Ces dernières années, les critiques concernant les voitures électriques se sont multipliées. Elles remettent en question leur capacité à lutter contre le réchauffement climatique, mettant en avant une pollution supérieure à celle des modèles à essence et diésel en termes de bilan CO2. De plus, on parle de l’utilisation croissante de terres rares et d’autres métaux pour les batteries, ce qui pourrait épuiser rapidement nos ressources minières et nous rendre dépendants de la Chine. Enfin, les dégâts environnementaux et humains, notamment le travail des enfants en République démocratique du Congo, sont régulièrement pointés du doigt par les ONG.
Cependant, un récent documentaire intitulé “À Contresens: Voiture électrique, la grande intoxication”, réalisé par Jerôme Piguet, démontre après une enquête approfondie que ces allégations sont infondées et relèvent plutôt de fausses informations. Malheureusement, ce documentaire n’est pas encore diffusé en France, contrairement à la Belgique où il sera bientôt diffusé par la RTBF. En revanche, Arte et France-Info, dans leurs programmations récentes, mettent plutôt en avant les arguments anti-voitures électriques.
Si vous êtes impatient d’en apprendre davantage, certains résumés de Claudio Rumolino sur le sujet peuvent vous apporter quelques éclaircissements.
Faits et Témoignages
L’enquête présentée dans le documentaire apporte des faits et des témoignages sur le cobalt et le travail des enfants en République démocratique du Congo, sur le basculement du pétrole vers les métaux, sur le lithium, sur le recyclage des batteries, sur l’inexistant “guerre des métaux” confondue avec le “Grand Jeu des métaux”. Elle rappelle également que les “métaux rares” n’existent pas et que les “terres rares” ne sont pas si rares que cela. Contrairement à ce qui est souvent avancé, elles sont peu présentes, voire absentes, des véhicules électriques, ce qui est loin d’être le cas pour les voitures à essence et diesel. En résumé, le documentaire réfute de manière convaincante les fake news anti-voiture électrique et ouvre la voie à une réflexion sur l’hydrogène.
Deux séquences de ce documentaire méritent particulièrement notre attention, bien qu’elles ne soient que mentionnées.
Lobby Pétrolier ?
La propagande anti-voiture électrique est-elle liée aux intérêts du lobby pétrolier ? C’est l’une des questions soulevées par les journalistes du documentaire, qui s’interrogent sur l’activité des riches frères Koch, industriels pétroliers et négociants en matières premières, ainsi que fervents soutiens financiers de Donald Trump. Ces derniers ont financé une thèse anti-électrique qui fait écho aux arguments des détracteurs de la voiture électrique, et le documentaire ne manque pas de faire le lien entre ces deux camps. Cette séquence interroge donc les liens financiers et autres qui pourraient exister entre les partisans du pétrole et les opposants à la voiture électrique, ainsi que le rôle des médias qui relayent ces thèses sans chercher à examiner les faits ni à confronter les opinions. Les médias, qu’il s’agisse des chaînes de télévision, des radios ou des journaux, ne sont-ils pas tout simplement devenus les victimes de ces messagers sans nuance ? Le documentaire révèle également la mystification et l’ignorance de certains intervenants, pourtant célébrés par de nombreux médias, ce qui soulève une question fondamentale quant à l’intégrité de l’information diffusée.
Autre aspect révélateur du documentaire : les outils médiatiques utilisés par les détracteurs de la voiture électrique. Les études prétendant démontrer que la mobilité électrique émet plus de CO2 que les voitures à essence ou diesel sont particulièrement mises en avant. Pourtant, il est difficile d’en connaître les sources et le financement. Ces études se concentrent principalement sur les métaux présents dans les batteries, mais sont reprises en boucle par de prétendus spécialistes de l’énergie, des métaux et de l’éco-blanchiment de la voiture électrique. Il n’est donc pas étonnant de les entendre citées dans les médias grand public, de LCI à France 5, en passant par BFM ou même Cnews avec Eric Zemmour.
Retour à la Réalité
Contrairement aux rumeurs, le documentaire de Jonas Schneiter et Marc Muller mène un véritable travail de vérification. Par exemple, en se rendant en République démocratique du Congo, où la production mondiale de cobalt est concentrée, ou encore au Chili avec le lithium. Tous les acteurs du secteur y expriment leurs points de vue, souvent nuancés et loin des clichés véhiculés depuis Paris. De même, des scientifiques et des industriels répondent de manière étayée aux fausses informations qui, à force d’être répétées sans être vérifiées, sont devenues des “vérités” médiatiques. Par exemple, le documentaire démonte la célèbre étude affirmant qu’un Hummer pollue moins qu’une Toyota Prius : méthode incompréhensible, données sans origine ni source, présentation biaisée et calcul des résultats opaque, dissimulant ainsi les erreurs éventuelles.
Au fil du temps, le retour à la réalité s’imposera de lui-même. Les véhicules électriques sont déjà un succès en Europe et en Asie, comme en témoignent les ventes croissantes. Ce n’est pas encore le cas aux États-Unis, où les lobbies, notamment ceux du secteur pétrolier, ont bénéficié du soutien de l’administration Trump et restent encore puissants.
En conclusion, la manipulation anti-voiture électrique et les doutes sur l’intégrité de l’information suscitent un malaise chez le spectateur. Ce documentaire deviendra sans doute un cas d’école enseigné dans les écoles de journalisme et d’infoguerre, afin d’éviter de tomber dans le piège des rumeurs et de préserver une information de qualité pour tous.
(*) Didier Julienne est spécialiste des marchés des matières premières et anime un blog sur les problématiques industrielles et géopolitiques liées à ces marchés. Il est également auteur sur LaTribune.fr
