Les anticorps monoclonaux (Acm) connaissent une croissance fulgurante sur le marché pharmaceutique, avec une augmentation annuelle d’environ 14%. Ils représentent aujourd’hui 40% du marché des biomédicaments, estimé à 42 milliards de dollars en 2010. Alors que 22 Acm sont déjà commercialisés, près de 500 autres sont en cours de développement. La demande mondiale d’Acm dépasse déjà les 2 tonnes en 2008, ce qui nécessite des capacités de production industrielles considérables. Actuellement, les plateformes de production sont principalement basées sur des systèmes mammaliens, en particulier la cellule CHO dérivée de l’ovaire du hamster chinois. Bien que cette lignée cellulaire ait permis des progrès significatifs dans la production d’Acm, avec une productivité spectaculaire allant jusqu’à plus de 1 gramme par litre de culture, ces procédés sont coûteux. En conséquence, les traitements à base d’Acm sont également onéreux, avec un coût moyen mensuel par patient compris entre 1 000 et 5 000 euros. Dans ce contexte, il est nécessaire de trouver des systèmes de production alternatifs qui permettraient une réduction des coûts de production tout en maintenant l’efficacité thérapeutique des Acm. Cet article fait le point sur les différents systèmes de production alternatifs en développement et leurs avantages et inconvénients respectifs.
La glycosylation des anticorps monoclonaux
La glycosylation des Acm joue un rôle essentiel dans leurs propriétés biologiques, notamment dans leur demi-vie dans la circulation sanguine et leurs interactions avec les cellules effectrices. Les systèmes de production mammaliens ont longtemps été privilégiés en raison de leur capacité à réaliser des modifications post-traductionnelles proches de celles des anticorps humains naturels. Cependant, des recherches récentes ont montré que la glycosylation de certains Acm pouvait être modifiée afin d’améliorer leur efficacité thérapeutique. Il est donc essentiel de développer des systèmes de production capables de synthétiser des Acm avec un profil de glycosylation similaire à celui des anticorps humains naturels.
Les systèmes alternatifs de production d’anticorps monoclonaux
Les systèmes bactériens
Les bactéries, en particulier Escherichia coli, sont couramment utilisées pour la production à grande échelle de protéines recombinantes en raison de leur facilité de manipulation et de leur coût de production avantageux. Cependant, les bactéries ne sont pas capables de réaliser des modifications post-traductionnelles complexes, ce qui limite leur utilisation pour la production d’Acm complets. Elles sont plutôt utilisées pour la production de fragments d’anticorps tels que les fragments FV ou scFV. Certains progrès ont néanmoins été réalisés dans l’expression de fragments complets d’Acm dans Escherichia coli, mais cette approche reste limitée à la production de réactifs de recherche.
Les levures et champignons filamenteux
Les levures et les champignons filamenteux offrent une grande productivité et sont déjà utilisés dans l’industrie agroalimentaire et textile pour la production de protéines recombinantes. Ces organismes sont capables de réaliser des modifications post-traductionnelles complexes, y compris la glycosylation. Des travaux sont en cours pour optimiser la glycosylation de ces organismes, afin de produire des Acm avec un profil de glycosylation proche de celui des anticorps humains naturels.
Les cellules d’insectes
Les cellules d’insectes infectées par un vecteur dérivé du baculovirus peuvent également être utilisées pour la production de protéines recombinantes, y compris des Acm. Cependant, le profil de glycosylation naturellement présent chez les cellules d’insectes peut différer de celui des anticorps humains, ce qui nécessite des modifications génétiques pour obtenir un profil de glycosylation plus proche de celui des anticorps humains naturels.
Les plantes transgéniques
Les plantes transgéniques ont été considérées comme une voie prometteuse pour la production de protéines recombinantes en grande quantité, en particulier dans les feuilles de tabac ou les graines de soja. Cependant, les structures glycanniques présentes dans les protéines recombinantes produites dans les plantes peuvent différer de celles des anticorps humains, ce qui nécessite des travaux d’optimisation de la glycosylation.
Les animaux transgéniques
Les animaux transgéniques, tels que les chèvres ou les souris, peuvent également être utilisés pour la production d’Acm dans leur lait. Bien que cette approche présente certains avantages, comme la production d’Acm avec un profil de glycosylation proche de celui des anticorps humains, les différences de structures glycanniques par rapport aux anticorps humains nécessitent des études approfondies avant toute application clinique.
Les cellules aviaires
Les cellules souches embryonnaires de canard ont été utilisées pour développer la lignée cellulaire EB66, qui présente de nombreux avantages pour la production d’Acm. Ces cellules aviaires peuvent être cultivées en suspension et peuvent être facilement modifiées génétiquement. De plus, elles produisent des Acm avec un profil de glycosylation normal mais avec un taux de fucose réduit, ce qui améliore leur activité biologique.
En conclusion, la recherche de systèmes alternatifs de production d’Acm est en cours afin de répondre à la demande croissante de ces thérapies tout en réduisant les coûts de production. Bien que de nombreux challenges restent à surmonter, certains de ces systèmes alternatifs, tels que les cellules aviaires EB66, montrent un fort potentiel pour la production d’Acm plus efficaces et moins coûteux.