L’esclavage moderne en France : Un fléau qui persiste

L’esclavage moderne en France : Un fléau qui persiste

C’est un sujet qui était censé appartenir au passé, mais qui continue d’exister de nos jours. On le nomme “traite des êtres humains à des fins économiques”, “esclavage moderne” ou encore “travail forcé”. Pourquoi cette horreur perdure-t-elle ? La réponse réside dans un point commun partagé par tous ceux et celles qui se trouvent réduits à l’état d’esclaves : la vulnérabilité. Dans un monde qui se referme sur lui-même, les migrants, dépourvus de droits de séjour, deviennent et seront de plus en plus vulnérables.

Selon Elizabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains, la traite des êtres humains est un phénomène qui ne cesse de s’aggraver en raison de la vulnérabilité croissante des populations liée aux mouvements migratoires.

Les statistiques sur ce sujet sont difficiles à obtenir, mais elles existent néanmoins. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, la traite des êtres humains représente un marché de 32 milliards de dollars par an, dont 3 milliards d’euros pour l’Europe.

D’après les études disponibles, il existe trois types de trafic humain. Le trafic de migrants est actuellement le plus médiatisé, mais il est en réalité le moins important en termes de volume. Environ 80% du trafic d’êtres humains est lié à l’exploitation sexuelle, principalement des femmes. Les 18% restants correspondent à l’exploitation de la force de travail. Travailler sous contrainte, vivre dans la peur constante, être déshumanisé et privé de liberté de mouvement, voilà ce que l’on appelle l’esclavage moderne ou le travail forcé.

D’après un récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail, environ 25 millions de personnes dans le monde sont victimes de cette forme d’esclavage, dont 4 millions sont asservies par leur propre État. Le Global Slavery Index révèle que l’Inde, la Chine, le Pakistan, le Bangladesh et l’Ouzbékistan sont les pays où l’on recense le plus de cas. L’enquête de Sandrine Rigaud pour l’émission “Cash investigation” intitulée “Coton, l’envers de nos tee-shirts” a brillamment démontré la situation en Ouzbékistan.

Pourtant, il n’est pas nécessaire de vivre dans une dictature ou dans un pays en guerre pour être un esclave moderne. En Europe, on estime qu’il y aurait au moins 600 000 personnes dans cette situation, selon l’Organisation Internationale du Travail.

Les images poignantes de l’esclavage moderne en Europe

Les images choquantes de la Libye nous rappellent que l’esclavage existe encore en plein XXIe siècle, mais il est important de réaliser qu’il sévit également sur notre continent. Dans une vidéo produite par Anti-Slavery International, la plus ancienne ONG du monde avec 175 ans d’existence, le visage de certains esclaves contemporains est dessiné. Aucun pays n’est épargné. L’ONG explique qu’elle ne cite pas de noms d’entreprises ni ne lance d’appels au boycott, car la mondialisation complexe des chaînes de montage et de confection rend impossible de garantir qu’un produit ne contient pas une part d’esclavage.

En France, le Comité Contre l’Esclavage Moderne existe depuis 1994 et a déjà aidé 650 personnes à ce jour. Jusqu’à récemment, la plupart des cas concernaient des jeunes filles réduites à la servitude domestique, mais la situation évolue. L’année dernière, 25% des cas signalés étaient des hommes, travaillant sur des chantiers de construction, dans le commerce ou l’agriculture. Ils sont logés dans des cabanes, leurs papiers sont confisqués ou ils n’en ont tout simplement pas. Certains d’entre eux sont même français, déclare Sylvie O’Dy, présidente du Comité.

Elle mentionne également le cas de deux personnes handicapées mentales, exploitées pendant 30 ans par un employeur n’ayant finalement écopé que de 5 ans de prison, dont trois avec sursis. Malheureusement, ce genre de cas n’est pas isolé. Selon le ministère de la Justice, 71 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains en 2015. Dans 90% de ces cas, une peine de prison ferme a été prononcée, avec une durée moyenne de 2,9 années.

