Après une procédure longue et complexe, les éditions de La Différence sont de retour. Mises en liquidation judiciaire en juin 2017, la maison, connue notamment pour sa collection de poésie Orphée, a réussi à se relever et à repartir de plus belle.
Avec une équipe resserrée et un nouveau cap à prendre, le président de la société, Claude Mineraud, explique avec le sourire : “Nous allons essayer en toute conscience de relever ce défi, malgré les difficultés que cela représente.”
Claude Mineraud avait repris la société en 2011, mais malgré une restructuration complète, les résultats n’ont pas été à la hauteur. Cependant, lors de la procédure de liquidation, la maison a pu compter sur l’aide précieuse de la mandataire judiciaire, de l’expert en propriété intellectuelle et du commissaire-priseur. “Nous avons dû travailler dur pendant vingt mois pour sortir de cette impasse”, confie-t-il.
Le tribunal de commerce a prononcé la clôture de la procédure le 12 février dernier, et la maison n’attend plus que la publication au BODAC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) pour reprendre pleinement son activité. Des négociations sont déjà en cours pour trouver un diffuseur-distributeur, et les premières parutions sont prévues pour le début du deuxième quadrimestre.
Le redressement de la maison doit également beaucoup à une vente aux enchères qui a eu lieu en mars 2018. Des estampes et des œuvres uniques de grands artistes tels que Niki de Saint-Phalle, Jean Dubuffet et Miquel Barcelo ont été proposées, atteignant une valeur brute de plus de 400 000 €. Claude Mineraud insiste sur l’importance de préserver ce lien historique entre les artistes et la maison, en mettant en avant l’art du livre et les œuvres elles-mêmes, et en abordant surtout le marché international.
Un catalogue riche, des textes et des projets
L’éditeur ne repart pas de zéro : “Nous disposons d’un catalogue de 2000 ouvrages, parus au cours des 42 années d’existence de La Différence. Les deux tiers d’entre eux sont encore parfaitement d’actualité et pourraient justifier une nouvelle mise en vente”, explique Claude Mineraud. De plus, des stocks sont encore disponibles.
“Aujourd’hui, notre projet consiste à renouer avec le nom même de la maison : La Différence. Nous voulons publier des ouvrages différents, qui sauront captiver les lecteurs”, ajoute-t-il. L’éditeur ne s’impose aucune limite en termes de genre : romans, essais, poésie, voire même livres de cuisine. “Nous chercherons des ouvrages en français, des traductions, dans le but de créer un catalogue dynamique, en accord avec l’identité de la maison.”
Déjà, un premier projet se profile : celui de deux anthologies autour des textes d’Orphée, une collection qui compte 250 ouvrages. Lancée en juin 2012, elle a été marquée par la parution de cinq ouvrages, dont l’un signé par Adonis. “Nous avons prévu deux approches thématiques, axées sur le vin et l’érotisme, avec l’idée de créer de beaux objets avant tout”, précise-t-il.
D’ailleurs, l’un des ouvrages parus en janvier 2017 a une actualité toute particulière. En février dernier, le procès de Monseigneur Philippe Barbarin, accusé d’avoir dissimulé des actes de pédophilie de prêtres de son ministère, a eu lieu. Ce sujet était au cœur du roman de Bernard Duvert, alias Père Marie-Bernard, lorsqu’il exerçait ses fonctions.
“Le calice des secrets” est une fiction qui décrit les pratiques pédophiles au sein de l’Église. Son auteur, ouvertement homosexuel, avait été privé de son ministère paroissial. “Je suis très familier de la question de la pédophilie au sein de l’Église”, avait-il déclaré en février 2017 à La Dépêche du Midi.
Renouer avec les lecteurs
Pour le moment, les livres numériques ne seront pas une priorité. “Tous les ouvrages de notre catalogue ne sont pas compatibles avec le format ebook, qui est pourtant très populaire. De plus, nous tenons à produire de beaux objets, en changeant notamment le papier utilisé pour les couvertures”, souligne Noé Tir, en charge de l’édition et des relations presse.
Dans cette même optique, la maison souhaite participer à davantage d’événements et même en organiser. “Nous cherchons à établir un lien privilégié entre les lecteurs et les œuvres. En tant qu’éditeurs, nous devons nous plonger dans la réalité et ne pas nous cacher derrière notre bureau”, précise Noé Tir. “Ces rencontres ne seront pas simplement promotionnelles ou liées à la sortie de livres, nous voulons inviter des auteurs à discuter dans des lieux de vie, c’est notre rôle.”
Et avec humour, il ajoute : “Nous avons même une cuisine dans nos bureaux. Il est tout à fait envisageable d’organiser des rencontres gourmandes autour d’une table.” Des événements, des célébrations, des livres qui promettent de stimuler l’esprit : autant d’atouts pour marquer la Différence. Claude Mineraud est convaincu qu’il pourra compter sur tous les amis de la maison pour relever ce défi.