En mars, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) présentera le Rapport de synthèse de son sixième rapport d’évaluation (AR6). Cette occasion nous permet de revenir sur l’évolution des connaissances en matière de changement climatique au cours des dernières décennies. Une histoire qui débute dès le XIXe siècle.
Les bases scientifiques de l’effet de serre
Dès le XIXe siècle, des scientifiques tels que Joseph Fourier en France et John Tyndall au Royaume-Uni posent les bases de notre compréhension de l’effet de serre atmosphérique. En 1896, Svante Arrhenius est le premier à établir un lien entre nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) et le réchauffement climatique, en proposant même une estimation quantitative. À l’époque, Arrhenius voit cette conséquence possible de l’activité humaine d’un bon œil, car il pense qu’une élévation des températures pourrait améliorer les récoltes.
Cependant, l’hypothèse d’Arrhenius est contestée et peu soutenue. En 1938, l’ingénieur anglais Guy Callendar perçoit les prémices d’un réchauffement climatique dû en partie aux émissions industrielles de CO2. Mais ses résultats sont largement remis en question. Néanmoins, le questionnement sur le lien entre les émissions humaines de CO2 et le réchauffement global est ancien.
Le début de l’histoire moderne du changement climatique
Dans les années 1950, les États-Unis lancent des campagnes d’exploration et de mesures scientifiques à travers le monde, dans le contexte de la guerre froide. Parallèlement, les premiers modèles numériques météorologiques et climatiques font leur apparition grâce aux premiers ordinateurs américains de l’après-guerre.
Ainsi, dans les années 1960, l’hypothèse d’un réchauffement climatique dû à l’activité humaine commence à être diffusée. En 1965, le rapport “Restoring the Quality of Our Environment”, commandé par la Maison Blanche, s’intéresse à la possibilité d’un réchauffement climatique. Il évoque déjà des solutions de géo-ingénierie pour contrecarrer ce phénomène, mais ne prend pas en compte la réduction des émissions de CO2.
L’étayage de l’hypothèse du réchauffement climatique dû aux activités humaines
1979 est souvent considérée comme une année charnière. La première conférence mondiale sur le climat à Genève met en place le Programme mondial de recherche sur le climat. Le rapport reconnaît les nombreuses incertitudes liées aux processus climatiques, mais affirme la confiance dans la prédiction d’un réchauffement global, basée sur la convergence des modèles climatiques et sur une bonne compréhension des phénomènes physiques.
Cependant, à la fin des années 1970, le réchauffement global n’est pas encore mesuré et reste masqué par la variabilité naturelle du climat et l’effet de la pollution aux aérosols. D’autres sujets environnementaux occupent également l’attention, tels que les pollutions chimiques, la sécheresse au Sahel ou les pluies acides. Certains scientifiques prévoient même un refroidissement causé par les aérosols.
Une prise de conscience progressive
La prise de conscience du réchauffement climatique est le fait d’un petit nombre de scientifiques qui cherchent à alerter les autorités politiques, aux États-Unis et à l’échelle mondiale. Les modèles climatiques prédisent le réchauffement global dès les années 1970, mais il faut attendre les années 1980 pour avoir les preuves tangibles. Les carottes de glace prélevées aux pôles révèlent une corrélation nette entre la température moyenne de la Terre et les niveaux de dioxyde de carbone, mesurés dans les bulles d’air piégées depuis des centaines de milliers d’années.
Dans les années 1990, le réchauffement climatique devient observable et des études permettent d’attribuer sa cause aux émissions humaines. Les rapports successifs du Giec affinent la compréhension des processus climatiques et attribuent une responsabilité humaine de plus en plus certaine.
Un consensus établi depuis au moins 15 ans
Depuis au moins 15 ans, l’origine humaine du réchauffement climatique fait officiellement consensus non seulement au niveau scientifique, mais aussi au niveau des États, dont les représentants approuvent les résumés pour les décideurs des rapports du Giec.
Bien que des groupes climatosceptiques continuent de semer le doute sur la réalité du changement climatique afin de freiner les actions visant à réduire notre impact sur le climat, ces mouvements ont moins d’influence que les mouvements de jeunes pour le climat. Le Giec joue un rôle essentiel en alertant et en soutenant les négociations climatiques, en fournissant des informations cruciales pour les politiques internationales.
Les enjeux actuels des connaissances
Les travaux du Giec sont organisés en trois groupes. Le premier groupe se concentre sur les aspects scientifiques du système climatique. Le deuxième groupe étudie les impacts du changement climatique, la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et naturels, ainsi que les possibilités d’adaptation. Le troisième groupe évalue les solutions pour limiter les émissions de gaz à effet de serre ou atténuer les changements en cours.
Maintenant que nous savons, grâce au groupe 1, que la Terre se réchauffe en réponse à nos émissions, les enjeux se sont déplacés vers les groupes 2 et 3. Les demandes d’études régionales sur les conséquences du changement climatique sont de plus en plus fortes. Le groupe 2, dans son dernier rapport, insiste davantage sur les interactions entre le climat, l’environnement et la société à l’échelle locale. Ces questions mobilisent un ensemble hétérogène de disciplines, des sciences dures aux sciences humaines.
Il est important de souligner que le consensus scientifique est moins fort concernant les travaux des groupes 2 et 3 par rapport aux conclusions du groupe 1. Les débats sur les options d’atténuation du changement climatique sont plus politiques que scientifiques, et les modèles intégrés suscitent des controverses.
Le rôle de la science dans la lutte contre le changement climatique
Les scientifiques du climat ne cherchent pas à nous dicter les actions à entreprendre. Les décisions nécessaires pour réduire nos émissions ou nous adapter au changement climatique exigent un haut niveau d’expertise et doivent prendre en compte une multitude de facteurs, tels que les enjeux économiques, sociaux et politiques. La science peut nous éclairer, mais elle ne peut pas fournir toutes les solutions technologiques, économiques ou gestionnaires nécessaires aux transformations indispensables.
Il est primordial de tenir compte des connaissances issues de disciplines diverses pour faire face au défi du réchauffement climatique et de ses conséquences. Les sciences de la nature et les sciences humaines doivent collaborer pour élaborer des solutions adaptées à chaque situation, en prenant en compte les réalités locales, les enjeux économiques et sociaux, ainsi que les priorités politiques.