Les questions sont dérangeantes. Et si la promesse des énergies propres n’était qu’un leurre? Le remède ne risque-t-il pas d’être pire que les énergies fossiles? Dans le documentaire évocateur de Jean-Louis Pérez et Guillaume Pitron, intitulé “La Face cachée des énergies vertes” diffusé ce soir sur Arte et Arte.TV jusqu’au 22 janvier 2021, ces interrogations sont au cœur du débat. Les réalisateurs ne remettent pas en cause le réchauffement climatique, contrairement aux lobbys pétroliers des années 1990 et 2000, mais ils dénoncent la sacralisation de la voiture électrique et des éoliennes par certains. Sans craindre le blasphème, Pérez et Pitron ouvrent le capot de la voiture électrique pour en décortiquer les entrailles.
Pour étayer leur propos, les réalisateurs se basent sur l’enquête solide et maintes fois récompensée de Guillaume Pitron, “La Guerre des métaux rares” publiée en 2018 aux Éditions Les liens qui libèrent. Sous le capot de ces voitures électriques se trouvent du rhodium, du platine, du cuivre, de l’or, du cobalt, du graphite et du néodyme, ce dernier faisant partie d’une famille de 17 métaux appelés “terres rares”. Or, les besoins de ces métaux devenus stratégiques vont exploser. Malheureusement, leur extraction, souvent effectuée à l’autre bout du monde, entraîne des dégâts environnementaux considérables. Comme le résument brillamment les nombreux experts interrogés, “On a délocalisé la pollution, on fait semblant d’être propres, mais en réalité, on est sales”.
Les effets indésirables de la filière
Le film nous transporte alors des mines de graphite du nord de la Chine au plus grand site d’extraction de cuivre à ciel ouvert au Chili, Chuquicamata, en passant par les réserves de lithium de la mer de sel d’Uyuni en Bolivie. Nous faisons également un détour par la Norvège, cette monarchie pétrolière européenne devenue pionnière des véhicules électriques. Ces images soignées et complétées par des prises de vue aériennes spectaculaires. Les habitants chinois du lac de Baotou, dont les eaux sont saturées de métaux lourds, ainsi que les habitants chiliens de Tocopilla témoignent du prix écologique à payer pour l’extraction de ces métaux indispensables aux voitures “zéro carbone”.
Au passage, le géant français Engie est mis en cause. Au moment du tournage, cette société du CAC 40 exploitait la centrale à charbon de Tocopilla, fournissant ainsi en électricité le monstre Chuquicamata. Engie a depuis fermé cette centrale, mais cet exemple du charbon polluant au service de la voiture “propre” illustre selon de nombreux intervenants l’hypocrisie du système. Pérez et Pitron révèlent également les pressions exercées par l’industrie automobile il y a dix ans, qui a investi des milliards d’euros dans l’électrique pour occulter les effets indésirables de cette filière.
Le spectateur automobiliste finit par se désespérer. N’a-t-il donc le choix qu’entre la peste et le choléra ? Le film apporte néanmoins des notes d’espoir. Le recyclage de ces métaux stratégiques offrirait une solution pour réduire leur impact environnemental. Bien que cela soit encore à ses balbutiements et coûteux, cette idée nous rappelle que la meilleure énergie est celle que nous n’utilisons pas.
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