Les ours polaires (Ursus maritimus) sont depuis des années les victimes emblématiques du réchauffement climatique. Les images d’ours affamés ou coincés sur des morceaux de glace font régulièrement le tour d’internet et des médias. En effet, la banquise arctique, leur terrain de chasse, fond de plus en plus en été et ne se reforme plus correctement en hiver. Or, les ours polaires ont besoin de la glace pour chasser leurs proies préférées, les phoques.
Les experts sont unanimes, les ours polaires sont en danger. Ils sont considérés comme “vulnérables” par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) depuis 2015. Une récente étude publiée dans Nature Climate Change prédit que si la planète continue de se réchauffer, ces superprédateurs pourraient disparaître des glaces du pôle Nord d’ici 2100.
Une période de jeûne trop longue
Les chercheurs ont calculé les limites d’endurance des ours polaires en analysant leur consommation d’énergie. En d’autres termes, ils ont déterminé la durée pendant laquelle un ours polaire peut jeûner ou réduire ses rations lors des mois d’été où la banquise est complètement fragmentée.
“Ce que nous avons montré, c’est que nous allons perdre la survie des oursons. Les oursons naîtront, mais les femelles n’auront pas suffisamment de graisse corporelle pour produire du lait et les faire passer la saison sans glace”, explique Steven Amstrup, chercheur américain à la tête de l’étude, dans une interview accordée à la BBC.
Selon les différentes régions de l’Arctique, ces seuils d’endurance varient, et certains sous-groupes d’ours polaires pourraient déjà les atteindre, notamment ceux vivant plus au sud du cercle polaire. Les chercheurs ont extrapolé ces résultats pour le futur en prenant en compte un scénario où les émissions de gaz à effet de serre resteraient élevées. D’ici 2100, plusieurs populations d’ours polaires pourraient disparaître, à l’exception de ceux vivant à l’extrême nord. Il reste donc près de 80 ans pour éviter que ce scénario ne devienne une triste réalité. La banquise est vitale non seulement pour les ours polaires, mais aussi pour de nombreuses autres espèces.
Des signes alarmants
Le réchauffement climatique est une fois de plus pointé du doigt. Un chercheur du musée de Sydney en Australie, Tim Flannery, accuse le phénomène de faire fondre la couverture de glace de l’Arctique à un rythme effrayant de huit pour cent par an, mettant ainsi en péril les ours polaires qui y vivent. Selon lui, ces animaux pourraient disparaître du Canada d’ici 25 ans.
Pour appuyer ses propos, Tim Flannery s’appuie sur les preuves accumulées par les scientifiques depuis les années 70 :
- Les ours polaires donnaient naissance régulièrement à des triplés, alors qu’aujourd’hui, les femelles n’ont qu’un seul ourson.
- Le temps de sevrage a également diminué, passant de 18 à 12 mois.
- Le poids moyen des ours a diminué de 15 % en vingt ans.
- Le printemps arrive de plus en plus tôt, avec une fonte de la neige une à deux semaines plus tôt qu’il y a vingt ans. Les ours polaires sont donc contraints de chasser le phoque sur une période plus courte et de jeûner plus longuement.
Le Canada et le protocole de Kyoto
La visite de Tim Flannery à Ottawa la semaine dernière a coïncidé avec une déclaration de l’ancien Premier ministre Brian Mulroney, appelant les politiciens canadiens à réagir face à la menace du réchauffement climatique. Cette intervention faisait suite à l’annonce du gouvernement actuel selon laquelle le Canada ne serait pas en mesure de respecter immédiatement ses engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto.
“Le Canada avait l’habitude de mieux faire. À mes yeux, ce serait une tragédie s’il ne respectait pas ses obligations internationales”, a commenté Tim Flannery, ajoutant que la meilleure façon de réduire les émissions de gaz à effet de serre était d’appliquer le principe du “pollueur payeur”.
Il est donc urgent de prendre des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique afin de protéger les ours polaires et leur habitat. Si nous agissons rapidement, nous pouvons encore empêcher leur disparition d’ici la fin du siècle. Les ours polaires sont les emblèmes de notre responsabilité envers la nature et de notre capacité à préserver la biodiversité de notre planète.
Article publié le 24 avril 2006 par Christophe Orly.