Ni homos, ni hétéros : ils aiment les filles et les garçons

Ni homos, ni hétéros : ils aiment les filles et les garçons

L’amour ne connaît pas de frontières, et certains le vivent sans se soucier du genre de leur partenaire. La bisexualité, qui était autrefois jugée taboue, se banalise de plus en plus auprès de la jeune génération. Il semblerait que l’amour et le plaisir soient désormais les seules priorités.

Longtemps, le monde n’était que binaire

L’ancienne vision du monde, où tout était divisé entre hommes et femmes, ne laissait aucune place pour les personnes qui se situent entre les deux. Les gays ont été les premiers à ébranler cette vision, créant ainsi une nouvelle catégorie entre les hétérosexuels et les homosexuels. Aujourd’hui, cette catégorie, qui englobe les individus attirés par les deux sexes, suscite encore des controverses. Cependant, la bisexualité se normalise de plus en plus parmi les jeunes générations. En France, par exemple, en 2013, 17% des femmes et 7% des hommes âgés de 18 à 24 ans ont déjà été sexuellement attirés par des personnes des deux sexes. Ces chiffres ont doublé depuis 2006. Les rapports sexuels entre personnes du même sexe ont également augmenté. Dans les lycées, il est courant de voir deux filles s’embrasser, et sur Facebook, les statuts amoureux ne se limitent plus à une relation hétérosexuelle. Cette tendance s’observe également à l’étranger. Au Royaume-Uni, par exemple, le nombre de femmes déclarant avoir eu des relations sexuelles avec une autre femme a quadruplé en vingt ans. L’idée selon laquelle l’attirance pour une personnalité prime sur l’organe sexuel commence à s’imposer. En 2014, la réponse à la question “Qu’est-ce qu’une fille, un garçon, une sexualité normale ?” est devenue personnelle.

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L’exemple des stars

La notion de “fluidité sexuelle”, qui suggère que la vie érotique n’est pas figée mais évolutive, gagne en popularité auprès des jeunes. Cette évolution est due à la révolution sexuelle, à une acceptation croissante de l’homosexualité, à la volonté de la génération actuelle de ne pas se limiter à des choix définitifs, et à l’influence des stars comme Amber Heard, Angelina Jolie, Madonna et Azealia Banks, qui ont revendiqué leur bisexualité. La téléréalité a également joué un rôle important dans l’acceptation publique des personnalités bisexuelles et transgenres. Ces émissions, malgré leurs stéréotypes, ont permis de présenter des candidats bisexuels. En outre, des artistes tels que Stromae, avec son allure androgyne, touchent toutes les classes sociales. Toutes ces raisons, combinées à une certaine désillusion face au modèle traditionnel du couple, poussent de plus en plus de jeunes à emprunter des chemins non conventionnels.

Le rapport au corps des hommes a changé

Ce qui est nouveau, c’est le détachement perceptible chez ces jeunes. Achille, 24 ans, explique : “Je n’ai jamais voulu être un cliché hétéro. Je n’ai pas choisi d’être attiré par des filles et des garçons.” Plutôt que de se revendiquer bisexuels, ces jeunes agissent en conséquence, explorant les possibilités qui s’offrent à eux. Passer d’une fille à un garçon, et vice versa, leur semble tout à fait normal, y compris pour les jeunes hommes. Le sociologue et spécialiste de l’identité masculine, Daniel Welzer-Lang, constate cette évolution : “De plus en plus de jeunes hommes parlent même de pratiques sexuelles anales avec leurs compagnes. Le rapport au corps des hommes a changé. Les jeunes ont le désir d’expérimenter et, si cela leur procure du plaisir, ils continuent dans cette voie.” Ils rejettent en bloc l’idée selon laquelle ils ne sont pas capables de faire un choix, qualifiant cela d’idiot. Pour eux, être adulte, c’est être soi-même, indépendamment de son orientation sexuelle.

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Plus qu’une évolution, c’est peut-être une révolution

Selon l’anthropologue Catherine Deschamps, qui met en garde contre une “surévaluation de ce phénomène”, la bisexualité, en remettant en question les normes établies, suscite des réactions fortes et radicalisent les positions de ceux qui y sont opposés. Dans un contexte où les manifestations contre le mariage pour tous font rage, il est évident que tout bouleversement des codes traditionnels peut perturber. Cependant, Vincent Strobel, président de l’association Bi’cause, qui compte de nombreux jeunes membres, est convaincu que cette génération est plus libre dans son comportement, ce qui fera évoluer les mentalités à moyen et long terme. Les vingtenaires sont en train de tracer une nouvelle voie, rejetant les stéréotypes de genre et individualisant la morale. Selon les spécialistes, nous pourrions bien assister aux prémices d’une révolution culturelle majeure. L’individu triomphe, construisant son identité unique et en perpétuel mouvement. L’amour, quant à lui, suit ses propres règles. Comme le résume Eustache, âgé de 19 ans : “Aimer quelqu’un, que ce soit une fille ou un garçon, c’est à la fois fantastique et sacrément compliqué !”