Les tarifs réglementés du gaz, la fin d’une ère: que faire?

Les tarifs réglementés du gaz, la fin d’une ère: que faire?

Les tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG) vivent leurs dernières heures. Prévus par la loi Energie et Climat du 8 novembre 2019, ces TRVG disparaissent le 30 juin 2023. À partir de samedi prochain donc, les quelque deux millions et demi de clients concernés par cette tarification devront faire un choix. Ils pourront soit continuer avec leur fournisseur historique en bénéficiant de son offre dite “de bascule” ou opter pour l’une de ses offres de marché ou alors s’orienter vers la concurrence.

Alors que plusieurs fournisseurs de gaz dévoilent de nouvelles offres, nous vous aidons à y voir plus clair.

Comment réagissent les fournisseurs?

D’après l’UFC-Que Choisir, les acteurs du secteur semblent jouer le jeu même s’il faut attendre la fin du mois de juin pour connaître l’ensemble des nouvelles offres qui vont arriver sur le marché.

“Pas mal de fournisseurs ont annoncé des indexations sur le prix repère mis en place par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui devient un argument commercial, note Lucile Buisson, chargée de mission Energie au sein de l’association de consommateurs. On peut aussi s’attendre à des offres promotionnelles de certains pour aller capter les clients qui sortent du TRVG.”

Fournisseurs

C’est notamment le cas de TotalEnergies qui a annoncé cette semaine une remise de 10% pendant un an à destination de tous ses nouveaux clients particuliers. De son côté, le fournisseur historique Engie n’envisage pas de telles opérations promotionnelles à court terme.

Concernant le prix repère de la CRE, il fonctionne comme un loyer de référence et vise à éviter des offres exagérément élevées en servant de “boussole aux consommateurs”. Mis à jour chaque mois, il s’agit d’un prix variable qui intègre à la fois les coûts d’approvisionnement (coût de l’énergie sur le marché de gros) et les coûts hors approvisionnement comme les coûts commerciaux, d’acheminement ou encore de stockage ainsi que la rémunération du fournisseur. Concrètement, la CRE simule les coûts d’un opérateur moyen auxquels elle ajoute une marge commerciale “raisonnable”.

Bien que ce prix repère succède en pratique au TRVG, il s’en distingue dans le fait qu’il n’est pas imposé à Engie. De même, aucun autre fournisseur n’est obligé d’y indexer son offre même si plusieurs le feront selon Lucile Buisson qui cite EDF ou encore les entreprises locales de distribution (ELD) qui ont des monopoles locaux comme à Bordeaux, Grenoble et Strasbourg. Par ailleurs, les fournisseurs devront proposer des offres à tarification variable sur le modèle heures creuses/heures pleines en janvier prochain.

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Quid des offres indexées sur le TRVG?

Outre les 2,55 millions de clients concernés par le tarif réglementé de vente de gaz, trois millions bénéficiaient d’offre indexée sur ce TRVG, le plus souvent à la baisse afin de concurrencer Engie qui fournit à lui seul 2,3 millions de clients via cette tarification (les autres sont alimentés par des ELD). Désormais, les fournisseurs d’offres indexées sur le TRVG vont indexer ces offres sur d’autres éléments tel que l’indice PEG ou le prix repère de la CRE. “On observe qu’ils choisissent plutôt ce dernier”, confirme Lucile Buisson.

En quoi consiste l’offre Passerelle d’Engie?

Mercredi, le fournisseur historique de gaz a présenté son offre “de bascule” nommée “Passerelle” dont le prix est consultable pour chaque code postal sur un site dédié. Applicable au 1er juillet, le tarif Passerelle comprend, comme auparavant, un prix d’abonnement annuel qui dépend de la consommation annuelle prévisionnelle et un prix au kWh qui lui-même dépend de la consommation et de la commune d’habitation. “Il y a des différences pour le distributeur de gaz sur l’effort à fournir selon le lieu de la commune et le coût d’acheminement et de transport du gaz peut varier, rappelle Céline Regnault, directrice Grand Public France. De même, le coût n’est pas le même selon le niveau de consommation du client, ses usages. Un client en chauffage aura une consommation différente tout au long de l’année par exemple.” Lors d’un point presse, la représentante d’Engie a indiqué que le prix diminuait particulièrement pour les clients consommant le plus. Un habitant de Douai en maison qui consommerait 14.000 kWh pour se chauffer et se doucher enregistrerait une baisse de plus de 1700 euros par rapport aux estimations d’avril, soit 19%. Cette baisse annuelle dépasserait 500 euros, soit -15%, pour un Parisien en appartement consommant 3000 kWh en cuisson et eau chaude.

En revanche, la directrice Grand Public France d’Engie précise que “ces prix au kilowattheure évolueront chaque mois à la hausse ou à la baisse en fonction des évolutions de prix de marché”, en tenant compte de l’indice de référence de coûts d’approvisionnement du gaz défini par la CRE, à ne pas confondre avec le prix repère.

Les clients basculeront par défaut dès le 1er juillet sur l’offre Passerelle s’ils n’ont pas choisi d’ici là une autre offre, chez Engie, ou un concurrent. L’offre est résiliable sans frais à tout moment pour ceux après le 1er juillet. Elle est sans limite de durée, tant qu’il y aura des abonnés, mais ceux qui décideraient de la quitter ne pourront plus y revenir.

