De nos jours, il n’est pas nécessaire d’être un expert en technologie ou de posséder le CV d’Edward Snowden pour espionner son conjoint. Les magasins d’applications en ligne regorgent de logiciels d’espionnage qui permettent à quiconque de surveiller les moindres faits et gestes de son entourage. Une étude réalisée récemment par les universités de New York, Cornell, Hunter College et Technion a révélé l’ampleur de ce phénomène. Elle a identifié pas moins de 280 applications disponibles sur le Play Store de Google, ainsi que 23 autres en dehors des magasins d’applications, qui doivent être téléchargées sur un ordinateur avant d’être installées sur un téléphone.
Des logiciels espions facilement accessibles
Il suffit de taper “Comment surveiller…” sur Google pour que le moteur de recherche suggère des phrases comme “… sa femme” ou “… un téléphone à distance”. Parmi les logiciels d’espionnage les plus connus, nous retrouvons M.Spy, Life360, SpyBubble et Flexispy. Initialement conçus pour surveiller les enfants, ces logiciels sont de plus en plus utilisés pour le harcèlement et les violences familiales. Une étude réalisée en 2015 auprès de 700 femmes victimes de violence domestique, par l’association Women’s Aid et relayée par The Guardian, a révélé qu’un tiers d’entre elles étaient suivies à la trace grâce à ces types de logiciels.
Un accès total à distance
Ces logiciels d’espionnage permettent non seulement de suivre quelqu’un à distance, mais aussi d’accéder à ses SMS, e-mails, listes d’appels, photos et vidéos. Certains logiciels plus sophistiqués permettent même de lire les messages des réseaux sociaux tels que WhatsApp, Facebook, ou encore les activités sur des sites de rencontres comme Tinder. Certains de ces logiciels peuvent même être installés de manière invisible sur le téléphone cible, sans que la personne ne se rende compte qu’elle est surveillée. Certains offrent même la possibilité d’activer à distance le microphone ou la caméra du téléphone.
Des mots de passe partagés en couple
Pour installer une application d’espionnage à l’insu de la personne ciblée, il faut avoir physiquement accès à son téléphone et connaître son mot de passe. Une enquête menée par Kaspersky, spécialiste de la sécurité informatique, a révélé que 59% des personnes en couple partagent ouvertement leurs codes PIN et mots de passe avec leur conjoint. 24% d’entre eux vont même jusqu’à enregistrer leurs empreintes digitales sur le téléphone de leur partenaire.
Un arsenal d’outils d’espionnage en ligne
En France, le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes a mentionné M.Spy comme l’une des applications les plus utilisées dans un rapport sur les violences faites aux femmes en ligne. Vendu à partir de 27€ sur internet, ce logiciel espion atteint même 170 euros dans sa version Premium avec un abonnement d’un an. Il suffit à l’utilisateur d’accéder à son compte via un navigateur web pour obtenir toutes les informations souhaitées. Ce logiciel permet également de programmer des alertes par e-mail lorsque le téléphone entre ou sort d’une zone géographique définie. La version Android est même capable de reproduire à distance tout ce qui est saisi sur le clavier du téléphone, grâce à un enregistreur de frappe.
Plus intrusif encore, la version Premium de Flexispy (349 dollars pour un an) permet d’enregistrer les appels et les conversations environnantes en activant discrètement le microphone du téléphone. Il est même possible de prendre des photos en temps réel grâce à l’appareil photo du téléphone. D’autres fonctionnalités incluent l’enregistrement de tous les mots de passe saisis sur le téléphone et leur transmission au pirate. Certains sites internet, comme Fleximobile.fr, proposent même des smartphones préinstallés avec un logiciel espion. Les prix varient de 650 à 1500 euros selon les modèles.
Il convient de souligner que l’utilisation de ces applications à l’insu du propriétaire du téléphone est illégale en France. L’installation de logiciels pour espionner et surveiller les sites consultés par une personne, le piratage de sa boîte mail ou tout autre procédé visant à surveiller ses échanges sont considérés comme frauduleux. Espionner le téléphone portable d’une tierce personne constitue une atteinte à sa vie privée. Selon le code pénal, l’enregistrement de conversations sans consentement et la violation du secret de la correspondance sont passibles d’une peine d’un an de prison et d’une amende de 45 000 euros (article 226-15 du code pénal).