Une prise de conscience récente…

Il y a encore peu de condamnations pour cette forme extrême d’exploitation, et il est actuellement impossible de distinguer clairement l’exploitation à des fins sexuelles de l’exploitation à des fins économiques. De plus, il est difficile de détecter les victimes qui ne veulent pas toujours porter plainte, et l’arsenal juridique est très récent. Avant l’année 2000 et l’adoption de la Convention de Palerme, aucune convention des Nations Unies ne prévoyait une lutte internationale coordonnée contre le trafic d’êtres humains.

Ce n’est qu’en 2011 qu’une directive européenne a été adoptée, imposant aux États membres de l’Union européenne l’instauration de peines minimales. La France a transposé cette directive en 2013. Auparavant, lors d’un procès, les chefs d’accusation retenus étaient généralement liés aux conditions de travail indécentes ou dissimulées. La traite des êtres humains, la servitude et le travail forcé n’étaient pas spécifiquement réprimés par le Code pénal français. Ce manquement a d’ailleurs valu à la France d’être condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2005 et en 2012.

Les choses évoluent néanmoins, et aujourd’hui, une réelle prise en charge du problème est en cours, notamment au sein de l’Union européenne, en Grande-Bretagne où une loi sur l’esclavage moderne a été adoptée, et en France. Toutefois, cette préoccupation n’est pas universelle. Au Brésil, par exemple, depuis l’élection de Michel Temer, le gouvernement est accusé de dissimuler l’esclavage moderne pour plaire à son électorat.

En France, une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains a été créée en 2013 afin de coordonner l’action des pouvoirs publics (ministère de la Justice, de l’Intérieur, du Travail, OFPRA, CNCDH). En 2014, cette mission a lancé un plan d’action comprenant notamment des formations et des séminaires sur la traite des êtres humains.

Toutes les victimes ont désormais des droits spécifiques, explique Elizabeth Moiron-Braud, la secrétaire générale de la Mission interministérielle. Une victime qui dépose plainte ou témoigne dans le cadre d’une enquête sur la traite des êtres humains se voit attribuer une carte de séjour d’un an.

Le Conseil de l’Europe a salué ces efforts dans un rapport récent sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains. Cependant, ce rapport souligne également d’importantes lacunes, notamment dans les moyens mis en œuvre pour réduire les risques d’exploitation des mineurs et des migrants, ainsi que dans les statistiques sur le trafic. En effet, il est actuellement impossible de savoir quelle proportion des condamnations concerne l’exploitation sexuelle et quelle proportion concerne l’exploitation économique.

L’exploitation économique par opposition à l’exploitation sexuelle

L’exploitation à des fins économiques, moins visible que la prostitution, nécessite des moyens supplémentaires, selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, qui a également rendu en 2016 un rapport sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains.

En pratique, la Mission interministérielle n’a pas de moyens dédiés pour lancer des campagnes de sensibilisation. Elle se contente de coordonner les actions et dépend du secrétariat d’État aux droits des femmes. Même si les femmes sont les premières victimes de la traite des êtres humains en France (88% du total selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), le Comité contre l’esclavage moderne déplore le fait que l’exploitation économique ne soit considérée que comme une sous-question de la violence envers les femmes.

Dans un cadre aussi vaste, il est difficile de prendre le temps d’aborder les risques liés à l’explosion de la sous-traitance et à la responsabilité des multinationales, dont certaines sont françaises, dans la perpétuation de ces pratiques. Une charte visant à sensibiliser les entreprises à la traite des êtres humains est actuellement en cours d’élaboration. Toutefois, étant donné le nombre de chartes de bonne conduite qui restent lettre morte, il faudra bien plus d’efforts pour inverser la tendance et réduire le nombre d’esclaves modernes dans le monde de demain.