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Que proposent les fournisseurs locaux de gaz?

S’il fournit une large majorité des clients français au tarif réglementé, Engie n’est pas le seul fournisseur de gaz via cette tarification. Quelques centaines de milliers de consommateurs bénéficient du TRVG auprès de fournisseurs locaux. Gaz de Bordeaux en fait partie et est issu de la scission de l’entreprise locale de distribution du même nom en deux entités distinctes il y a plus de quinze ans. D’une part, Régaz assume désormais le rôle de distributeur, d’autre part Gaz de Bordeaux s’occupe de fournir les quelques 270.000 clients dont 200.000 domestiques, y compris depuis quelques années dans des villes qui ne sont pas en Gironde comme Nantes ou encore Saint-Etienne.

Sur la zone historique du fournisseur, Bordeaux et 46 communes aux alentours, environ 100.000 clients sont au tarif réglementé de vente. “Il va transiter sur notre offre de bascule qui sera indexée sur l’indice de référence de la CRE, indique Cyril Vincent, le directeur général de Gaz de Bordeaux. On est inférieur au prix repère de la CRE d’environ 5% et la plupart de nos consommateurs concernés optent pour la bascule car c’est une offre intéressante qui est la même que celle proposée aux nouveaux clients.”

Pour l’instant, Gaz de Bordeaux se concentre donc sur cette offre de marché à prix indexé mais ne devrait pas tarder à proposer de nouveau des offres à prix fixes qui ont été écartées en raison d’une gestion complexe avec le bouclier tarifaire. “Quand la situation redeviendra normale avec des prix assez bas, les offres à prix fixes reviendront, assure Cyril Vincent. On n’est pas loin du moment où on va les relancer, on avait déjà hésité pour le mois de juillet.” Dans un contexte énergétique incertain, le patron du fournisseur a également fait le choix de repousser toute stratégie commerciale “aggressive” même s’il souscrit un nombre croissant de clients sur la zone de distribution de GRDF: “Il y a 2-3 ans, on se disait que la fin des TRVG aurait pu être l’occasion pour se déployer fortement mais la crise fait que chaque fournisseur se concentre sur son propre portefeuille de clients.”

Pourquoi faut-il comparer les offres de marché?

Aucune offre ne s’étant significativement distinguée de Passerelle au cours des dernières semaines, Lucile Buisson conseille aux consommateurs concernés d’y basculer dans un premier temps puis de comparer les différentes offres. “Les consommateurs ne veulent pas prendre de risques avec des offres de marché volatiles”, justifie-t-elle. Céline Regnault a constaté une “logique attentiste” au cours des derniers mois: “Lors de cette période de hausse des prix, les clients ont eu tendance à rester sur l’offre à laquelle ils avaient souscrit jusqu’à présent. On a observé un peu moins de changements d’offres que ce soit au sein de notre portefeuille ou sous la forme de départs à la concurrence.”

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Globalement, les consommateurs sont invités à utiliser les différents outils à leur disposition comme le comparateur d’offres du Médiateur national de l’énergie. “Le mieux est de souscrire et de voir la réalité des offres car elles ne sont pas du tout les mêmes entre 5.000 et 20.000 kWh de consommation annuelle”, ajoute Lucile Buisson qui rappelle que la résiliation est possible à tout moment. Un travail de comparaison qui est d’autant plus pertinent que d’importants écarts de facture peuvent survenir sur une année entière.

La chargée de mission de l’UFC-Que Choisir met également en avant l’instabilité des avantages que présentent les offres: “Selon la formule d’indexation, l’offre avantageuse en janvier ne l’est plus forcément en mars et il faut l’avoir à l’esprit.”

Pour autant, les offres de marché à prix fixe qui “bloquent” le tarif sur une durée d’un à quatre ans ne mettent pas systématiquement à l’abri des fluctuations des tarifs. “Elles peuvent paraître alléchantes au moment où les prix du gaz sont bas mais même avec un contrat fixe, les dispositions peuvent changer, avertit Lucile Buisson.

Seulement, le fournisseur a un délai de prévenance d’un mois, donc le client a le temps de voir venir un éventuel changement tarifaire à la hausse alors qu’une offre de marché va changer tous les mois sans que le client ne soit forcément prévenu.”

Quel est le risque de flambée des factures?

Si l’expiration des tarifs réglementés de vente du gaz ne devrait pas avoir d’incidence majeure sur les factures des consommateurs, la fin du bouclier tarifaire sur le gaz en raison du retour à la normale des prix de gros suscite davantage d’inquiétudes.

“On ne revivra pas la crise qu’on a vécue à partir de la fin de l’année 2021 mais il y a toujours un cycle de consommation avec une période qui peut être critique durant l’automne et l’hiver, insiste Lucile Buisson. Cependant, il est arrivé durant cette crise que plusieurs fournisseurs n’en profitent pas pour changer significativement leurs offres.”

“Si jamais les prix venaient à remonter fortement, le gouvernement et les pouvoirs publics ont indiqué qu’ils pourraient être amenés à remettre en place un nouveau bouclier tarifaire et dans ce cas nous et les autres fournisseurs appliqueront les mesures demandées par le gouvernement”, souligne Céline Regnault d’Engie. Une prolongation du dispositif en 2024 ne pourra être décidée qu’à l’occasion de la prochaine loi de finances en fin d’année.