De plus en plus de Québécois se lancent dans le monde des véhicules électriques. Une révolution qui nécessite un engagement politique plus fort à Québec pour mettre fin à la pénurie de véhicules et accélérer la mise en place de bornes de recharge.
Lorsqu’Ivan Radovic calcule ses dépenses énergétiques pour faire fonctionner sa voiture depuis le début de l’année, il ne peut réprimer un sourire. “Ça m’a coûté 125 $”, dit-il. Habitant dans un triplex sans espace de stationnement, il a acheté une Tesla électrique après avoir vu l’installation d’une borne publique de recharge du Circuit électrique dans une petite rue près de chez lui.
L’arrivée des bornes a également incité Rafael Bourrellis, qui habite également un triplex à Montréal, à abandonner les véhicules à essence. “Il y a plusieurs bornes publiques près de chez moi et je réalise qu’elles sont souvent libres. Ça m’a convaincu que ce serait une solution qui fonctionnerait”, explique M. Bourrellis, qui prendra possession d’une voiture électrique Volkswagen en décembre.
Longtemps considérés comme un produit de niche, les véhicules électriques suscitent un intérêt croissant chez les Québécois. Selon un sondage de Maru Canada, 61% des Québécois souhaitent se tourner vers les véhicules zéro émission pour leur prochain achat. Parallèlement, 71% des Canadiens envisagent d’opter pour un véhicule électrique, selon une étude de KPMG.
Cette tendance s’intensifie à mesure que la date butoir de 2035 approche. En effet, dans un peu plus de 12 ans, la vente de véhicules neufs fonctionnant à l’énergie fossile sera interdite dans la province du Québec, ainsi qu’en Californie et dans l’Union européenne.
À court terme, le gouvernement du Québec vise à multiplier par onze le nombre de véhicules électriques d’ici huit ans, afin d’atteindre 1,6 million de véhicules électriques sur les routes québécoises d’ici 2030. Bien que le Québec soit en avance par rapport au reste du Canada, avec 45% des véhicules électriques du pays, la transition des véhicules à énergie fossile vers les véhicules électriques ne se fera pas sans difficultés, préviennent les experts.
Le défi de l’approvisionnement
Le principal obstacle actuel réside dans la disponibilité des véhicules. Tous ceux qui ont essayé d’en acheter savent que les délais d’attente peuvent dépasser un an. En raison d’une demande croissante sur le marché mondial, les endroits ayant adopté des normes moins contraignantes, comme le Québec, sont souvent les derniers servis.
L’approvisionnement en véhicules électriques risque de rester difficile pendant encore quelques années. Il faudra attendre 2028 avant que la norme sur la vente de véhicules zéro émission proposée par le gouvernement québécois ait une influence significative sur l’approvisionnement en véhicules électriques.
Le défi de la recharge
Un autre défi majeur lié à l’adoption massive des véhicules électriques est l’infrastructure de bornes de recharge. Actuellement, il y a plus de véhicules électriques en banlieue et en région qu’en milieu urbain, principalement en raison de la facilité de recharge à domicile. Cependant, il est essentiel d’installer davantage de bornes de recharge dans les grandes villes pour répondre à la demande croissante.
À Montréal, par exemple, 1154 bornes de recharge publiques sont actuellement en service, et la ville prévoit en installer 2000 d’ici 2024. Cependant, selon Simon-Pierre Rioux de l’Association des véhicules électriques du Québec, cet objectif reste modeste.
La recharge dans les parkings intérieurs des immeubles d’appartements pose également des défis. Peu d’immeubles en copropriété sont équipés de bornes de recharge, et le Code de construction de la Régie du bâtiment du Québec ne prévoit pas leur installation dans les nouvelles constructions ou la possibilité d’ajouter des bornes dans les constructions existantes. Certains propriétaires qui souhaitent installer une borne dans leur immeuble peuvent se heurter au refus des copropriétaires qui ne souhaitent pas payer une partie des coûts.
Multiplier le nombre de bornes
Au Québec, il existe actuellement 6 800 bornes de recharge publiques dans les rues, ainsi que 1 100 bornes rapides. Selon une analyse de l’organisme International Council on Clean Transportation (ICCT), le Québec aura besoin de 24 000 bornes publiques d’ici 2025. En 2035, lorsque 100% des nouveaux véhicules seront électriques, on en comptera 78 900, dont 9 900 bornes rapides.
Il est donc essentiel d’accélérer la mise en place de bornes de recharge pour répondre à la demande croissante. Les municipalités jouent un rôle clé dans ce déploiement, en finançant et en déterminant l’emplacement des bornes de recharge sur leur territoire. En parallèle, des initiatives privées telles que Couche-Tard, IGA et Petro-Canada commencent également à déployer des bornes de recharge rapides.
Les “hubs”
La prochaine étape de l’électrification des transports est la création de “hubs”, des centres de recharge qui pourraient répondre aux besoins de centaines de résidents d’un quartier urbain. Par exemple, les stationnements inutilisés la nuit pourraient être équipés de bornes de recharge pour permettre aux citoyens de recharger leur véhicule pendant cette période.
Selon Daniel Breton, l’avènement de ces “hubs” va changer la donne. De plus, le gouvernement doit encourager des initiatives telles que l’autopartage électrique, qui réduisent le nombre de véhicules en circulation grâce à l’utilisation partagée d’un même véhicule électrique.
Le Québec est en avance en matière de véhicules électriques, mais la forte demande pour les VUS énergivores annule les réductions d’émissions résultant de l’adoption des véhicules électriques. Pour Andréanne Brazeau, analyste politique en mobilité durable chez Équiterre, il est nécessaire de mettre en place des incitations financières et de taxer les véhicules les plus polluants pour vraiment changer les comportements.
En conclusion, le Québec est sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs en matière de véhicules électriques, mais il reste encore des défis à relever. L’approvisionnement en véhicules et l’installation d’un plus grand nombre de bornes de recharge sont des priorités. Cependant, avec une volonté politique et des initiatives innovantes, le Québec peut continuer à être un leader dans la transition vers les véhicules zéro émission.