Les transformations de l’industrie automobile menacent 100 000 emplois en France

Les transformations de l’industrie automobile menacent 100 000 emplois en France

L’industrie automobile fait face à une transformation inéluctable. Alors que cinq ouvriers travaillaient autrefois sur une chaîne de montage pour produire une voiture à essence ou au diesel, demain, seulement trois seront nécessaires pour fabriquer une voiture électrique du même modèle. Et cette réduction ne concerne que les ateliers ultramodernes des grands constructeurs. Si l’on se penche sur les équipementiers, qui produisent jusqu’à 80% des pièces nécessaires à la fabrication d’une voiture à combustion interne, la destruction d’emplois sera beaucoup plus massive. Les équipementiers fabriquent encore aujourd’hui des culasses, des pots d’échappement, des carburateurs et des boîtes de vitesses, des objets qui deviendront parfaitement inutiles demain. Il suffit de soixante-dix pièces différentes pour construire un moteur électrique, contre près de trois cents pour un moteur thermique…

Une fois la voiture électrique sur la route, il faudra également prendre en compte les victimes de la casse sociale. Les garagistes et les concessionnaires, qui auront pratiquement plus de réparations ni d’entretien à faire. Les casseurs, qui devront démonter les batteries, auront une tâche bien plus compliquée que le recyclage d’un moteur. Sans parler des stations-service qui devront se reconvertir en gestionnaires de bornes de recharge, avec deux ou trois fois moins d’emplois à la clé.

Les observateurs sont unanimes : une catastrophe sociale se profile pour toute l’industrie automobile. Le passage d’un modèle à un autre en l’espace d’une demi-génération signera la fin de centaines de métiers et de dizaines de milliers d’emplois. De l’amont à l’aval, des chaînes de montage aux entreprises qui travaillent dans l’ombre des constructeurs, en passant par celles qui servent les automobilistes et entretiennent leurs voitures, des dizaines de milliers d’entreprises seront touchées.

500 000 emplois menacés en Europe

Les chiffres sont accablants et difficilement contestables. À l’échelle européenne, plus de 500 000 emplois sont menacés, selon les travaux effectués pour le compte de l’Association européenne des fournisseurs automobiles (CEPA). Cependant, certains adeptes du paquet Fit-for-55 préfèrent se ranger derrière le concept de “destruction créatrice”. Selon l’économiste Joseph Aloïs Schumpeter, lorsque la destruction est créatrice d’innovation, elle crée davantage d’emplois qu’elle n’en détruit. Cependant, l’étude estime également que plus de 275 000 personnes seront mises de côté, même si de nouveaux emplois seront créés dans les logiciels, l’électronique de puissance et la fabrication des batteries.

Il est également important de noter que ces créations d’emplois dépendront de la compétitivité des filières européennes. Alors que la production de batteries peut être délocalisée, les garagistes, quant à eux, ne peuvent pas l’être. Il est donc incertain que la filière des batteries “made in UE”, appelée de ses vœux par la Commission européenne, soit suffisamment compétitive pour faire face à la concurrence asiatique. De plus, remplacer les garagistes et les ouvriers par des ingénieurs et des employés hautement qualifiés ne sera pas une mince affaire…

La transformation de l’industrie automobile intervient à un moment où celle-ci est déjà fragilisée par l’une des pires crises de son histoire. La pandémie a entraîné une chute des ventes de véhicules, ce qui a eu pour conséquence l’arrêt quasi-total des métiers périphériques, de l’entretien aux équipementiers. De plus, la crise des semi-conducteurs a paralysé l’industrie, avec des milliers d’ouvriers au chômage technique, des usines à l’arrêt pendant plusieurs mois et des millions de voitures en pièces détachées.

100 000 emplois en danger en France

En 2004, au sommet du secteur, 333 000 personnes travaillaient dans la conception et la fabrication de voitures en France, selon les données compilées par l’institut Rexecode pour Les Échos. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 200 000… Une chute de plus de 130 000 emplois en seulement quinze ans.

Si l’on prend en compte tous les services liés à l’automobile (entretien, recyclage, contrôles techniques, etc.), environ 400 000 personnes travaillent dans cette filière en France aujourd’hui. La transition vers les voitures électriques mettra en danger 100 000 emplois sur les 400 000 de la filière. Il suffit de se pencher sur l’histoire récente des groupes français pour comprendre que cette menace est bien réelle.

En 2011, le groupe PSA employait encore près de 100 000 personnes en France, ils ne sont plus qu’environ 45 000 aujourd’hui. Les effectifs français de Renault suivent la même tendance. Progressivement, ces deux fleurons de l’industrie automobile ont tourné le dos à la France, plus rapidement pour l’un que pour l’autre. Les écarts de coûts salariaux, les impôts de production plus élevés que chez nos voisins et le manque de compétitivité des salariés français, du moins sur l’aspect financier, ont coûté cher à l’industrie automobile.

Que se passera-t-il avec la transition vers les voitures électriques ? Les plans présentés par les deux firmes en début d’année 2022 ne laissent aucun doute sur les réductions d’emplois à prévoir. Carlos Tavares, PDG de Stellantis, a déclaré “notre combat consiste désormais à limiter au maximum les 50% de surcoût de l’électrique, ce qui se traduit par 10% de gain de productivité en moyenne par an. Il s’agit donc de passer de 2% ou 3% à 10% par an !”. Selon lui, seuls les constructeurs qui survivront à cette compétition seront présents dans quelques années.

En conclusion, la transition vers les voitures électriques met en danger des milliers d’emplois en France. Les constructeurs, les équipementiers, les garagistes et les concessionnaires subiront de plein fouet les conséquences de cette transformation. La concurrence asiatique et la compétitivité des filières européennes ajouteront également des incertitudes quant à la création de nouveaux emplois dans des domaines tels que la fabrication de batteries. Face à cette réalité, il est essentiel de prendre des mesures pour accompagner et reconvertir les travailleurs touchés par ces changements majeurs dans l’industrie automobile.