L’innovation et les start-ups

L’innovation et les start-ups

C’est officiellement l’une des levées de fonds les plus remarquables de l’année 2017, confirmant ainsi une année record pour la French Tech. Après les 70 millions d’euros d’Actility en avril et les 65 millions d’euros d’Oodrive en mars, c’est au tour de ManoMano, la plateforme en ligne spécialisée dans le bricolage et le jardinage, de réaliser un troisième tour de financement de 60 millions d’euros.

Cette start-up parisienne, spécialisée dans l’aménagement de la maison, a su convaincre le fonds américain General Atlantic, qui est déjà associé à des entreprises telles que Snapchat, Airbnb, Santander, Flixbus et Uber. Fondée par deux anciens investisseurs, Christian Raisson et Philippe de Chanville, ManoMano (anciennement connue sous le nom de Monechelle.fr) a levé un total de 75 millions d’euros depuis sa création en 2013. Le fonds britannique Piton Capital, Partech Ventures et Bpifrance, par l’intermédiaire de son véhicule Ambition Numérique, ont également participé à ce tour de financement.

La technologie au cœur de l’expérience client

Le montant exceptionnel de cette levée de fonds s’explique en premier lieu par la croissance extraordinaire de ManoMano, qui révèle un potentiel énorme. En 2013, ManoMano proposait 30 000 produits sur son site, employait 9 personnes et réalisait un chiffre d’affaires de 1 million d’euros. Quatre ans plus tard, l’entreprise propose 1,2 million de produits (+40) à 1,9 million de clients. Elle emploie désormais 145 personnes (+16) et a enregistré un chiffre d’affaires de 88 millions d’euros en 2016, qui devrait atteindre 250 millions d’euros d’ici la fin de l’année (près de trois fois plus en seulement un an).

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La raison de ce succès ? Avant tout, une approche technologique. ManoMano ne se décrit pas simplement comme un détaillant en ligne spécialisé dans l’aménagement de la maison, mais plutôt comme une véritable place de marché, agissant en tant qu’intermédiaire entre les vendeurs de produits de bricolage et les clients.

Ce positionnement lui permet de négocier des tarifs très compétitifs pour ses produits, tout en laissant la responsabilité de la livraison aux vendeurs. Grâce à ses propres algorithmes – ManoMano a longtemps employé plus de data scientists que d’ingénieurs – l’entreprise offre une expérience client visiblement satisfaisante, comme en témoigne la croissance de son chiffre d’affaires. Son secret réside dans des recommandations personnalisées et la mise en avant des avis de la communauté.

ManoMano soigne également ses vendeurs. Ces derniers peuvent bénéficier d’un outil leur permettant de référencer automatiquement et facilement leurs produits dans 3 000 catégories différentes. La start-up partage également les données anonymisées de ses utilisateurs, ce qui représente un retour d’expérience précieux pour les vendeurs.

Blog, guides pratiques, chaîne YouTube et conseils en temps réel

Le concept de ManoMano est attirant aussi bien pour les vendeurs que pour le grand public. En effet, les bricoleurs ont accès à un catalogue d’une richesse inégalée dans les magasins physiques (à moins d’avoir besoin de choisir parmi 2 998 modèles de robinets pour lavabos et vasques), et ce, à des prix souvent très intéressants.

Reste cependant l’avantage majeur des magasins physiques : les conseils des vendeurs et le service après-vente. Pour rivaliser, ManoMano mise, sans surprise, sur la technologie et sur sa communauté.

Une fenêtre de conversation s’ouvre après quelques minutes de navigation, permettant de discuter en temps réel avec un conseiller. ManoMano fournit également de nombreux contenus pour guider ses clients : blog, chaîne YouTube appelée “Mano TV”, et une page Facebook. Les plus motivés peuvent même postuler pour devenir un “Manodvisor” (conseiller Mano), moyennant une petite rémunération… Ainsi, ce sont les clients eux-mêmes, “les meilleurs connaisseurs des produits” selon la start-up, qui prennent en charge une partie du conseil. Dans chaque catégorie ou presque, un “bricoleur autodidacte”, une “décoratrice” ou un “chercheur-bricoleur” rédige un guide sur “comment choisir” son abri de jardin, son cordon antigel ou son type de parquet.

