L’origine humaine du réchauffement : Un consensus depuis 15 ans

L’origine humaine du réchauffement : Un consensus depuis 15 ans

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) s’apprête à présenter son sixième rapport d’évaluation (AR6) en mars. Cet événement nous offre l’opportunité de revisiter l’évolution des connaissances sur le changement climatique au cours des dernières décennies. Cette histoire s’étend sur une longue période, commençant dès le XIXe siècle, lorsque des scientifiques tels que Joseph Fourier en France et John Tyndall au Royaume-Uni ont jeté les bases de notre compréhension de l’effet de serre atmosphérique.

En 1896, Svante Arrhenius a établi un lien entre nos émissions de dioxyde de carbone (CO2) et la possibilité d’un réchauffement climatique, en fournissant même une estimation quantitative. À l’époque, cette conséquence possible de l’activité humaine était perçue positivement, car une élévation de température pouvait améliorer les récoltes. Cependant, l’hypothèse d’Arrhenius était peu convaincante et a suscité peu d’adhésion.

En 1938, l’ingénieur anglais Guy Callendar a tenté une nouvelle fois d’attirer l’attention sur le réchauffement climatique, en attribuant une partie de celui-ci aux émissions industrielles de CO2. Malgré tout, ses résultats ont été largement remis en question. Néanmoins, la question d’un lien possible entre les émissions humaines de CO2 et le réchauffement mondial est restée présente.

Le tournant vers une prise de conscience plus aiguë a débuté dans les années 1950, lorsque les États-Unis ont lancé plusieurs campagnes d’exploration et de mesures scientifiques à travers le globe, dans un contexte de guerre froide. C’est également à cette époque que les premiers modèles numériques météorologiques et climatiques ont été développés grâce à l’invention des premiers ordinateurs aux États-Unis.

Dans les années 1960, l’hypothèse d’un réchauffement climatique dû aux activités humaines a commencé à être relayée. En 1965, le rapport “Restoring the Quality of Our Environment” commandé par la Maison Blanche évoquait déjà la possibilité d’un réchauffement et proposait des solutions de géo-ingénierie pour y faire face. Cependant, à cette époque, la réduction des émissions n’était pas envisagée.

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La véritable reconnaissance de cette hypothèse a pris du temps et s’est étendue sur plusieurs décennies. 1979 est généralement considérée comme une année charnière, marquée par la première conférence mondiale sur le climat à Genève, qui a posé les bases du Programme mondial de recherche sur le climat. Le rapport issu de cette conférence affirmait la confiance dans la prédiction d’un réchauffement mondial, basée sur la convergence des modèles climatiques et sur une bonne compréhension physique des phénomènes, malgré les incertitudes persistantes.

Il est important de noter qu’à la fin des années 1970, le réchauffement global n’était pas encore mesurable en raison de la variabilité naturelle du climat et de l’effet de la pollution aux aérosols. De plus, d’autres problématiques environnementales occupaient le devant de la scène et semblaient plus urgentes, telles que les pollutions chimiques, la sécheresse au Sahel et les pluies acides. Certains scientifiques prédisaient même un refroidissement dû aux aérosols.

Malgré ces obstacles, un petit groupe de scientifiques, dont le climatologue américain James Hansen et le météorologue suédois Bert Bolin, a commencé à alerter les autorités politiques aux États-Unis et dans le monde entier. Cependant, il a fallu attendre les années 1980 pour obtenir des preuves matérielles du réchauffement, principalement à travers l’étude des climats passés dans les carottes de glace prélevées aux pôles. Ces études ont montré une corrélation nette entre la température moyenne de la Terre et le niveau de dioxyde de carbone dans l’atmosphère depuis des centaines de milliers d’années.

Dans les années 1990, le réchauffement climatique est devenu observable et des études ont permis d’attribuer sa cause aux émissions humaines. Les rapports successifs du Giec ont apporté des éclaircissements sur les processus climatiques et ont accordé une plus grande certitude à la responsabilité humaine.

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Depuis au moins 15 ans, l’origine humaine du réchauffement climatique fait officiellement consensus, non seulement au niveau scientifique, mais aussi au niveau des États, dont les représentants approuvent les résumés des rapports du Giec. Cependant, des groupes climatosceptiques continuent de semer le doute afin de ralentir les actions visant à réduire notre empreinte sur le climat. Malgré cela, ces dernières années ont été marquées par les mouvements de jeunes en faveur du climat, plutôt que par une montée en puissance du climatoscepticisme.

Il est essentiel de souligner que le Giec joue un rôle essentiel dans l’alerte et l’appui aux négociations climatiques, en fournissant des informations pour l’élaboration du protocole de Kyoto en 1997 et de l’accord de Paris en 2015, qui vise à limiter le réchauffement à moins de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Bien que les climatosceptiques existent, ils représentent une minorité dont l’influence tend à diminuer, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Il est primordial de ne pas accorder trop d’importance à ces voix et de ne pas s’appuyer uniquement sur la science pour prendre des décisions face au changement climatique. Les choix nécessitent une expertise de haut niveau, mais également une prise en compte des réalités sociales, économiques et politiques. Les connaissances scientifiques sont essentielles, mais elles ne peuvent pas fournir à elles seules des solutions technologiques, économiques ou gestionnaires pour mener les transformations nécessaires.

Il est maintenant temps de tourner notre attention vers les groupes 2 et 3 du Giec, qui s’intéressent aux impacts du changement climatique et aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et atténuer les bouleversements en cours. Les enjeux les plus prégnants se sont déplacés vers ces groupes, nécessitant une approche pluridisciplinaire de diverses sciences, de la science dure aux sciences humaines.

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Les scientifiques ont toujours souligné qu’ils ne sont pas là pour dicter les décisions à prendre. Les choix nécessitent une prise en compte de différentes connaissances spécialisées ainsi que des considérations économiques, politiques et sociales. Les scientifiques peuvent apporter leur éclairage, mais l’action contre le changement climatique nécessite des changements considérables à tous les niveaux de la société et dans tous les secteurs. L’éradication du climatoscepticisme ne suffira pas à elle seule à mettre en mouvement la société. Les enjeux actuels concernent davantage les groupes 2 et 3 du Giec, où les discussions et les controverses deviennent plus politiques, nécessitant des approches plus complexes que la simple diffusion des connaissances scientifiques.

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter notre dossier consacré au climat et à son étude.