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Ci-dessous, vous pouvez également visionner “L’Île aux fleurs”, un court métrage de Jorge Furtado datant de 1989, dont certains extraits sont inclus dans la version audio de la bulle économique. Ce pamphlet poétique et cynique sur la liberté et l’esclavage est à réserver aux âmes sensibles…

C’est un sujet qui était censé appartenir au passé, mais qui continue d’exister de nos jours. On le nomme “traite des êtres humains à des fins économiques”, “esclavage moderne” ou encore “travail forcé”. Pourquoi cette horreur perdure-t-elle ? La réponse réside dans un point commun partagé par tous ceux et celles qui se trouvent réduits à l’état d’esclaves : la vulnérabilité. Dans un monde qui se referme sur lui-même, les migrants, dépourvus de droits de séjour, deviennent et seront de plus en plus vulnérables.

Selon Elizabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains, la traite des êtres humains est un phénomène qui ne cesse de s’aggraver en raison de la vulnérabilité croissante des populations liée aux mouvements migratoires.

Les statistiques sur ce sujet sont difficiles à obtenir, mais elles existent néanmoins. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, la traite des êtres humains représente un marché de 32 milliards de dollars par an, dont 3 milliards d’euros pour l’Europe.

D’après les études disponibles, il existe trois types de trafic humain. Le trafic de migrants est actuellement le plus médiatisé, mais il est en réalité le moins important en termes de volume. Environ 80% du trafic d’êtres humains est lié à l’exploitation sexuelle, principalement des femmes. Les 18% restants correspondent à l’exploitation de la force de travail. Travailler sous contrainte, vivre dans la peur constante, être déshumanisé et privé de liberté de mouvement, voilà ce que l’on appelle l’esclavage moderne ou le travail forcé.

D’après un récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail, environ 25 millions de personnes dans le monde sont victimes de cette forme d’esclavage, dont 4 millions sont asservies par leur propre État. Le Global Slavery Index révèle que l’Inde, la Chine, le Pakistan, le Bangladesh et l’Ouzbékistan sont les pays où l’on recense le plus de cas. L’enquête de Sandrine Rigaud pour l’émission “Cash investigation” intitulée “Coton, l’envers de nos tee-shirts” a brillamment démontré la situation en Ouzbékistan.

Pourtant, il n’est pas nécessaire de vivre dans une dictature ou dans un pays en guerre pour être un esclave moderne. En Europe, on estime qu’il y aurait au moins 600 000 personnes dans cette situation, selon l’Organisation Internationale du Travail.

Les images poignantes de l’esclavage moderne en Europe

Les images choquantes de la Libye nous rappellent que l’esclavage existe encore en plein XXIe siècle, mais il est important de réaliser qu’il sévit également sur notre continent. Dans une vidéo produite par Anti-Slavery International, la plus ancienne ONG du monde avec 175 ans d’existence, le visage de certains esclaves contemporains est dessiné. Aucun pays n’est épargné. L’ONG explique qu’elle ne cite pas de noms d’entreprises ni ne lance d’appels au boycott, car la mondialisation complexe des chaînes de montage et de confection rend impossible de garantir qu’un produit ne contient pas une part d’esclavage.

En France, le Comité Contre l’Esclavage Moderne existe depuis 1994 et a déjà aidé 650 personnes à ce jour. Jusqu’à récemment, la plupart des cas concernaient des jeunes filles réduites à la servitude domestique, mais la situation évolue. L’année dernière, 25% des cas signalés étaient des hommes, travaillant sur des chantiers de construction, dans le commerce ou l’agriculture. Ils sont logés dans des cabanes, leurs papiers sont confisqués ou ils n’en ont tout simplement pas. Certains d’entre eux sont même français, déclare Sylvie O’Dy, présidente du Comité.

Elle mentionne également le cas de deux personnes handicapées mentales, exploitées pendant 30 ans par un employeur n’ayant finalement écopé que de 5 ans de prison, dont trois avec sursis. Malheureusement, ce genre de cas n’est pas isolé. Selon le ministère de la Justice, 71 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains en 2015. Dans 90% de ces cas, une peine de prison ferme a été prononcée, avec une durée moyenne de 2,9 années.

