 48 % du capital en octobre 2008 et conserve une participation de 17 %. La marque Moncler compte actuellement 55 boutiques, où elle réalise 25 % de ses ventes. Seule entorse au luxe : la fabrication n’est plus “Made in France”. Depuis la fermeture de l’usine grenobloise l’année dernière, celle-ci est confiée à des prestataires extérieurs en Italie et en Europe de l’Est.
Avec cette stratégie, les ventes de Moncler ont augmenté de manière spectaculaire, passant de 35 à 278 millions d’euros entre 2003 et 2010. Elles représentent maintenant 65 % de l’activité du groupe, qui compte également quatre autres marques : Henry Cotton’s, Marina Yachting, Caost + Weber + Ahaus et la licence Cerruti 1881 pour les jeans et le sportswear. Bien que ces marques soient nettement moins rentables que Moncler, Virgine Morgon d’Eurazeo assure qu’il n’est nullement question de les céder.
Un avenir prometteur
En tant qu’actionnaire de référence des groupes Accor, Europcar et Rexel, la société d’investissement Eurazeo s’efforce depuis plusieurs années de se diversifier dans le secteur du luxe. Elle s’est récemment intéressée au chausseur Jimmy Choo, qui a été racheté par le groupe Labelux. Eurazeo prévoit d’accélérer le développement géographique de Moncler, notamment en Asie (avec la Chine en tête) et aux États-Unis, et d’implanter la marque en Russie et en Corée. “Nous allons accélérer le rythme d’ouverture des boutiques (15 à 18 l’an dernier)”, confie Virginie Morgon. Moncler devrait également poursuivre sa diversification dans les vêtements d’été, la maroquinerie et les accessoires. Si tout se passe bien, Remo Ruffini pourra enfin réaliser son rêve dans les trois à cinq prochaines années : introduire Moncler en bourse, que ce soit à Milan ou à Hong Kong.