Voilà une déclaration qui sort du lot dans l’industrie automobile. Habituellement, les entreprises vantent les mérites des voitures électriques, quitte à exagérer et à faire des promesses en l’air. Lors d’une table ronde à Munich (Allemagne) le 25 juin, Klaus Frölich, le directeur de recherche et développement chez BMW, a dit la vérité. “Il n’y a pas de demande de la part des clients pour les voitures électriques. Aucune”, a-t-il déclaré.
Pas un problème industriel selon Frölich
On se demande bien ce qui a poussé Klaus Frölich à faire cette déclaration. On l’avait connu plus enthousiaste par rapport à l’avenir des véhicules électriques. En décembre 2018, lors du salon de l’automobile de Los Angeles (États-Unis), il avait exposé sa stratégie pour faire face à la concurrence de Tesla dans le domaine de la mobilité électrique. Et le groupe allemand prévoit toujours de proposer 25 véhicules électrifiés d’ici 2025.
Mais pour le dirigeant, le problème ne réside pas dans la stratégie industrielle. “Nous pourrions inonder l’Europe et mettre en vente un million de voitures, mais les Européens ne les achèteraient pas”, affirme-t-il. Selon Klaus Frölich, les difficultés viennent des régulateurs. “Il y a une demande des régulateurs pour les véhicules électriques”, insiste-t-il.
“L’infrastructure n’est pas là”
Klaus Frölich critique particulièrement Transport & Environment, un lobby européen qui lutte pour la réduction des émissions de carbone dans les transports. Dans un article publié en juin 2019, l’organisation a dénoncé une augmentation de 1,6 % des émissions de carbone des nouvelles voitures en Europe en 2018. Elle accusait notamment les constructeurs automobiles européens de privilégier les SUV au détriment des voitures électriques qui sont plus respectueuses de l’environnement.
“Ce que [Transport & Environment] ignore, c’est que les clients européens ne sont pas prêts à prendre le risque d’acheter une voiture électrique en raison du manque d’infrastructure et de possibilités de revente”, rétorque le directeur de recherche et développement.
Il met également en avant l’absence de subventions et le coût de l’électricité. “On peut encourager les clients à acheter des voitures électriques en proposant des mesures incitatives gouvernementales au lieu de changer les voitures elles-mêmes”, déclare-t-il. Ces propos font écho aux mesures prises en France pour décourager l’utilisation de véhicules polluants. “À Munich, le prix du kilowatt-heure est de 50 centimes d’euro, et il est moins cher de conduire une voiture diesel à quatre cylindres plutôt qu’une voiture électrique. En France, le prix du kilowatt-heure est inférieur à 20 centimes d’euro.”
Des difficultés spécifiques à l’Europe
Klaus Frölich ajoute que ces difficultés sont propres au marché européen, car les voitures électriques se vendent mieux aux États-Unis et en Chine. “Les Américains peuvent avoir différentes voitures adaptées à différents usages, comme des pickups, des SUV et des voitures compactes. En Europe, les ménages ont souvent une seule voiture, ce qui les rend réticents à dépendre entièrement d’une voiture électrique”, affirme le directeur. Selon lui, les véhicules hybrides rechargeables ont plus de chances de se développer en Europe que les voitures entièrement électriques.
“Malgré l’enthousiasme pour les véhicules à énergie alternative, nous ne devons pas négliger la dernière génération de voitures diesel, qui émettent moins de CO2 que leurs homologues à essence et produisent moins de polluants sur la route”, conclut Klaus Frölich. Ces propos risquent de relancer le débat houleux sur les voitures électriques.