Museoteca – Le 28 juillet 1830 : la Liberté guidant le peuple, Delacroix, Eugène

Museoteca – Le 28 juillet 1830 : la Liberté guidant le peuple, Delacroix, Eugène

L’insurrection parisienne des 27, 28 et 29 juillet 1830, connue sous le nom de Trois Glorieuses, a été initiée par les républicains libéraux pour violation de la Constitution par le gouvernement de la Deuxième Restauration. Charles X, dernier roi bourbon de France, a été renversé et remplacé par Louis-Philippe, duc d’Orléans. Delacroix, témoin de l’insurrection, l’a perçue comme un sujet moderne pour un tableau.

Une interprétation allégorique de l’épopée parisienne

Delacroix a commencé son interprétation allégorique de l’épopée parisienne en septembre 1830. Son tableau a été achevé entre octobre et décembre et exposé au Salon en mai 1831.

Comme à son habitude, il a élaboré son plan pour le tableau en utilisant des croquis préliminaires pour chaque élément et à chaque étape. Il a également puisé dans le répertoire de motifs qu’il avait compilé quotidiennement depuis le début de sa carrière. Ainsi, il a terminé l’œuvre en trois mois, en se concentrant sur l’impact dramatique et visuel de la scène : la foule qui brise les barricades pour mener son assaut final sur le camp ennemi.

L’allégorie de la Liberté

L’allégorie de la Liberté est personnifiée par une jeune femme du peuple portant le bonnet phrygien, ses boucles d’oreilles descendant sur son cou. Vibrante, ardente, rebelle et victorieuse, elle évoque la Révolution de 1789, les sans-culottes et la souveraineté populaire. Dans sa main droite levée se trouve le drapeau rouge, blanc et bleu, symbole de la lutte qui se déploie vers la lumière comme une flamme.

La Liberté porte une robe jaune rappelant les draperies classiques, maintenue à la taille par une ceinture dont les extrémités flottent à ses côtés. La robe a glissé en dessous de sa poitrine, révélant les poils sous les aisselles considérés comme vulgaires par les artistes classiques qui ont décrété que la peau d’une déesse devrait être lisse. Le réalisme érotique de sa nudité rappelle les anciennes victoires ailées. Son profil grec, son nez droit, sa bouche généreuse, son menton délicat et son regard brûlant rappellent la femme qui a posé pour les Femmes d’Alger dans leur appartement. Elle se tient noble et résolue, son corps éclairé sur la droite, se détachant nettement parmi les hommes alors qu’elle tourne la tête pour les pousser vers la victoire finale. Son côté gauche sombre se distingue parmi une plume de fumée. Son poids repose sur son pied gauche nu, visible en dessous de sa robe. Elle peut être une allégorie, mais c’est une véritable bataille, et elle est prise dans l’action du moment. Le fusil d’infanterie avec baïonnette (modèle 1816) dans sa main gauche lui confère un aspect contemporain et une certaine crédibilité.

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Une scène de bataille remplie de personnages emblématiques

Deux gamins parisiens se sont spontanément joints au combat : celui de gauche se cramponne aux pavés, les yeux écarquillés sous sa casquette légère d’infanterie ; la figure plus célèbre à droite de la Liberté est Gavroche, un symbole de la révolte juvénile contre l’injustice et du sacrifice pour une noble cause. Il porte le béret de velours noir (ou faluche) porté par les étudiants, en tant que symbole de rébellion, et porte une grande poche à cartouches trop grande en bandoulière. Il avance le pied droit en avant, brandissant des pistolets de cavalerie avec un bras levé, un cri de guerre sur les lèvres alors qu’il exhorte les insurgés à se battre.

Le combattant dont le béret porte une cocarde royaliste blanche et un ruban libéral rouge et qui porte un sabre d’infanterie (modèle 1816) ou briquet, est reconnaissable comme un ouvrier d’usine avec son tablier et son pantalon de marin. L’écharpe maintenant son pistolet en place sur son ventre évoque le mouchoir de Cholet – un signe de ralliement pour le chef royaliste Charette et les Vendéens.

La figure agenouillée avec un haut-de-forme de bourgeois ou d’urbain à la mode pourrait être Delacroix lui-même, ou l’un de ses amis. Il porte un pantalon ample et une ceinture de flanelle rouge d’artisan, et porte un fusil de chasse à double canon. L’homme blessé se redressant à la vue de la Liberté porte une écharpe nouée jaunâtre, faisant écho à la couleur de la robe de l’héroïne ; son caraco de paysan et sa ceinture de flanelle rouge suggèrent les ouvriers temporaires de Paris. La veste bleue, la ceinture rouge et la chemise blanche rappellent les couleurs du drapeau.

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Les soldats allongés par terre occupent le premier plan à la base de la structure pyramidale. Outre la figure de la Liberté, le cadavre sans pantalon à gauche, les bras tendus et la tunique retroussée, est une autre référence mythique, tirée d’un modèle nu classique connu sous le nom d’Hector – une personnification du héros homérique. Le garde suisse allongé sur le dos, à droite de la scène, porte un uniforme de campagne contemporain : un grand manteau bleu-gris avec une décoration rouge sur le col, des guêtres blanches, des chaussures basses et un shako. Un cuirassier avec une épaulette blanche, couché face contre terre à côté de lui, est visible jusqu’à la taille.

À gauche à l’arrière du triangle se trouvent des étudiants (dont un étudiant de l’École polytechnique avec son bicorne bonapartiste) et un détachement de grenadiers en grands manteaux gris et en uniforme de campagne.

Un arrière-plan contrasté

Bien que l’arrière-plan droit du tableau contienne des éléments d’un paysage urbain, il semble vide et distant en comparaison avec la bataille acharnée qui remplit le côté gauche de la scène. Les tours de Notre-Dame représentent la liberté et le romantisme – comme elles l’ont fait pour Victor Hugo – et situent l’action à Paris. Leur position sur la rive gauche de la Seine est inexacte, et les maisons entre la cathédrale et la rivière sont des produits purs de l’imagination du peintre. Une lueur de coucher de soleil, mêlée à la fumée des canons, illumine les postures baroques des corps et brille intensément en arrière-plan à droite, créant une aura autour de la Liberté, du jeune garçon et du drapeau tricolore.

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Comme nous l’avons déjà vu, la composition est unifiée par l’utilisation particulièrement habile de la couleur du peintre ; les éléments bleus, blancs et rouges ont des contrepoints ; le blanc des bretelles parallèles sur les épaules des combattants fait écho à celui des guêtres et de la chemise du cadavre à gauche, tandis que la tonalité grise rehausse le rouge du drapeau.

L’œuvre historique et politique de Delacroix – mélange de document et de symbole, d’actualité et de fiction, de réalité et d’allégorie – témoigne des derniers soubresauts de l’Ancien Régime. Cette œuvre réaliste et novatrice, symbole de liberté et de la révolution picturale, a été rejetée par les critiques habitués à des représentations plus classiques de la réalité. Après avoir salué l’accession de Louis-Philippe, l’œuvre a été cachée au public pendant le règne du roi, et n’est entrée au Musée du Luxembourg qu’en 1863 et au Louvre en 1874. Elle est aujourd’hui perçue comme une œuvre universelle – une représentation de la ferveur romantique et révolutionnaire, héritière de la peinture historique du XVIIIe siècle et précurseur de Guernica de Picasso au XXe.

Source: Musée du Louvre