Une prise de conscience récente…

Il y a encore peu de condamnations pour cette forme extrême d’exploitation, et il est actuellement impossible de distinguer clairement l’exploitation à des fins sexuelles de l’exploitation à des fins économiques. De plus, il est difficile de détecter les victimes qui ne veulent pas toujours porter plainte, et l’arsenal juridique est très récent. Avant l’année 2000 et l’adoption de la Convention de Palerme, aucune convention des Nations Unies ne prévoyait une lutte internationale coordonnée contre le trafic d’êtres humains.

Ce n’est qu’en 2011 qu’une directive européenne a été adoptée, imposant aux États membres de l’Union européenne l’instauration de peines minimales. La France a transposé cette directive en 2013. Auparavant, lors d’un procès, les chefs d’accusation retenus étaient généralement liés aux conditions de travail indécentes ou dissimulées. La traite des êtres humains, la servitude et le travail forcé n’étaient pas spécifiquement réprimés par le Code pénal français. Ce manquement a d’ailleurs valu à la France d’être condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2005 et en 2012.

Les choses évoluent néanmoins, et aujourd’hui, une réelle prise en charge du problème est en cours, notamment au sein de l’Union européenne, en Grande-Bretagne où une loi sur l’esclavage moderne a été adoptée, et en France. Toutefois, cette préoccupation n’est pas universelle. Au Brésil, par exemple, depuis l’élection de Michel Temer, le gouvernement est accusé de dissimuler l’esclavage moderne pour plaire à son électorat.

En France, une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains a été créée en 2013 afin de coordonner l’action des pouvoirs publics (ministère de la Justice, de l’Intérieur, du Travail, OFPRA, CNCDH). En 2014, cette mission a lancé un plan d’action comprenant notamment des formations et des séminaires sur la traite des êtres humains.

Toutes les victimes ont désormais des droits spécifiques, explique Elizabeth Moiron-Braud, la secrétaire générale de la Mission interministérielle. Une victime qui dépose plainte ou témoigne dans le cadre d’une enquête sur la traite des êtres humains se voit attribuer une carte de séjour d’un an.

Le Conseil de l’Europe a salué ces efforts dans un rapport récent sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains. Cependant, ce rapport souligne également d’importantes lacunes, notamment dans les moyens mis en œuvre pour réduire les risques d’exploitation des mineurs et des migrants, ainsi que dans les statistiques sur le trafic. En effet, il est actuellement impossible de savoir quelle proportion des condamnations concerne l’exploitation sexuelle et quelle proportion concerne l’exploitation économique.

L’exploitation économique par opposition à l’exploitation sexuelle

L’exploitation à des fins économiques, moins visible que la prostitution, nécessite des moyens supplémentaires, selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, qui a également rendu en 2016 un rapport sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains.

En pratique, la Mission interministérielle n’a pas de moyens dédiés pour lancer des campagnes de sensibilisation. Elle se contente de coordonner les actions et dépend du secrétariat d’État aux droits des femmes. Même si les femmes sont les premières victimes de la traite des êtres humains en France (88% du total selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), le Comité contre l’esclavage moderne déplore le fait que l’exploitation économique ne soit considérée que comme une sous-question de la violence envers les femmes.

Dans un cadre aussi vaste, il est difficile de prendre le temps d’aborder les risques liés à l’explosion de la sous-traitance et à la responsabilité des multinationales, dont certaines sont françaises, dans la perpétuation de ces pratiques. Une charte visant à sensibiliser les entreprises à la traite des êtres humains est actuellement en cours d’élaboration. Toutefois, étant donné le nombre de chartes de bonne conduite qui restent lettre morte, il faudra bien plus d’efforts pour inverser la tendance et réduire le nombre d’esclaves modernes dans le monde de demain.

