Les origines de l’épidémie du sida

Aux origines de la pandémie du sida

Une femme infectée par le VIH, dans une clinique de Rangoun, en Birmanie.
Une femme infectée par le VIH, dans une clinique de Rangoun, en Birmanie. AP/GEMUNU AMARASINGHE

Il ne fait plus aucun doute que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est à l’origine de l’épidémie de sida. Une équipe internationale a minutieusement retracé l’origine de celle-ci dans le temps et dans l’espace. Les résultats de leur travail, publiés dans la revue Science, démontrent une propagation progressive du virus à partir de la République démocratique du Congo et de Kinshasa, à partir des années 1920. La principale voie de propagation était le chemin de fer. Cette étude, menée par Nuno Faria et son équipe, met un terme aux théories révisionnistes sur l’origine du sida.

La découverte de l’épidémie

La première publication sur des cas de sida remonte à 1981 et l’identification du VIH-1, le type le plus répandu, a été réalisée en 1983. On sait depuis longtemps que le VIH est une forme évoluée d’un virus provenant des singes, qui s’est transmis à l’homme. Cependant, de nombreux détails sur les débuts de l’épidémie restaient flous.

Remonter le temps grâce à la génétique

Pour éclaircir ces zones d’ombre, une équipe de chercheurs européens et nord-américains a analysé les séquences génétiques de centaines d’échantillons de VIH-1 prélevés au Congo belge et dans les pays voisins au cours du XXe siècle. Ces échantillons, conservés au Laboratoire national de Los Alamos, ont permis de retracer l’évolution du virus et de l’associer à l’histoire des activités humaines dans la région.

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Des chimpanzés aux échanges commerciaux

Il s’est avéré que la souche responsable de la pandémie trouvait son origine chez les chimpanzés du sud-est du Cameroun. Aux alentours de 1920, un homme contaminé (probablement par la consommation de viande de brousse ou lors d’une blessure pendant une chasse) s’est rendu à Kinshasa, qui allait devenir le foyer de l’épidémie. L’étude des archives coloniales a révélé une intensification des échanges commerciaux, en particulier pour le commerce de l’ivoire et du caoutchouc, entre ces deux régions à cette époque.

L’essor des transports et de l’urbanisation

Dans les années 1920 à 1950, l’urbanisation et les transports, notamment le chemin de fer, ont connu un essor considérable, en lien avec l’industrie minière. Kinshasa est ainsi devenue une plaque tournante. À partir de 1937, le VIH-1 a été détecté à Brazzaville, la capitale de l’ancienne colonie française du Congo, située à quelques kilomètres de Kinshasa. Le virus s’est ensuite propagé dans d’autres grandes villes de la République démocratique du Congo, en suivant les voies ferroviaires. Par exemple, Lubumbashi, bien que plus éloignée, a été touchée en premier, suivie de Mbuji-Mayi environ deux ans plus tard. La ligne de chemin de fer, qui transportait plus d’un million de personnes en 1948, a également permis au virus de se propager à d’autres régions du pays, telles que Bwamanda et Kisangani, dans le nord-est du Congo.

Les facteurs d’amplification de l’épidémie

Les activités humaines telles que le travail migratoire, la prostitution et l’utilisation d’instruments médicaux non stériles ont contribué à l’amplification de l’épidémie naissante.

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La propagation mondiale du virus

La présence d’Haïtiens travaillant au Congo-Kinshasa, qui venait d’accéder à l’indépendance en 1960, explique l’introduction du virus dans leur pays à leur retour, vers 1964. À partir de là, le virus s’est propagé aux États-Unis et dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne. On connaît la suite : le virus a infecté 75 millions de personnes dans le monde et a causé la mort de 36 millions d’individus.

L’adaptation du virus

Les chercheurs ont confirmé que le VIH-1 du groupe M était prédominant dans l’épidémie, au détriment du groupe O. Pour qu’un virus puisse se propager, il doit pouvoir s’adapter à son nouvel hôte, se répliquer chez lui et se transmettre à d’autres individus. Le VIH-1 du groupe M possédait les caractéristiques nécessaires pour favoriser sa propagation.

La comparaison avec l’épidémie d’Ebola

La reconstitution de l’itinéraire chronologique du VIH, depuis sa sortie de la forêt jusqu’à son développement en épidémie, est d’une grande importance, notamment en ce moment où l’épidémie d’Ebola sévit en Afrique de l’Ouest. Selon Martine Peeters, virologue à l’Institut de recherche pour le développement, il existe des parallèles entre ces deux épidémies, mais personne ne s’attendait à ce que le virus Ebola se propage aussi rapidement, beaucoup plus vite que le VIH. Les modes de transmission et la durée d’incubation diffèrent considérablement entre les deux virus. Le VIH a mis soixante ans pour devenir une épidémie mondiale, tandis qu’Ebola n’a eu besoin que de quarante ans.

Au travers de cette étude, nous comprenons mieux comment l’épidémie de sida s’est propagée à travers le monde, depuis ses origines en Afrique centrale. Ces résultats nous rappellent l’importance de la recherche et de la prévention pour lutter contre les maladies infectieuses.

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