Les dents sont composées de multiples tissus, dont l’émail qui constitue leur couche externe. Bien qu’elles soient extrêmement dures, capable de broyer les aliments les plus résistants, certaines personnes ressentent une douleur intense en mangeant quelque chose de froid, comme une glace.
Les scientifiques ont récemment identifié les mécanismes à l’origine de cette douleur, qui ne peut pas être soulagée par des analgésiques classiques. Qu’est-ce qui cause cette sensation désagréable ?
Quelle est la partie des dents qui détecte le froid ?
Les dents sont constituées de différentes couches. La partie visible, appelée la couronne, est composée d’émail, le tissu le plus dur et résistant du corps humain. Cependant, il n’est pas capable de se régénérer.
Sous l’émail se trouve la dentine, également très résistante et constituée principalement de cristaux d’hydroxyapatite. La dentine entoure la pulpe dentaire, une partie sensible de la dent qui contient les terminaisons nerveuses et les vaisseaux sanguins.
À la frontière entre la dentine et la pulpe se trouvent les odontoblastes, des cellules responsables de la régénération de la dentine tout au long de la vie. Ces cellules sont en contact direct avec des neurones sensoriels et jouent un rôle clé dans la détection du froid.
Quand survient l’hypersensibilité dentaire
Lorsque l’intégrité des dents est endommagée, par exemple en raison de caries, d’une maladie des gencives ou d’un retrait des gencives dû à l’âge, la pulpe dentaire et les nerfs qu’elle contient peuvent être exposés. Dans de telles situations, les stimuli tels que le froid peuvent provoquer des douleurs intenses.
Environ 25 à 30% des adultes souffrent de ce type de douleur à un moment de leur vie. Jusqu’à présent, les traitements analgésiques classiques n’ont pas été efficaces pour soulager cette douleur, dont l’origine était encore méconnue.
Comment notre corps réagit-il au froid ?
Certains neurones sensoriels présents à la surface de notre corps sont capables de déclencher des sensations douloureuses en réponse à certains stimuli. Ces neurones, appelés “nocicepteurs”, possèdent des protéines spécifiques qui leur permettent de détecter et de réagir à différents phénomènes physiques.
Les premières protéines identifiées comme détectant le froid ont été découvertes il y a une vingtaine d’années. On sait maintenant qu’elles appartiennent à la famille des canaux TRP (Transient Receptor Potential). Ces canaux permettent aux protéines de traverser la membrane des cellules et de détecter des composés tels que les ions calcium.
La sensation de froid au niveau de la peau est principalement médiée par les récepteurs TRPM8 et TRPA1. Par exemple, le récepteur TRPM8 est responsable de la sensation de fraîcheur lors de la consommation de menthe, tandis que le récepteur TRPA1 est activé lorsque la température est très basse et peut endommager les tissus.
Comment les dents détectent-elles le froid ?
Si les mécanismes responsables de la détection du froid au niveau de la peau sont connus depuis plus de vingt ans, ceux au niveau des dents ont été identifiés plus récemment. Les protéines TRPC5 et TRPA1 jouent un rôle essentiel dans la détection des basses températures.
Une récente étude publiée dans la revue Science Advances a démontré que le blocage spécifique de ces canaux chez des souris inhibait les réponses au froid au niveau dentaire. De plus, des souris chez qui la protéine TRPC5 a été supprimée étaient également incapables de détecter le froid sur leurs dents.
Il a également été observé que les récepteurs TRPC5 étaient plus présents dans des échantillons de tissus dentaires provenant de patients souffrant d’infections ou d’inflammation des dents. Cette découverte pourrait expliquer pourquoi ces personnes sont plus sensibles au froid.
Il est intéressant de noter que l’huile de clou de girofle, utilisée depuis l’Antiquité pour soulager les maux de dents, agit en empêchant l’ouverture des canaux TRPC5.
Un pas de plus vers le soulagement des douleurs dentaires
Lorsque les molécules responsables de la détection du froid au niveau dentaire s’ouvrent en réponse à une basse température, elles restent plus longtemps dans cet état que les autres canaux TRP. Cela pourrait expliquer pourquoi la douleur persiste même après l’arrêt du stimulus.
On pensait jusqu’à présent que ces molécules exerçaient leur fonction en étant localisées au niveau des nerfs. Cependant, il a été démontré qu’elles se trouvent en réalité à la surface des odontoblastes, les cellules responsables de la fabrication de la dentine.
Maintenant que ces mécanismes ont été découverts, la prochaine étape consistera à tester différents composés chimiques pour identifier ceux qui pourraient réguler l’ouverture des canaux TRPC5. Ces composés pourraient être intégrés dans l’arsenal thérapeutique utilisé par les dentistes pour soulager les douleurs dentaires.
Cet article a été préparé en collaboration avec Laura Bernal, docteure de l’Université d’Alcalá de Henares, co-auteure de l’étude publiée dans Science Advances.