Le sport est un domaine qui ne peut plus prétendre être “protégé”. Il faut avoir le courage d’admettre que le sport ne peut plus être neutre face aux défis sociaux et politiques d’aujourd’hui.
Il est crucial de continuer à dénoncer les inégalités et les discriminations, qu’elles soient volontaires ou involontaires, conscientes ou inconscientes, institutionnelles, collectives ou individuelles, quelles qu’elles soient. Il est important de les nommer, car elles stigmatisent et figent les individus dans des rôles prétendument immuables, que ce soit des champions, des sportifs amateurs ou des dirigeants. De nombreuses études en sciences sociales, notamment aux États-Unis, l’ont montré.
Le sport est confronté aux mêmes problématiques que les autres sphères sociales. Les discours d’universalisme ont longtemps conduit à la sous-estimation des minorités et des femmes, qui sont encore aujourd’hui victimes de représentations discriminantes dans la pratique sportive, la médiatisation et l’accès aux responsabilités. On ne peut plus se cacher derrière les “valeurs du sport”. Le sport doit être exemplaire.
Les préjugés ont la vie dure
Les préjugés négatifs persistent dans le sport. Par exemple, l’imaginaire collectif véhicule l’idée que le sportif noir est plus athlétique, doté de capacités physiques supérieures, tandis que le sportif blanc serait plus tactique et stratégique. Cette croyance persiste, bien que tout le monde ne la partage pas. C’est un racisme structurel, parfois institutionnel, souvent inconscient. Il est inacceptable de considérer que les personnes de couleur noire possèdent uniquement des qualités physiques et athlétiques.
De plus, être toléré dans le sport ne signifie pas avoir une légitimité totale. Les stéréotypes demeurent sur le comportement et la maîtrise sociale des jeunes des quartiers populaires, en particulier des garçons. Depuis les années 1950, de nombreux enfants d’immigrés et d’outre-mer ont trouvé dans le sport une opportunité de réussite. Pourtant, ils sont souvent perçus comme rebelles et indomptables, même lorsqu’ils remportent des compétitions.
Ces jeunes sont scrutés en permanence, notamment pour voir s’ils chantent l’hymne national avant les matchs. Leur façon de s’exprimer, d’écrire sur les réseaux sociaux est moquée, alors même que certains d’entre eux touchent des salaires très élevés. Ils sont constamment soumis à une exigence de perfection. Ces injonctions contradictoires, décrites par des spécialistes des banlieues, ne sont donc pas absentes du sport.
De plus, la gouvernance du sport n’est pas représentative de la société française. Elle est majoritairement blanche et masculine, dans un secteur mal connu, mal gouverné et sous-utilisé. Le sport ne reflète donc que partiellement les valeurs qu’il prétend incarner. Pourtant, son pouvoir médiatique et son attrait auprès des jeunes pourraient servir à combattre les préjugés et les inégalités. Le sport peut et doit être une source d’inspiration pour d’autres secteurs.
Un instrument de tolérance et d’entraide
Le sport est un témoignage des atouts d’une société multiculturelle. C’est d’autant plus vrai dans le contexte actuel marqué par les tentations identitaires et le rejet croissant des migrants et des réfugiés. Le sport peut être un instrument particulièrement efficace pour promouvoir la tolérance, l’entraide et donner du sens. De nombreuses initiatives existent, comme la création d’une équipe regroupant des sportifs réfugiés aux Jeux Olympiques de Rio. L’Union européenne s’est également emparée de cette question.
La lutte contre les discriminations raciales dans le sport est une préoccupation des responsables européens. En 2016, la FIFA a créé le “FIFA Diversity Award” et organisé la quinzième édition des “FIFA Anti-Discrimination Days”. L’UEFA s’efforce également de promouvoir la diversité dans le football, avec le réseau “Football Against Racism in Europe” (FARE).
En France, l’organisation et le fonctionnement du sport offrent une opportunité aux pouvoirs publics d’agir au plus près des citoyens pour promouvoir l’égalité pour tous. Pour cela, une stratégie fondée sur la coopération des acteurs politiques et sportifs, ainsi que des responsables de clubs locaux, est nécessaire.
La France “black, blanc, beur” de 1998 était un symbole positif qui n’a pas été apprécié par tous. Pourtant, le multiculturalisme est une réalité en France, sur le plan social et démographique. Il est important de souligner que Paris 2024 a construit son histoire autour des atouts de la jeunesse plurielle de la France. Ce discours optimiste, respectueux, synonyme de confiance et de richesse sociétale et économique, doit être relayé.
Le sport possède un potentiel immense pour la collectivité. Cependant, il doit être accessible à tous, indépendamment du milieu social, du sexe, de l’origine, du lieu de vie et de la condition physique.
Les deux auteurs de cet article ont publié “Le Pouvoir du Sport”, Editions FYP, 2017.