Les Réunions de Concertation Pluridisciplinaire (RCP) sont nées au début des années 2000 dans le sillage du premier Plan Cancer, visant à optimiser et standardiser la prise en charge des patients atteints de cancer. Depuis, elles se sont étendues à de nombreux autres domaines de la médecine, en particulier pour les patients présentant des maladies chroniques graves ou complexes. Les RCP réunissent les professionnels de santé impliqués dans la prise en charge d’un patient, dans le but d’optimiser la démarche diagnostique et thérapeutique, réduire les inégalités de prise en charge et faciliter l’accès aux thérapies innovantes. La rigueur de la mise en place et du suivi d’une RCP est essentielle pour son succès et sa pérennité.
Qu’est-ce qu’une RCP ?
Les RCP réunissent des professionnels de santé de différentes disciplines dont les compétences sont nécessaires pour prendre des décisions concernant la meilleure prise en charge des patients en fonction de l’état actuel de la science. Lors des réunions, les dossiers des patients sont examinés de manière collégiale. Les décisions prises sont ensuite consignées, communiquées et expliquées aux patients. Les décisions peuvent porter sur tous les aspects d’un cas, tels que l’établissement d’une stratégie diagnostique, la validation du diagnostic, l’établissement d’une stratégie de prise en charge initiale ou secondaire, voire la décision de mettre en place une stratégie palliative. Les RCP sont particulièrement utiles pour les patients atteints de pathologies rares et/ou complexes, comme c’est souvent le cas pour les maladies neuromusculaires. Dans notre domaine, la prise de décision collective permet de rompre l’isolement d’un généticien moléculaire face à une nouvelle variante de pathogénicité incertaine ou celui d’un clinicien face à une caisse de Sécurité Sociale réticente à l’idée d’un traitement hors AMM ou innovant.
Comment mettre en place une RCP ?
Le cadre législatif encadrant les RCP en oncologie est strict et le mode d’organisation des RCP en dehors de l’oncologie s’en inspire. Il est important de fixer des objectifs clairs pour la RCP afin d’assurer la participation et la pérennité des participants. Il est possible de transformer un “staff” en RCP, mais il est nécessaire de formaliser les choses, par exemple en établissant une charte. Voici les éléments clés à préciser :
- Titre de la RCP : Il définit le domaine de la RCP. Il peut être général, comme “RCP de neurologie périphérique”, ou plus spécifique, comme “RCP amylose à transthyrétine”, en fonction des objectifs fixés.
- Définition du périmètre de la RCP : Il s’agit de déterminer si la RCP est limitée à un service, un pôle, un établissement, ou si elle est ouverte à des professionnels extérieurs (libéraux, CHG, etc.).
- Définition des intervenants : Cela comprend un coordinateur qui organise et anime les réunions, ainsi que les médecins représentant chaque spécialité nécessaire à la pluridisciplinarité de la RCP (neurologues, neurophysiologistes, imageurs, pathologistes, généticiens, cardiologues, MPR, etc.), ainsi que les autres professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient (psychologues, kinésithérapeutes, assistantes sociales, IDE, etc.).
- Définition de la périodicité des réunions et de leur durée maximale : En général, deux heures suffisent pour que l’assemblée reste concentrée.
- Définition des critères de sélection des dossiers étudiés : Cela peut être lié à des problématiques diagnostiques, thérapeutiques ou à un intérêt pédagogique pour la communauté, par exemple.
Il est recommandé de s’appuyer sur un secrétariat efficace pour organiser et planifier les réunions sur une période de six mois à un an, communiquer le planning aux professionnels de santé, assurer la disponibilité des locaux (surtout pour les RCP multisites qui utilisent la visioconférence), établir la liste des dossiers à analyser en collaboration avec le coordinateur, et assurer la traçabilité du compte rendu de la RCP dans le dossier patient (papier ou électronique) ainsi que sa diffusion.
Comment se déroule une RCP ?
Chaque participant signe la liste d’émargement en début de réunion. Pendant la RCP, chaque dossier est discuté en suivant quatre étapes :
- Présentation du cas par le médecin référent.
- Discussion du cas entre les professionnels.
- Décision collégiale.
- Rédaction du compte rendu, qui peut être fait pendant la séance ou rapidement après par le secrétaire de séance. Ce compte rendu est intégré au dossier médical et peut être communiqué aux autres professionnels, comme le médecin traitant. Il doit systématiquement préciser la date de la réunion, le nom et la qualité des intervenants, la décision de la RCP ainsi que les alternatives possibles, les références scientifiques utilisées (si possible) et le nom du médecin référent qui sera chargé du suivi de la décision.
Une RCP n’implique pas nécessairement une unité de lieu. Bien qu’il soit plus simple d’organiser une RCP avec tous les intervenants présents dans la même pièce, il est possible de faire des RCP en ligne via la visioconférence ou d’autres outils similaires. Cela nécessite cependant un mécanisme sécurisé de partage du dossier médical pour que tous les participants aient accès aux mêmes informations tout en respectant la confidentialité des données.
Si le médecin référent du patient décide de ne pas appliquer la décision de la RCP, les raisons doivent être explicitement argumentées et consignées dans le dossier du patient. En plus de la traçabilité du compte rendu dans chaque dossier patient, le secrétariat de la RCP doit tenir un registre indiquant, à chaque réunion, les noms des participants, les noms des patients dont les dossiers ont été évalués et les décisions prises. Ces éléments permettent au responsable de la RCP de fournir un rapport d’activité annuel, qui comprend le nombre de réunions annuelles, le nombre de cas discutés, les critères de sélection (cas complexes, cas fréquents et/ou pédagogiques), la conformité des décisions aux recommandations et PNDS, la concordance entre les propositions de la RCP et leur mise en application, ainsi que la liste des actions d’amélioration entreprises ou finalisées suite à cette RCP (par exemple, l’accès à des thérapies innovantes).
Quels sont les bénéfices et les risques d’une RCP ?
La mise en place et la systématisation des RCP ont des conséquences positives pour les patients et les équipes qui les prennent en charge. En oncologie, les RCP ont permis de standardiser les prises en charge et d’améliorer le suivi des patients. Les concertations pluridisciplinaires favorisent la transparence de l’information entre tous les acteurs impliqués dans le parcours du patient et peuvent servir de référence en cas de litige. Les RCP favorisent également la recherche translationnelle en permettant un diagnostic plus précis, en améliorant le partage d’information entre les équipes, en encourageant les praticiens et chercheurs à confronter leurs idées pour générer de nouvelles études, et en accélérant le recrutement des patients pour les essais thérapeutiques.
Pour garantir que la RCP ne s’oppose pas à la liberté de prescription de chaque praticien, il est essentiel que la décision soit clairement collégiale et argumentée. Lorsque les membres de la RCP ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la prise en charge, cela doit être consigné dans le compte rendu, afin de permettre au médecin référent de choisir l’option qui lui semble la meilleure. En cas de RCP en ligne, il est essentiel de s’appuyer sur l’expertise de la Direction des Services Informatiques des hôpitaux pour garantir la sécurité des échanges.
Auteur : L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt concernant les données publiées dans cet article.
Références :
- © 2018 médecine/sciences – Inserm