L’étonnante aventure de Stripe, le pionnier du paiement en ligne

L’étonnante aventure de Stripe, le pionnier du paiement en ligne

La montée en puissance de Stripe

Au milieu de ses multiples visioconférences, Victor Lugger compte ses nouveaux clients. “Notre activité se développe à une vitesse fulgurante”, s’amuse le cofondateur de Big Mamma et de Sunday, une solution de paiement en ligne basée sur les codes QR pour les restaurants. Lancée il y a à peine un an, en pleine crise du Covid-19, la start-up française compte déjà des dizaines de milliers de restaurants en France et dans sept autres pays. “Lorsque nous avons lancé l’entreprise, nous savions que Sunday avait le potentiel de fonctionner, mais à cette rapidité ?” s’interroge l’entrepreneur de 37 ans qui parle sans cesse de la société qui a rendu tout cela possible : Stripe.

Le nom de Stripe ne vous dit probablement rien. Et c’est tout à fait normal. Cependant, pour un nombre croissant d’entreprises, cette entreprise américano-irlandaise spécialisée dans le paiement en ligne est devenue un partenaire incontournable. Pourtant, sur le papier, Stripe ne propose rien de révolutionnaire. Elle permet simplement aux entreprises d’accepter des paiements en ligne. “Au premier abord, cela semble simple, mais en réalité, c’est incroyablement complexe”, explique Jacques-Edouard Sabatier, PDG de Jow, une start-up de commande et de livraison de produits alimentaires qui travaille depuis plusieurs années avec cette entreprise basée entre San Francisco et Dublin.

Le géant qui vaut presque 100 milliards de dollars

L’aventure Stripe a commencé en 2011. À l’époque, les deux frères irlandais originaires de la société, encore sur les bancs de l’université, ont lancé leur première start-up. Tout était simple, sauf le paiement en ligne. “C’était incroyablement compliqué”, se souvient aujourd’hui John Collison. Pour effectuer une vente, il fallait contacter sa banque, les prestataires de paiement et attendre que tout soit connecté. Cela prenait un temps considérable, sans garantie de succès. Quelques semaines plus tard, la start-up baptisée Stripe voyait le jour. Aujourd’hui, le groupe, âgé de seulement dix ans, est devenu un géant du paiement, traitant les transactions pour des millions d’entreprises, des petites applications lyonnaises aux géants tels que Deliveroo ou Amazon…

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Cependant, Stripe ne s’est pas imposé par hasard aux côtés de Visa et de PayPal. Les frères Collison ont su saisir le bon moment. “Le paiement en ligne a explosé au cours de la dernière décennie”, confirme Dayna Robyn Ford, associée au sein du cabinet Gartner et spécialiste des paiements. Mais surtout, les frères Collison ont révolutionné l’approche du secteur en mettant l’accent sur un élément essentiel et trop souvent négligé : la technologie. “Ils ont été les premiers à comprendre que le commerce en ligne aurait besoin de nouveaux acteurs du paiement agiles, capables d’offrir des outils faciles à intégrer”, explique Julien Maldonato, associé chez Deloitte.

Une technologie innovante au service du paiement en ligne

Et cela a tout changé. À partir de zéro, Stripe a pu construire une boîte à outils technologiques plus flexible que celle des acteurs traditionnels tels que les banques. Le système de Stripe fonctionne avec des API (interfaces de programmation d’applications) dédiées. “Ce sont des blocs de construction qui permettent de connecter des services entre eux”, explique Julien Maldonato. Résultat : une entreprise peut accepter des paiements via Alipay en quelques clics, et cela partout dans le monde. Pour accéder à ce système, il suffit de se rendre sur le site de Stripe, d’entrer les coordonnées de son entreprise, y compris bancaires, et de choisir les systèmes de paiement à accepter sur son site. Visa, Mastercard, China UnionPay… “Tout est disponible en quelques clics”, souligne Jacques-Edouard Sabatier.

Stripe s’occupe du reste et assure le transfert des fonds via les autoroutes du paiement du début à la fin, entre toutes les parties impliquées : clients, entreprises, administrations… Ce service n’est évidemment pas gratuit. John Collison et ses équipes prélèvent une commission sur toutes les transactions de leurs clients. Les montants varient en fonction de la géographie et des moyens de paiement, allant de 1% à un peu plus de 3% pour les paiements les plus complexes. “Leur modèle est très simple. Ils captent une partie de la valeur créée grâce au commerce en ligne”, souligne l’analyste indépendant Benedict Evans. Un modèle commercial simple, mais redoutablement efficace, qui fait saliver les géants du secteur tels que Visa ou Mastercard. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le premier, qui a refusé de faire des commentaires, a tenté de mettre la main sur la société californienne spécialisée dans les API, Plaid.

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Une croissance exponentielle et un avenir prometteur

“Les performances de Stripe n’ont pas échappé à la concurrence”, souligne Dayna Robyn Ford. Et pour cause : Stripe gère en moyenne 250 millions de transactions par jour, avec des pointes atteignant 13 000 opérations par seconde, selon Stéphane Dehaies, associé chez KPMG. En 2020, l’entreprise, valorisée à près de 100 milliards de dollars, ce qui en fait la plus grande entreprise non cotée au monde, devant SpaceX, a enregistré un chiffre d’affaires record de 7,4 milliards de dollars, en hausse de 270% par rapport à 2019 (2 milliards).

Et l’année 2021 s’annonce encore meilleure. Stripe et ses 7 000 employés devraient largement dépasser les 10 milliards de dollars de revenus, selon un expert du secteur. En effet, le commerce en ligne, stimulé par la pandémie de Covid-19 et les confinements successifs, ne cesse de croître, dans le sillage d’Amazon et des autres géants de la technologie. Selon les analystes, l’économie numérique représente déjà un peu plus de 10% de l’activité économique mondiale, soit environ 10 000 milliards de dollars. Certains estiment même que cette part pourrait atteindre 50% de l’activité mondiale dans les années à venir… “Nous ne sommes qu’au début d’un mouvement immense”, se réjouit John Collison. Un mouvement d’autant plus important pour Stripe, car l’entreprise ne se limite pas au paiement. “Nous avons commencé par le paiement, mais il y a toutes les activités connexes”, explique Edouard de la Jonquière, responsable du développement de Stripe en Afrique et au Moyen-Orient.

En quelques années seulement, la start-up a développé une gamme très étendue de services. “Lorsque vous disposez de leur infrastructure, vous pouvez empiler les offres comme des Lego”, souligne Dayna Robyn Ford. Fraude, comptabilité, fiscalité… la liste est longue pour cette entreprise qui se veut être un partenaire pour les entreprises. “Notre objectif est de permettre à nos clients de se concentrer uniquement sur leur activité, sans se soucier du reste”, justifie John Collison. Jusqu’où Stripe pourra-t-il aller ? Très loin, en réalité. L’entreprise, déjà présente dans 46 pays, propose désormais des services bancaires aux États-Unis, avec des solutions de prêt pour les petites entreprises ainsi que des services de cartes bancaires. Elle a même lancé un service de terminaux de paiement pour ses clients en boutique…

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“Ils sont comme Google, qui a commencé avec un moteur de recherche et qui aujourd’hui travaille sur des voitures”, explique Julien Maldonato. Une stratégie qui ne semble pas effrayer les acteurs traditionnels. Du moins en apparence. “Le paiement, c’est une chose, et les services bancaires en sont une autre”, explique un banquier. Cependant, cette situation pourrait ne pas durer très longtemps.