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Devenir rapidement le numéro un en Europe

ManoMano a réussi à trouver une approche intéressante pour répondre à l’évolution des habitudes d’achat, marquée par l’essor du commerce électronique et des achats en ligne. C’est particulièrement significatif dans le secteur du bricolage, qui est traditionnellement réticent à la transformation numérique, en raison de la croyance largement répandue selon laquelle un service de proximité est nécessaire pour ce type d’achats.

La levée de fonds vise donc à investir dans la technologie pour améliorer l’expérience client, à entreprendre des initiatives marketing pour faire connaître le site, et à renforcer la présence de ManoMano dans les six pays où elle est déjà implantée : la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Belgique.

“Nous avons créé le seul acteur du bricolage digital qui soit réellement européen. Nous voulons dupliquer notre succès français, car nous sommes convaincus que, dans ce secteur, le numérique représentera à terme 50% du marché global du bricolage et du jardinage. Nous voulons que ManoMano soit le leader de cette transition”, expliquent les deux cofondateurs, Philippe de Chanville et Christian Raisson.

Un marché difficile, petit, confronté à l’arrivée massive de nouveaux acteurs et à la riposte des Leroy Merlin et consorts

Malgré leur enthousiasme, Philippe de Chanville et Christian Raisson ont du pain sur la planche. En effet, le marché français du bricolage et de la jardinerie est actuellement dominé par les grandes surfaces spécialisées (GSB). Selon l’Union nationale des industriels du bricolage, du jardinage et de l’aménagement de la maison (Unibal), les enseignes Leroy Merlin, Brico Dépôt, Castorama et Mr Bricolage représentent les trois quarts (77%) d’un marché évalué à 25,4 milliards d’euros en 2016 en France. Les négoces ne représentent que 15% du chiffre d’affaires, tandis que la grande distribution classique en représente seulement 3%.

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Et qu’en est-il du commerce électronique ? Il ne représente actuellement qu’une petite part du marché : seulement 3% en 2016, soit à peine 711 millions d’euros. Cependant, cette part est prometteuse : tandis que les ventes dans les circuits physiques stagnent (avec une augmentation de 1,6% en valeur pour les GSB et de 0,6% pour les négoces), le commerce électronique connaît une croissance exponentielle, avec une augmentation de 25% entre 2015 et 2016 et des perspectives encourageantes pour les années à venir.

Il y a donc clairement une opportunité à saisir pour ManoMano en Europe. Surtout que, pour le moment, il n’existe aucune place de marché similaire sur le Vieux Continent. Cependant, les distributeurs physiques ne se laissent pas faire. Leroy Merlin et Castorama, les deux leaders du secteur, ont déjà commencé à se lancer dans le commerce électronique. En 2015, les ventes en ligne de Leroy Merlin s’élevaient à 100 millions d’euros, tandis que celles de Castorama atteignaient 70 millions d’euros, selon le site Le Journal du Net. À cette époque, ManoMano réalisait un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros.

Les grandes surfaces généralistes sont également prêtes à se lancer : Carrefour a racheté Rueducommerce, bien positionné dans le bricolage. Auchan ne cache pas ses ambitions dans ce secteur. N’oublions pas non plus Amazon, l’empereur du commerce électronique, qui propose plus de 2 millions de références dans le domaine du bricolage, même s’il n’est pas encore en mesure de fournir le service client nécessaire. Enfin, les sites marchands spécialisés dans le bricolage tels que Maxoutil, Debonix ou Bricozor, ainsi que les sites de ventes événementielles tels que BricoPrivé ou ComplètementMarteau, lancé par Bricozor, espèrent également tirer profit de la révolution numérique pour se faire une place sur un marché déjà bien encombré.