La loi consommation, en vigueur depuis presque un an, promet d’aider les Français dans leur vie quotidienne en régulant les frais liés à l’auto-école, à l’assurance automobile et à la santé, ainsi que les pratiques de démarchage abusif et les garanties des biens de consommation, entre autres.
Une partie de cette loi concerne la “consommation responsable”, et depuis le 1er mars 2015, elle réglemente la disponibilité des pièces détachées. Dorénavant, afin que les consommateurs puissent faire des choix éclairés lors de leurs achats, les fabricants ou les importateurs sont tenus d’indiquer la durée pendant laquelle ils fourniront des pièces détachées pour l’appareil en question. De plus, ces pièces devront être disponibles dans un délai maximum de 2 mois. Le texte précise que “le fabricant sera tenu de fournir aux vendeurs ou aux réparateurs les pièces détachées nécessaires à la réparation des produits, dans un délai de deux mois”, comme l’indique le site du ministère des Finances. Les consommateurs doivent être informés clairement et lisiblement de cette durée de disponibilité avant d’effectuer un achat, et cette information doit également figurer sur les documents fournis lors de la vente.
Ce décret, publié au Journal Officiel en décembre 2014, est entré en vigueur le 1er mars 2015 et concerne tous les types d’appareils, qu’il s’agisse d’électroménager ou d’appareils high-tech.
L’objectif affiché est de permettre aux consommateurs de prolonger la durée de vie de leurs appareils et de remplacer facilement les pièces défectueuses en cas de panne. Le gouvernement espère également promouvoir les filières de réparation.
Cependant, certains aspects de cette législation nous laissent perplexes. La mise en application de cette réglementation sur les pièces détachées a ravivé la polémique sur l’obsolescence programmée. Nous accordons une crédibilité limitée à ce mythe selon lequel les fabricants concevraient délibérément des pièces qui s’usent rapidement. En réalité, certaines pièces sont plus sollicitées que d’autres et peuvent s’user plus rapidement. Il faut également prendre en compte l’évolution des habitudes et le prix d’achat d’un appareil. Prenons l’exemple d’un lave-linge, utilisé par le ministère des Finances dans sa vidéo explicative. Peut-on s’attendre à ce qu’un lave-linge bon marché, acheté à bas prix, dure aussi longtemps qu’un modèle deux fois plus cher ?
Ce décret ne nous convainc pas réellement. Tout d’abord, il faudrait que les consommateurs soient clairement informés, conformément à la loi. Ensuite, ils devraient prendre en compte ce critère lors de leur choix, en plus du prix, de l’étiquette énergie et des fonctionnalités recherchées. Seuls quelques consommateurs soucieux de l’environnement en tiendront peut-être compte, mais il est peu probable que cette préoccupation soit généralisée, d’autant plus que le prix reste un critère de choix important. Un consommateur qui opte pour un produit bon marché pour des raisons budgétaires sera-t-il prêt à dépenser un peu plus pour choisir un appareil dont les pièces détachées seront disponibles plus longtemps ?
Un autre point soulève notre interrogation. Ce décret ne fait pas de distinction entre les différents biens de consommation et n’impose aucune durée minimale de disponibilité des pièces détachées ; il impose simplement au fabricant de communiquer un délai. Par conséquent, un téléphone portable est autant concerné qu’un lave-linge, par exemple. Or, la durée de vie moyenne d’un lave-linge n’est pas comparable à celle d’un téléphone portable. S’engager à fournir des pièces de rechange pendant seulement deux ans pour un gros appareil électroménager n’a que peu de sens.
Enfin, le coût des pièces détachées et de la main-d’œuvre constitue également un frein à la réparation, sans oublier les tracas que cela peut engendrer (recherche d’un bon réparateur, déplacement de l’appareil en panne…). Parfois, le calcul est vite fait et la tentation de remplacer l’appareil est grande. Une étude de la DGCCRF souligne ce paradoxe dans le domaine de l’électroménager : les prix de vente moyens ne cessent de baisser, tandis que les réparations deviennent de plus en plus coûteuses. Cet aspect est également mentionné dans une étude de l’ADEME (juillet 2014) consacrée à la réparation : “dans un quart des cas (25%) où une personne a décidé de remplacer un produit en panne plutôt que de le faire réparer, c’était parce que le coût de la réparation dépassait celui du neuf.”
En conclusion, ce décret nous laisse sceptiques et nous doutons que les consommateurs adoptent l’habitude de faire réparer leurs appareils plutôt que de les remplacer. Cependant, il a le mérite de les informer au mieux. Finalement, ce n’est peut-être pas la loi qui doit encourager une consommation responsable, mais les consommateurs eux-mêmes, en prenant conscience du fait que lorsqu’un appareil est vendu à bas prix, il est probablement composé de pièces moins durables. À condition, bien sûr, d’en avoir les moyens.