« Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement » : c’est ainsi que l’agence des Nations unies pour l’égalité des sexes a décidé de consacrer la journée du 8 mars 2019 à la recherche de solutions pour l’autonomisation des femmes. Depuis la création par l’ONU d’une journée internationale dédiée aux droits des femmes en 1977, des centaines d’événements sont organisés chaque année à travers le monde pour soutenir cette cause.
Bien que souvent critiqué pour ses récupérations marketing et son aspect plus symbolique que politique, le 8 mars demeure un rendez-vous annuel important pour évaluer les progrès et les reculs en matière d’égalité des sexes dans de nombreux pays. Mais d’où vient cette journée ? Si son origine remonte bien avant sa proclamation officielle par l’ONU, son événement de référence et le choix de la date du 8 mars font encore l’objet de discussions parmi les historiens.
Une Journée Internationale Évoquée dès 1910
L’idée d’une journée internationale a été évoquée pour la première fois au début du XXe siècle. Suite à la mobilisation des suffragettes, présentes au Royaume-Uni depuis 1903, le mouvement pour les droits des femmes connaît un moment fort en 1909 lors d’une manifestation nationale aux États-Unis. Le Parti socialiste d’Amérique propose alors que chaque dernier dimanche de février soit consacré chaque année à cette cause pour mobiliser tout le pays.
En 1910, lors de la Conférence internationale des femmes socialistes réunissant une centaine de femmes de dix-sept pays à Copenhague (Danemark), une motion soulignant la nécessité d’une « journée internationale des femmes » est adoptée à l’unanimité. Cette déclaration, menée par l’Allemande Clara Zetkin, journaliste et femme politique devenue une figure historique du féminisme, constitue la première appelant à un mouvement rassemblant plusieurs pays.
Cependant, selon Simone Bonnafous, chercheuse universitaire, cette déclaration n’a pas été mentionnée dans le compte-rendu du congrès socialiste en raison des réticences de nombreux dirigeants de la Deuxième Internationale face à toute action publique autonome des femmes socialistes. Malgré ce désaveu politique, cet appel demeure fondateur dans la construction de la journée internationale telle qu’elle est organisée aujourd’hui.
Une Origine Communiste ?
Quant au choix de la date du 8 mars, un mythe a circulé à son sujet dès 1955 et pendant plus de trente ans, relayé par plusieurs historiennes américaines et même par la documentation officielle de l’ONU. Selon ce mythe, « l’origine de cette journée remonte au 8 mars 1857, où à New York, des femmes travailleuses, des ouvrières de l’habillement ont manifesté pour leurs revendications », rapporte le journal France Nouvelle, cité par l’historienne Françoise Picq dans un texte sur l’origine du 8 mars. Cependant, aucun document historique ne mentionne cet événement, qui n’est d’ailleurs jamais cité par Clara Zetkin comme référence pour la journée internationale qu’elle appelle de ses vœux.
L’origine historique du 8 mars fait toujours l’objet de spéculations, mais une hypothèse se dégage : celle du 8 mars 1917, date d’une grève d’ouvrières à Saint-Pétersbourg (alors appelée Pétrograd), qui aurait été l’un des événements déclencheurs de la révolution russe. Afin de dissocier les idéaux féministes de tout contexte communiste en pleine guerre froide, le « mythe » des ouvrières américaines de mars 1857 aurait été mis en avant après la Seconde Guerre mondiale, explique Françoise Picq dans son article.
Une Date Adoptée en France en 1982
Quelle que soit son origine historique exacte, la date du 8 mars a été utilisée, notamment en France, en 1975, lorsque le Mouvement de libération des femmes (MLF) a organisé une manifestation contre l’Année internationale de la femme, considérée comme une récupération de la lutte par de nombreuses militantes.
Deux ans plus tard, l’ONU invite tous les États à proclamer un jour de l’année « Journée des Nations unies pour les droits de la femme et la paix internationale ». Le MLF demande alors au président François Mitterrand de choisir le 8 mars, qui sera adopté en France en 1982. Les États-Unis ont fait de même en 1980.
Pour conclure, il convient de souligner que le 8 mars peut être célébré aujourd’hui sans aucune référence au passé, ce qui est déjà significatif, rappelle Simone Bonnafous, chercheuse en sciences sociales. Cette année, en France, un collectif d’associations réveille l’esprit de la grève à l’origine de la journée internationale en encourageant toutes les femmes à quitter leur travail à partir de 15 h 40, le vendredi. Cette action, intitulée « l’heure des comptes », vise à dénoncer l’écart de 26 % de rémunération moyenne entre les femmes et les hommes – 15 % en équivalent temps plein – en l’adaptant au temps de travail.
