Lutte contre la pauvreté : pourquoi ça coince ?

Lutte contre la pauvreté : pourquoi ça coince ?

La lutte contre la pauvreté en France semble stagner malgré les efforts et les dépenses considérables. Alors que le chômage est au plus bas depuis quinze ans et que le nombre de bénéficiaires du RSA diminue, pourquoi la misère persiste-t-elle ?

Une situation qui se dégrade lentement

Le taux de pauvreté, qui s’établit à 14,6 % selon les données de l’Insee en 2020, a connu une baisse significative depuis les années 1970. Cependant, cette tendance s’est inversée depuis une quinzaine d’années. Malgré la diminution du chômage, d’autres signaux montrent que la situation se dégrade. Le taux de privation matérielle et sociale est au plus haut depuis 2013, la demande d’aide alimentaire explose et la demande de logements sociaux n’a jamais été aussi élevée.

Cette déconnexion entre l’amélioration de l’emploi et la réduction de la pauvreté suscite des interrogations, même au plus haut niveau de l’État. Le gouvernement a ainsi invité les associations à réfléchir à la mesure statistique de la pauvreté. Alors, que se passe-t-il ?

Immigration : impact relatif

Certains établissent un lien entre l’augmentation des flux migratoires et la pauvreté croissante. Cependant, il convient de relativiser l’ampleur de ce phénomène. Si le nombre de personnes sans papiers est estimé entre 600 000 et 700 000, il faut le comparer aux neuf millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et aux cinq millions en situation d’extrême pauvreté. Ainsi, l’augmentation du nombre de sans-papiers ne représente qu’une infime partie de l’accroissement de la pauvreté en France.

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En revanche, l’immigration dans son ensemble a un impact plus important. En effet, le taux de pauvreté de la population immigrée est deux fois plus élevé que le taux global. Ainsi, mathématiquement, l’augmentation du nombre d’immigrés se traduit par une augmentation de leur part parmi les pauvres. Aujourd’hui, les immigrés représentent 21 % de la population pauvre.

Inflation : 200 000 personnes supplémentaires touchées

L’inflation des dernières années a considérablement exacerbé le problème de la pauvreté. Selon les estimations, environ 200 000 personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté d’ici avril 2024 en raison de l’augmentation des prix. Alors que les prix ont augmenté de 5 % cette année, les prestations sociales n’ont été revalorisées que de 1,6 % en avril 2023. De plus, certains produits, tels que les produits alimentaires, ont connu une hausse de prix encore plus marquée, ce qui affecte d’autant plus les budgets des ménages les plus pauvres.

Emploi précaire : une cause majeure

La précarité de l’emploi contribue également à l’élargissement des frontières de la pauvreté. Depuis les années 1990, de nombreux emplois mal rémunérés se sont développés, tels que les contrats à durée déterminée, les emplois à temps partiel ou encore l’autoentrepreneuriat. Cette précarisation de la société fait que le travail ne suffit plus à assurer une vie décente, en particulier chez les jeunes qui sont les plus touchés par cette forme d’emploi.

De plus, le système scolaire français, caractérisé par de fortes inégalités, contribue à reproduire la pauvreté. Les personnes issues de milieux défavorisés ont moins de chances de réussir à l’école, ce qui augmente leur risque de rester pauvres, le chômage étant étroitement lié au niveau de diplôme.

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Séparations familiales : un impact majeur

Depuis les années 1970, le nombre de séparations de couples a augmenté. Or, lorsqu’un couple se sépare, il n’est plus possible de diviser par deux les dépenses. Cela a un impact significatif en termes de pauvreté. Aujourd’hui, le taux de pauvreté des familles monoparentales s’élève à 18 %. De plus, le coût élevé du logement a rendu l’accès à un logement de plus en plus difficile, poussant les gens à s’éloigner des zones d’emploi accessibles sans voiture.

Alors, les dépenses publiques destinées à lutter contre la pauvreté sont-elles inefficaces ? La France consacre environ un tiers de son PIB aux dépenses sociales, soit davantage que la moyenne européenne. Cependant, la part consacrée spécifiquement à la lutte contre la pauvreté est d’environ 2 %. Selon Louis Maurin, sans ces dépenses, le taux de pauvreté serait de 22 % au lieu de 14,6 %. Cependant, depuis 2017, les minima sociaux ont été peu revalorisés, à l’exception des personnes handicapées et âgées. Les mesures de la stratégie de lutte contre la pauvreté d’Emmanuel Macron, telles que le dédoublement des classes, ne concernent que 8 % des territoires et ne sont donc pas généralisées.

Si la lutte contre la pauvreté nécessite des ressources financières, elle est surtout une question de choix politique. Par exemple, la suppression de la taxe d’habitation coûte annuellement 20 milliards d’euros, tandis que porter le revenu minimum à 900 €, soit le seuil de l’extrême pauvreté, coûterait entre 7 et 10 milliards d’euros.

Le taux de pauvreté, une définition relative

Selon l’Insee, le taux de pauvreté s’élevait à 14,6 % en 2020. Ce taux est calculé en fixant le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian de la population. Cela correspond à un revenu disponible de 1 102 € par mois pour une personne vivant seule et de 2 314 € pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.

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Ce calcul permet de constater que près de 9,2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, sans compter les personnes sans abri et celles résidant en outre-mer. Il existe également un taux fixé à 50 % du niveau de vie médian (940 € par mois), qui concerne 7,6 % de la population.

Cependant, ces données n’ont pas été mises à jour depuis 2020 en raison des difficultés liées à la collecte des revenus pendant la période de la Covid-19. Une mise à jour devrait être réalisée prochainement.