Les dents sont incroyablement résistantes. Capables de broyer les aliments les plus durs sans aucune douleur, elles peuvent pourtant nous faire grimacer lorsque nous mangeons quelque chose de froid. Cette douleur, qui ne peut pas être soulagée par des analgésiques classiques, a récemment été étudiée par des scientifiques. Découvrons ensemble les mécanismes à l’origine de cette sensation désagréable.
Quelle est la partie des dents qui détecte le froid ?
Les dents sont composées de différentes couches. La partie visible, appelée couronne, est constituée d’émail. Cette couche, principalement composée d’hydroxyapatite, est la plus dure et la plus résistante du corps humain. Cependant, elle ne peut pas se régénérer.
Juste en dessous de l’émail se trouve la dentine, également très résistante (elle est composée à 70 % de cristaux d’hydroxyapatite). La dentine forme la racine de la dent, invisible car située à l’intérieur de la gencive, et elle est également traversée par des microtubules qui aident à amortir les forces exercées sur la couronne.
La partie la plus délicate de la dent se trouve entre la dentine et la pulpe dentaire. La pulpe dentaire abrite les terminaisons nerveuses et les vaisseaux sanguins.
Quand survient l’hypersensibilité dentaire
Lorsque l’intégrité des dents est endommagée, par exemple par des caries, une inflammation des gencives ou le retrait des gencives avec le temps, la pulpe dentaire et les nerfs qu’elle contient sont exposés. Dans ces situations, des stimuli tels que le froid peuvent provoquer des douleurs intenses, semblables à des décharges électriques.
Ce type de douleur est courant et touche entre 25 et 30 % de la population adulte. Jusqu’à présent, les traitements analgésiques classiques n’étaient pas efficaces pour soulager ces douleurs, dont l’origine était inconnue.
Comment notre corps réagit-il au froid ?
Certains neurones sensoriels situés à la surface de notre corps sont responsables de la perception de la douleur en réponse à certains stimuli. Ces neurones, appelés “nocicepteurs”, possèdent des protéines spécifiques qui leur permettent de détecter et de réagir à différents phénomènes physiques.
Les premières protéines capables de détecter le froid ont été découvertes il y a plus de 20 ans. On sait maintenant qu’elles appartiennent à la famille des canaux TRP (Transient Receptor Potential) qui traversent la membrane des cellules. Ces canaux s’ouvrent en réponse à un stimulus, permettant à certains composés, comme des ions calcium, de passer à travers la membrane.
La sensation de froid au niveau de la peau est principalement médiée par les récepteurs TRPM8 et TRPA1. Le récepteur TRPM8 est responsable de la sensation de fraîcheur lorsque nous consommons par exemple un chewing-gum à la menthe. Le récepteur TRPA1, quant à lui, est activé lorsque la température est très basse et peut causer des dommages aux tissus.
Comment les dents détectent-elles le froid ?
Si les mécanismes de détection du froid au niveau de la peau sont connus depuis plus de 20 ans, ceux concernant les dents ont été identifiés plus récemment. Dans ce cas, les protéines les plus importantes pour détecter les basses températures sont TRPC5 et TRPA1.
Une étude récente publiée dans la revue Science Advances a montré que le blocage spécifique de ces canaux chez la souris inhibait les réponses au froid provenant des dents. De plus, les souris dont la protéine TRPC5 avait été supprimée étaient également incapables de détecter le froid sur leurs dents.
Il a également été constaté que les récepteurs TRPC5 étaient davantage exprimés dans des échantillons de tissus dentaires provenant de patients souffrant d’infections ou d’inflammation des dents. Cette découverte pourrait expliquer pourquoi ces personnes sont plus sensibles au froid.
Il est intéressant de noter que l’huile de clou de girofle, utilisée depuis l’Antiquité comme remède contre les maux de dents, agit en empêchant l’ouverture des canaux TRPC5.
Un pas de plus vers le soulagement des douleurs dentaires
Lorsque les molécules responsables de la perception du froid au niveau dentaire s’ouvrent en réponse à une basse température, elles restent ouvertes plus longtemps que les autres canaux TRP. Cela pourrait expliquer pourquoi la douleur persiste après l’arrêt du stimulus.
On pensait jusqu’à présent que ces molécules exerçaient leur fonction en agissant sur les nerfs. Cependant, il a été découvert que ces canaux ne se trouvent pas sur les nerfs des dents, mais à la surface des odontoblastes, des cellules responsables de la fabrication de la dentine.
Maintenant que ces mécanismes ont été identifiés, la prochaine étape consiste à tester différents composés chimiques pour identifier ceux qui pourraient moduler l’ouverture des canaux TRPC5. Ces composés pourraient à terme être utilisés pour soulager les douleurs dentaires.
Cette découverte représente une avancée importante dans la compréhension de la douleur dentaire et ouvre de nouvelles perspectives pour son traitement.