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Marie Viennot

Ci-dessous, vous pouvez également visionner “L’Île aux fleurs”, un court métrage de Jorge Furtado datant de 1989, dont certains extraits sont inclus dans la version audio de la bulle économique. Ce pamphlet poétique et cynique sur la liberté et l’esclavage est à réserver aux âmes sensibles…

C’est un sujet qui était censé appartenir au passé, mais qui continue d’exister de nos jours. On le nomme “traite des êtres humains à des fins économiques”, “esclavage moderne” ou encore “travail forcé”. Pourquoi cette horreur perdure-t-elle ? La réponse réside dans un point commun partagé par tous ceux et celles qui se trouvent réduits à l’état d’esclaves : la vulnérabilité. Dans un monde qui se referme sur lui-même, les migrants, dépourvus de droits de séjour, deviennent et seront de plus en plus vulnérables.

Selon Elizabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains, la traite des êtres humains est un phénomène qui ne cesse de s’aggraver en raison de la vulnérabilité croissante des populations liée aux mouvements migratoires.

Les statistiques sur ce sujet sont difficiles à obtenir, mais elles existent néanmoins. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, la traite des êtres humains représente un marché de 32 milliards de dollars par an, dont 3 milliards d’euros pour l’Europe.

D’après les études disponibles, il existe trois types de trafic humain. Le trafic de migrants est actuellement le plus médiatisé, mais il est en réalité le moins important en termes de volume. Environ 80% du trafic d’êtres humains est lié à l’exploitation sexuelle, principalement des femmes. Les 18% restants correspondent à l’exploitation de la force de travail. Travailler sous contrainte, vivre dans la peur constante, être déshumanisé et privé de liberté de mouvement, voilà ce que l’on appelle l’esclavage moderne ou le travail forcé.

D’après un récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail, environ 25 millions de personnes dans le monde sont victimes de cette forme d’esclavage, dont 4 millions sont asservies par leur propre État. Le Global Slavery Index révèle que l’Inde, la Chine, le Pakistan, le Bangladesh et l’Ouzbékistan sont les pays où l’on recense le plus de cas. L’enquête de Sandrine Rigaud pour l’émission “Cash investigation” intitulée “Coton, l’envers de nos tee-shirts” a brillamment démontré la situation en Ouzbékistan.

Pourtant, il n’est pas nécessaire de vivre dans une dictature ou dans un pays en guerre pour être un esclave moderne. En Europe, on estime qu’il y aurait au moins 600 000 personnes dans cette situation, selon l’Organisation Internationale du Travail.

Les images poignantes de l’esclavage moderne en Europe

Les images choquantes de la Libye nous rappellent que l’esclavage existe encore en plein XXIe siècle, mais il est important de réaliser qu’il sévit également sur notre continent. Dans une vidéo produite par Anti-Slavery International, la plus ancienne ONG du monde avec 175 ans d’existence, le visage de certains esclaves contemporains est dessiné. Aucun pays n’est épargné. L’ONG explique qu’elle ne cite pas de noms d’entreprises ni ne lance d’appels au boycott, car la mondialisation complexe des chaînes de montage et de confection rend impossible de garantir qu’un produit ne contient pas une part d’esclavage.

En France, le Comité Contre l’Esclavage Moderne existe depuis 1994 et a déjà aidé 650 personnes à ce jour. Jusqu’à récemment, la plupart des cas concernaient des jeunes filles réduites à la servitude domestique, mais la situation évolue. L’année dernière, 25% des cas signalés étaient des hommes, travaillant sur des chantiers de construction, dans le commerce ou l’agriculture. Ils sont logés dans des cabanes, leurs papiers sont confisqués ou ils n’en ont tout simplement pas. Certains d’entre eux sont même français, déclare Sylvie O’Dy, présidente du Comité.

