En plein coeur de Paris, chaque soir de la semaine vers 20 heures, de nombreux livreurs à vélo ou en scooter se rassemblent devant les fast-foods de la ville. Munis de leur sac isotherme floqué du logo de la plateforme pour laquelle ils travaillent, ils attendent impatiemment leur prochaine course. Uber Eats, Deliveroo, Stuart… Ces noms résonnent dans leur esprit, car ils représentent une source d’argent facile. Mais qui sont ces livreurs ? Certains sont de jeunes hommes, étudiants ou immigrants récemment arrivés, mais d’autres sont des adolescents encore au lycée, voire au collège.
Contourner les règles
Les plateformes de livraison s’engagent à n’employer que des auto-entrepreneurs âgés de 18 ans et plus. Pourtant, de nombreux mineurs réussissent à travailler en utilisant les comptes de leurs “grands” du quartier ou en louant des comptes via les réseaux sociaux. C’est le cas d’Abdel, qui livre des repas depuis ses 16 ans. Malgré l’interdiction claire, les ados rencontrés près des Halles, de la place de la République et ailleurs dans la capitale continuent de contourner cette règle. “Tout le monde le fait. Dans mon groupe d’amis, nous sommes quatre ou cinq à avoir commencé à 15 ou 16 ans”, affirme Abdel. Pour lui, la motivation est claire : gagner jusqu’à 600 euros par semaine lors des bonnes périodes.
Déconnectés de l’école
Au début, ces jeunes livreurs travaillent occasionnellement, profitant des pauses dans leur emploi du temps scolaire. Mais rapidement, cela devient une véritable addiction. Les soirées, les week-ends et les vacances sont consacrés à ce travail. Les conséquences sur leur scolarité sont inévitables. Charlotte, une professeure de lettres-histoire dans un lycée professionnel de Seine-Saint-Denis, témoigne : “Uber est un fléau pour nous, cela attire nos élèves. Et certains tombent dans le piège.” L’école doit alors s’adapter à cette nouvelle réalité sociale.
Une facilité d’accès tentante
Pour beaucoup de jeunes, devenir livreur est synonyme d’indépendance et de facilité d’accès au marché du travail. “Avant, on travaillait occasionnellement en colonie de vacances ou en aidant à décharger un camion le mercredi. Aujourd’hui, il suffit de télécharger l’application et le lendemain, on travaille”, explique un CPE. Mais cette facilité a un prix. Uber contribue à l’échec scolaire de certains jeunes. Les conséquences sont lourdes : environ 80 000 élèves sortent chaque année du système scolaire français sans qualification.
Un problème difficile à quantifier
Il est difficile de quantifier le nombre exact de mineurs travaillant la nuit dans les grandes villes. Selon un fournisseur de comptes à louer contacté sur Facebook, environ 20 comptes sur les 97 créés chez Uber, Deliveroo et Stuart étaient destinés à des mineurs. Les plateformes ferment généralement les yeux sur ces pratiques illégales, considérant que cela relève de la justice. Néanmoins, elles ont récemment renforcé leurs conditions d’accès. Par exemple, Uber a mis en place un système de reconnaissance faciale pour s’assurer que seuls les titulaires des comptes puissent s’y connecter.
Les mineurs face à la pression
Certains mineurs travaillent régulièrement pour ces plateformes de livraison. Romain, tout juste majeur, raconte : “Les créneaux horaires proposés dépendent de nos statistiques. Si nos résultats sont mauvais, Deliveroo nous met en chômage technique.” Les jeunes livreurs sont soumis à une pression constante et se voient attribuer des notes qui influencent leur accès aux créneaux horaires. Cette situation est souvent plus contraignante pour les lycéens, mais ne les dissuade pas de continuer à travailler.
En conclusion, les plateformes de livraison offrent aux mineurs une opportunité d’argent facile, mais cela a des conséquences sur leur scolarité et leur avenir. Les autorités doivent prendre des mesures pour réguler ces pratiques illégales et protéger les jeunes travailleurs. En attendant, il est important de sensibiliser les mineurs aux risques et de les encourager à se concentrer sur leur éducation.