Pourquoi je fais aussi des livres en anglais? | Elise Gravel

Pourquoi je fais aussi des livres en anglais? | Elise Gravel

J’ai des lecteurs qui sont déçus que je n’écrive pas exclusivement en français.

Lecteur déçu, je te comprends. C’est pourquoi je prends le temps de t’expliquer pourquoi j’ai des projets en anglais. J’aimerais que tu me comprennes, toi aussi.

Je fais des livres pour enfants parce que c’est ma passion. J’adore ça. Et j’adorerais encore plus si je pouvais gagner ma vie uniquement en écrivant des livres en français au Québec.

Mais ce n’est pas possible. Le marché francophone québécois est trop petit. Nous ne sommes pas assez nombreux et nous n’achetons pas suffisamment de livres.

Un auteur jeunesse moyen gagne environ 2500 $ par livre en droits d’auteur au Québec. Et cela me prend entre trois mois et un an pour écrire un livre pour enfants. Si tu calcules, cela ne représente pas un revenu annuel très élevé.

Il est donc impossible pour moi de gagner ma vie en écrivant des livres pour enfants en français. Quelques auteurs jeunesse québécois y parviennent. Quand je dis “quelques”, je veux dire qu’ils se comptent sur les doigts d’une main. Et je ne fais pas partie de cette poignée. Pour gagner leur vie, les autres auteurs doivent faire autre chose : des ateliers scolaires, de la pige, des travaux de rédaction ou de révision, de l’édition.

J’ai quelques options pour gagner ma vie dans ce contexte :

Option 1 : Faire un autre travail à temps plein

Je pourrais faire un autre travail à temps plein (de la pige, du graphisme, de la vente par téléphone ?) et écrire mes livres pour enfants le soir, pendant mon temps libre, lorsque mes enfants sont couchés. Mais je n’en ai pas envie. Ce que je veux faire à temps plein, c’est écrire des livres. Et ce que je veux faire pendant mon temps libre lorsque mes enfants sont couchés, c’est ranger la cuisine, préparer les repas, prendre un verre de vin, discuter avec mon conjoint, lire.

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Option 2 : Publier en France

Je pourrais publier en France. Mais ce n’est pas vraiment une option. En France, c’est aussi difficile qu’ici. Il y a des milliers d’éditeurs, des centaines de milliers de livres publiés chaque année, il n’est pas facile de se démarquer là-bas. De plus, les avances ressemblent beaucoup à celles que nous avons ici, entre 2000 et 3000 $ par titre. Le jeu n’en vaut pas la chandelle.

Option 3 : Écrire des livres en anglais

J’ai choisi cette option. Je ne te dirai pas combien je suis payée pour écrire des livres aux États-Unis, mais pour te donner une idée, les éditeurs anglophones paient en général entre quatre et vingt fois ce que je reçois ici pour écrire le même livre.

Assez pour gagner un revenu annuel décent en ne faisant QUE des livres pour enfants. C’est mon rêve. Le rêve de ma vie. Gagner ma vie en écrivant des livres.

Bien sûr, mon but n’est pas de faire de l’argent au point d’oublier mon public francophone. Je continue donc d’écrire des livres en français, comme “Le Grand Antonio” ; un livre profondément québécois et montréalais, uniquement pour nous. Jusqu’à présent, tout ce que j’écris en anglais est également traduit en français, mais pas l’inverse.

Mais pour réaliser mon rêve, je dois faire des projets en anglais et les promouvoir. Personne ne me connaît là-bas. C’est pourquoi certaines de mes pages web sont uniquement en anglais, et d’autres uniquement en français. Je n’ai pas le temps de tout traduire ; je dois faire des choix. J’aimerais que tous mes projets soient disponibles dans les deux langues.

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Je pense que je contribue à la culture québécoise francophone. J’encourage les enfants qui n’aiment pas lire à le faire. Je suis présente en français sur les réseaux sociaux. J’ai même importé un charmant anglophone de Toronto qui parle mieux français que beaucoup de Québécois, avec qui j’ai eu deux filles qui sont beaucoup plus francophones qu’anglophones. J’essaie de soigner mon français partout où je l’utilise, même en envoyant des textos. Je fais tout ce que je peux pour protéger ma langue et la promouvoir.

Mais je veux continuer à écrire des livres pour enfants à temps plein.