Elle mentionne également le cas de deux personnes handicapées mentales, exploitées pendant 30 ans par un employeur n’ayant finalement écopé que de 5 ans de prison, dont trois avec sursis. Malheureusement, ce genre de cas n’est pas isolé. Selon le ministère de la Justice, 71 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains en 2015. Dans 90% de ces cas, une peine de prison ferme a été prononcée, avec une durée moyenne de 2,9 années.

Une prise de conscience récente…

Il y a encore peu de condamnations pour cette forme extrême d’exploitation, et il est actuellement impossible de distinguer clairement l’exploitation à des fins sexuelles de l’exploitation à des fins économiques. De plus, il est difficile de détecter les victimes qui ne veulent pas toujours porter plainte, et l’arsenal juridique est très récent. Avant l’année 2000 et l’adoption de la Convention de Palerme, aucune convention des Nations Unies ne prévoyait une lutte internationale coordonnée contre le trafic d’êtres humains.

Ce n’est qu’en 2011 qu’une directive européenne a été adoptée, imposant aux États membres de l’Union européenne l’instauration de peines minimales. La France a transposé cette directive en 2013. Auparavant, lors d’un procès, les chefs d’accusation retenus étaient généralement liés aux conditions de travail indécentes ou dissimulées. La traite des êtres humains, la servitude et le travail forcé n’étaient pas spécifiquement réprimés par le Code pénal français. Ce manquement a d’ailleurs valu à la France d’être condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2005 et en 2012.

Les choses évoluent néanmoins, et aujourd’hui, une réelle prise en charge du problème est en cours, notamment au sein de l’Union européenne, en Grande-Bretagne où une loi sur l’esclavage moderne a été adoptée, et en France. Toutefois, cette préoccupation n’est pas universelle. Au Brésil, par exemple, depuis l’élection de Michel Temer, le gouvernement est accusé de dissimuler l’esclavage moderne pour plaire à son électorat.

En France, une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains a été créée en 2013 afin de coordonner l’action des pouvoirs publics (ministère de la Justice, de l’Intérieur, du Travail, OFPRA, CNCDH). En 2014, cette mission a lancé un plan d’action comprenant notamment des formations et des séminaires sur la traite des êtres humains.

Toutes les victimes ont désormais des droits spécifiques, explique Elizabeth Moiron-Braud, la secrétaire générale de la Mission interministérielle. Une victime qui dépose plainte ou témoigne dans le cadre d’une enquête sur la traite des êtres humains se voit attribuer une carte de séjour d’un an.

Le Conseil de l’Europe a salué ces efforts dans un rapport récent sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains. Cependant, ce rapport souligne également d’importantes lacunes, notamment dans les moyens mis en œuvre pour réduire les risques d’exploitation des mineurs et des migrants, ainsi que dans les statistiques sur le trafic. En effet, il est actuellement impossible de savoir quelle proportion des condamnations concerne l’exploitation sexuelle et quelle proportion concerne l’exploitation économique.

L’exploitation économique par opposition à l’exploitation sexuelle

L’exploitation à des fins économiques, moins visible que la prostitution, nécessite des moyens supplémentaires, selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, qui a également rendu en 2016 un rapport sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains.

En pratique, la Mission interministérielle n’a pas de moyens dédiés pour lancer des campagnes de sensibilisation. Elle se contente de coordonner les actions et dépend du secrétariat d’État aux droits des femmes. Même si les femmes sont les premières victimes de la traite des êtres humains en France (88% du total selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), le Comité contre l’esclavage moderne déplore le fait que l’exploitation économique ne soit considérée que comme une sous-question de la violence envers les femmes.

Dans un cadre aussi vaste, il est difficile de prendre le temps d’aborder les risques liés à l’explosion de la sous-traitance et à la responsabilité des multinationales, dont certaines sont françaises, dans la perpétuation de ces pratiques. Une charte visant à sensibiliser les entreprises à la traite des êtres humains est actuellement en cours d’élaboration. Toutefois, étant donné le nombre de chartes de bonne conduite qui restent lettre morte, il faudra bien plus d’efforts pour inverser la tendance et réduire le nombre d’esclaves modernes dans le monde de demain.

