“Mme Hidalgo, gardez votre main loin de ma Rolls !”

« Mme Hidalgo, vous n’aurez pas ma Rolls ! »

Ma chère amie, laissez-moi vous conter une histoire intéressante. Thomas Morales, dans son livre “Éloge de la voiture”, s’exprime sur la Maire de Paris et lui propose une sortie en Silver Shadow pour lui faire voir les choses sous un autre angle.

Pourquoi tant d’animosité envers Mme Hidalgo ?

Lorsque je lui pose la question, Thomas Morales répond avec une pointe d’admiration et sans aucune haine. Il admire l’obstination de la Maire de Paris à bannir les voitures de la ville. Il reconnaît toutefois qu’il aurait préféré plus de subtilité et moins de brutalité envers les banlieusards, les commerçants, les professionnels et les collectionneurs de voitures anciennes, comme cette Rolls qui lui a été prêtée. Selon lui, tous les Parisiens vivent désormais dans une ville en état de siège.

Que lui diriez-vous lors d’un trajet en voiture ?

“Douce Anne, je vous en prie, ne transformez pas l’hypercentre en musée à ciel ouvert ! Rendez-nous Paris, ne faites pas de cette merveilleuse ville un simple lieu touristique. L’Ile-de-France est un organisme fragile. Une voie fermée, un accès bloqué et toute la machine se met à dérailler. Pensez à ce malheureux automobiliste qui se débat. On lui demande d’acheter des voitures neuves tout en le restreignant dans ses déplacements quotidiens. Il est conscient des enjeux écologiques, mais il est également confronté aux pannes régulières – pour rester poli – des transports en commun. Chère Anna Maria, la voiture n’est pas un monstre. Lorsqu’on a la chance, comme moi aujourd’hui, de rouler en Silver Shadow, on a envie de vous murmurer à l’oreille en passant la deuxième : « Mme Hidalgo, gardez votre main loin de ma Rolls ! »”

Quelle est votre voiture préférée ?

J’aime les voitures qui expriment leur personnalité à travers un style audacieux. Celles qui sortent des sentiers battus du design uniforme. J’ai un faible pour l’AMC Pacer des années 70, cet aquarium roulant reconnaissable à sa grande surface vitrée, à son allure tirée d’un dessin animé, à ses moteurs peu puissants et à son charme de petite voiture américaine. En France, on l’a souvent vue entre les mains de Coluche, de Claude Brasseur ou dans les films de Jean Yanne. Bien qu’elle ne soit pas très fiable, plutôt capricieuse même, elle incarne pour moi les beaux quartiers de Paris, le chobizenesse, en somme, la fin d’un monde.

« Mme Hidalgo, vous n’aurez pas ma Rolls ! »

Quels sont vos trajets préférés à Paris, malgré tout ce que nous venons de dire ?

Paris est une boîte à souvenirs pour les amateurs de voitures. Chaque place, chaque boulevard me renvoie à un film et à un modèle précis. Impossible de passer par la Place des Victoires sans penser immédiatement à la Volvo 145 du “Cavaleur” (interprété par Jean Rochefort). Lorsque je traverse la rue Watt dans le XIIIe arrondissement, je me retrouve plongé dans un film noir de Melville, associé à une longue voiture américaine, une Cadillac par exemple. La Fiat 131 rouge du “Professionnel” (Joss Beaumont) sur les marches du Trocadéro a illuminé mon enfance. Et le court-métrage de Claude Lelouch, “C’était un rendez-vous”, tourné entre la Porte Dauphine et Montmartre à l’aube, à une vitesse inavouable, reste un pur moment de transgressions.

Voilà, mon amie, une réflexion intéressante qui donne envie de parcourir les rues de Paris et d’admirer les voitures qui y circulent. J’espère que cela vous a plu autant qu’à moi !

Entretien avec Laurence Rémila / Photos de Arnaud Juherian