Le service Autolib’ propose une “offre pro” depuis juin 2012. CHRISTOPHE ENA / AP
La voiture électrique n’est pas aussi “écologique” ou “propre” qu’on pourrait le croire. C’est la conclusion de trois avis récemment publiés par le jury de déontologie publicitaire (JDP) concernant des publicités pour des véhicules en libre-service du groupe Bolloré, Autolib’ et Bluely, ainsi que la voiture électrique Zoé de Renault.
L’association Observatoire du nucléaire a demandé au JDP, une instance de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), d’examiner les publicités d’Autolib’ qualifiant le service d’”écologique” et de “propre”. De son côté, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) s’est plainte d’une publicité pour la Zoé de Renault affirmant “Pour lutter contre la pollution, roulez en voiture” et précisant que la Zoé est “100% électrique, 0% d’émissions”.
Des Effets Négatifs sur l’Environnement
Le JDP a constaté que ces publicités affirmaient le caractère écologique des services promus, sans aucun élément de relativisation ou de comparaison. Or, l’utilisation de ces services a inévitablement des effets négatifs sur l’environnement, tels que l’usure des véhicules et l’électricité nécessaire à leur recharge, dont la provenance n’est pas totalement issue de sources renouvelables.
L’avis sur la Zoé de Renault est plus mesuré, soulignant que la publicité ne laisse pas entendre que les véhicules électriques n’ont aucun impact négatif sur l’environnement. Les petites mentions en bas de page précisent que l’absence de CO2 concerne uniquement l’utilisation du véhicule, et non l’ensemble de son cycle de vie ou la production d’électricité nécessaire à sa recharge.
Il est regrettable que la publicité en question incite explicitement les consommateurs à opter pour une voiture électrique pour réduire la pollution atmosphérique, alors qu’il existe d’autres moyens de transport communément admis comme moins nocifs pour l’environnement, tels que les transports en commun ou le vélo.
Éléments de Pondération
Selon Stéphane Martin, directeur général de l’ARPP, ces publicités doivent être nuancées et relativisées, en accord avec les recommandations de développement durable de l’ARPP. Tous les véhicules ont un impact sur l’environnement, que ce soit lors de leur construction ou de leur cycle de vie. Il est donc incorrect de qualifier les voitures électriques de “propres”, mais il est possible de soutenir qu’elles contribuent au développement durable ou qu’elles sont plus propres que les voitures thermiques, à condition d’en apporter la preuve.
L’Observatoire du nucléaire souligne notamment l’origine nucléaire de l’électricité utilisée pour recharger les batteries (75% en France) ainsi que l’exploitation du lithium, qui peut polluer l’environnement. Selon Stéphane Lhomme, directeur de l’Observatoire du nucléaire, la voiture électrique délocalise la pollution autour des mines d’uranium et de lithium, des centrales nucléaires et des sites de stockage de déchets radioactifs. Il invite plutôt à développer davantage les transports en commun et le covoiturage.
Les Constructeurs Réagissent
Le JDP a déjà critiqué à neuf reprises des publicités pour des voitures électriques. Depuis l’année dernière, les publicités pour la C-Zéro de Citroën, l’Opel Ampera, la Nissan Leaf, la I-Miev de Mitsubishi, la Bluecar de Bolloré (utilisée pour Autolib’, Bluely et BlueCub) ainsi que la BlueCub (voiture en libre-service à Bordeaux) ont été visées. Bien que les avis du JDP ne soient pas contraignants, les entreprises ont généralement modifié leurs publicités pour donner une image positive à leurs clients et aux collectivités locales. Tous les constructeurs ont fait des modifications, sauf Bolloré.
Selon Julien Marin, directeur de la communication de Bolloré, “si nous devons enlever un mot, nous le ferons”. Cependant, il estime que la voiture électrique suscite un grand intérêt de la part des villes du monde entier en tant que véhicule non polluant. Il souligne également que les batteries utilisées sont des batteries lithium métal polymère, qui ne risquent pas de s’enflammer contrairement aux batteries lithium-ion. A Lyon, Bolloré a également un partenariat avec la Compagnie nationale du Rhône qui fournit une électricité 100% hydraulique.
Limitation de la Pollution Locale
Un rapport publié par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en décembre dernier comparait les émissions de véhicules électriques et de véhicules thermiques. Bien que les véhicules électriques émettent plus de CO2 à leur sortie d’usine (principalement à cause de l’extraction des métaux utilisés dans les batteries), ils rattrapent rapidement leur retard grâce à l’électricité nucléaire, qui émet peu ou pas de gaz à effet de serre (mais génère des déchets radioactifs). Sur une durée de vie moyenne de 150 000 kilomètres, une voiture électrique émettra environ 10 tonnes de CO2, contre 22 tonnes pour une voiture diesel et environ 27 tonnes pour une voiture à essence, selon une évaluation de l’étude.
En Allemagne, où l’électricité provient actuellement à 44% du charbon très émetteur de gaz à effet de serre, les émissions des voitures électriques seront plus importantes qu’une voiture conventionnelle jusqu’à 100 000 kilomètres, similaires au-delà de 100 000 kilomètres et légèrement inférieures en fin de vie, à 150 000 kilomètres. Néanmoins, la voiture électrique reste indéniablement un moyen efficace de limiter la pollution locale dans les villes.
Le projet de loi sur la transition énergétique présenté par la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, prévoit 7 millions de points de recharge en France d’ici 2030. Le bonus pour l’achat d’un véhicule électrique sera maintenu et même augmenté, pouvant atteindre jusqu’à 10 000 euros lorsque le propriétaire se débarrasse d’un véhicule diesel.
Source: Le Monde