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Ci-dessous, vous pouvez également visionner “L’Île aux fleurs”, un court métrage de Jorge Furtado datant de 1989, dont certains extraits sont inclus dans la version audio de la bulle économique. Ce pamphlet poétique et cynique sur la liberté et l’esclavage est à réserver aux âmes sensibles…

C’est un sujet qui était censé appartenir au passé, mais qui continue d’exister de nos jours. On le nomme “traite des êtres humains à des fins économiques”, “esclavage moderne” ou encore “travail forcé”. Pourquoi cette horreur perdure-t-elle ? La réponse réside dans un point commun partagé par tous ceux et celles qui se trouvent réduits à l’état d’esclaves : la vulnérabilité. Dans un monde qui se referme sur lui-même, les migrants, dépourvus de droits de séjour, deviennent et seront de plus en plus vulnérables.

Selon Elizabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la Mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et de lutte contre la traite des êtres humains, la traite des êtres humains est un phénomène qui ne cesse de s’aggraver en raison de la vulnérabilité croissante des populations liée aux mouvements migratoires.

Les statistiques sur ce sujet sont difficiles à obtenir, mais elles existent néanmoins. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, la traite des êtres humains représente un marché de 32 milliards de dollars par an, dont 3 milliards d’euros pour l’Europe.

D’après les études disponibles, il existe trois types de trafic humain. Le trafic de migrants est actuellement le plus médiatisé, mais il est en réalité le moins important en termes de volume. Environ 80% du trafic d’êtres humains est lié à l’exploitation sexuelle, principalement des femmes. Les 18% restants correspondent à l’exploitation de la force de travail. Travailler sous contrainte, vivre dans la peur constante, être déshumanisé et privé de liberté de mouvement, voilà ce que l’on appelle l’esclavage moderne ou le travail forcé.

D’après un récent rapport de l’Organisation Internationale du Travail, environ 25 millions de personnes dans le monde sont victimes de cette forme d’esclavage, dont 4 millions sont asservies par leur propre État. Le Global Slavery Index révèle que l’Inde, la Chine, le Pakistan, le Bangladesh et l’Ouzbékistan sont les pays où l’on recense le plus de cas. L’enquête de Sandrine Rigaud pour l’émission “Cash investigation” intitulée “Coton, l’envers de nos tee-shirts” a brillamment démontré la situation en Ouzbékistan.

Pourtant, il n’est pas nécessaire de vivre dans une dictature ou dans un pays en guerre pour être un esclave moderne. En Europe, on estime qu’il y aurait au moins 600 000 personnes dans cette situation, selon l’Organisation Internationale du Travail.

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En France, le Comité Contre l’Esclavage Moderne existe depuis 1994 et a déjà aidé 650 personnes à ce jour. Jusqu’à récemment, la plupart des cas concernaient des jeunes filles réduites à la servitude domestique, mais la situation évolue. L’année dernière, 25% des cas signalés étaient des hommes, travaillant sur des chantiers de construction, dans le commerce ou l’agriculture. Ils sont logés dans des cabanes, leurs papiers sont confisqués ou ils n’en ont tout simplement pas. Certains d’entre eux sont même français, déclare Sylvie O’Dy, présidente du Comité.

Elle mentionne également le cas de deux personnes handicapées mentales, exploitées pendant 30 ans par un employeur n’ayant finalement écopé que de 5 ans de prison, dont trois avec sursis. Malheureusement, ce genre de cas n’est pas isolé. Selon le ministère de la Justice, 71 personnes ont été condamnées pour traite des êtres humains en 2015. Dans 90% de ces cas, une peine de prison ferme a été prononcée, avec une durée moyenne de 2,9 années.

Une prise de conscience récente…

Il y a encore peu de condamnations pour cette forme extrême d’exploitation, et il est actuellement impossible de distinguer clairement l’exploitation à des fins sexuelles de l’exploitation à des fins économiques. De plus, il est difficile de détecter les victimes qui ne veulent pas toujours porter plainte, et l’arsenal juridique est très récent. Avant l’année 2000 et l’adoption de la Convention de Palerme, aucune convention des Nations Unies ne prévoyait une lutte internationale coordonnée contre le trafic d’êtres humains.

Ce n’est qu’en 2011 qu’une directive européenne a été adoptée, imposant aux États membres de l’Union européenne l’instauration de peines minimales. La France a transposé cette directive en 2013. Auparavant, lors d’un procès, les chefs d’accusation retenus étaient généralement liés aux conditions de travail indécentes ou dissimulées. La traite des êtres humains, la servitude et le travail forcé n’étaient pas spécifiquement réprimés par le Code pénal français. Ce manquement a d’ailleurs valu à la France d’être condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’homme, en 2005 et en 2012.

Les choses évoluent néanmoins, et aujourd’hui, une réelle prise en charge du problème est en cours, notamment au sein de l’Union européenne, en Grande-Bretagne où une loi sur l’esclavage moderne a été adoptée, et en France. Toutefois, cette préoccupation n’est pas universelle. Au Brésil, par exemple, depuis l’élection de Michel Temer, le gouvernement est accusé de dissimuler l’esclavage moderne pour plaire à son électorat.

En France, une mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains a été créée en 2013 afin de coordonner l’action des pouvoirs publics (ministère de la Justice, de l’Intérieur, du Travail, OFPRA, CNCDH). En 2014, cette mission a lancé un plan d’action comprenant notamment des formations et des séminaires sur la traite des êtres humains.

Toutes les victimes ont désormais des droits spécifiques, explique Elizabeth Moiron-Braud, la secrétaire générale de la Mission interministérielle. Une victime qui dépose plainte ou témoigne dans le cadre d’une enquête sur la traite des êtres humains se voit attribuer une carte de séjour d’un an.

Le Conseil de l’Europe a salué ces efforts dans un rapport récent sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains. Cependant, ce rapport souligne également d’importantes lacunes, notamment dans les moyens mis en œuvre pour réduire les risques d’exploitation des mineurs et des migrants, ainsi que dans les statistiques sur le trafic. En effet, il est actuellement impossible de savoir quelle proportion des condamnations concerne l’exploitation sexuelle et quelle proportion concerne l’exploitation économique.

L’exploitation économique par opposition à l’exploitation sexuelle

L’exploitation à des fins économiques, moins visible que la prostitution, nécessite des moyens supplémentaires, selon la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, qui a également rendu en 2016 un rapport sur les mesures prises par la France pour lutter contre la traite des êtres humains.

En pratique, la Mission interministérielle n’a pas de moyens dédiés pour lancer des campagnes de sensibilisation. Elle se contente de coordonner les actions et dépend du secrétariat d’État aux droits des femmes. Même si les femmes sont les premières victimes de la traite des êtres humains en France (88% du total selon une enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales), le Comité contre l’esclavage moderne déplore le fait que l’exploitation économique ne soit considérée que comme une sous-question de la violence envers les femmes.

Dans un cadre aussi vaste, il est difficile de prendre le temps d’aborder les risques liés à l’explosion de la sous-traitance et à la responsabilité des multinationales, dont certaines sont françaises, dans la perpétuation de ces pratiques. Une charte visant à sensibiliser les entreprises à la traite des êtres humains est actuellement en cours d’élaboration. Toutefois, étant donné le nombre de chartes de bonne conduite qui restent lettre morte, il faudra bien plus d’efforts pour inverser la tendance et réduire le nombre d’esclaves modernes dans le monde de demain.

Marie Viennot

Ci-dessous, vous pouvez également visionner “L’Île aux fleurs”, un court métrage de Jorge Furtado datant de 1989, dont certains extraits sont inclus dans la version audio de la bulle économique. Ce pamphlet poétique et cynique sur la liberté et l’esclavage est à réserver aux âmes sensibles…