Notre pays a tout intérêt à ouvrir ses frontières et accueillir davantage de migrants. En effet, cela permettrait de compenser le manque de main-d’œuvre et de faire face au vieillissement de notre population, sans pour autant pénaliser les travailleurs déjà présents.
Les avantages des flux migratoires
Il est important de souligner que les flux migratoires n’ont pas d’effets négatifs sur le marché du travail, comme cela a été prouvé dans de nombreux exemples passés. Que ce soit l’arrivée des Cubains expulsés par le régime castriste à Miami, le rapatriement des Français d’Algérie ou encore l’immigration d’origine juive vers Israël suite à l’effondrement de l’Union soviétique, ces vagues migratoires n’ont pas entraîné de hausse du chômage ou de baisse des salaires. Les migrants viennent compléter la population locale et contribuent à la richesse du pays, à condition que le marché du travail soit suffisamment ouvert et flexible pour favoriser leur intégration.
Chasser les fausses croyances
Malheureusement, la pression politique peut pousser même les gouvernements modérés à durcir leur politique migratoire par crainte de donner du pouvoir aux mouvements populistes, comme cela s’est passé lors de l’élection de Trump ou du Brexit. Une partie de la population se radicalise notamment par peur d’être économiquement pénalisée par l’arrivée de nouveaux arrivants, mais également par la crainte de voir leur culture balayée par celle des migrants. Ces peurs sont souvent basées sur de fausses idées, comme le fait que les Français pensent en moyenne que les musulmans représentent près du tiers de la population, alors que le chiffre réel est proche de 8 %. Malheureusement, il est très difficile de changer ces croyances, et certaines études montrent même que rectifier les mensonges propagés par certains partis politiques peut être contre-productif.
Une autre voie possible
Au lieu de durcir la politique migratoire, une alternative consiste à confronter davantage la population à la réalité des migrants. La théorie du “contact”, validée par de nombreux travaux académiques, montre que le contact humain est la meilleure façon de réduire les préjugés. Il est donc essentiel d’organiser un véritable contact entre la population locale et les migrants, afin de favoriser une compréhension mutuelle. Cela passe par une répartition équilibrée des nouveaux arrivants sur le territoire, en leur offrant une formation adaptée et en favorisant les échanges avec la population locale.
Des propositions concrètes
Les propositions contenues dans le rapport du député Aurélien Taché, paru récemment, constituent une piste à suivre pour favoriser l’intégration des migrants. Parmi celles-ci, le renforcement des cours de langue et des mesures en faveur du logement, comme l’initiative d’”hébergement citoyen” permettant aux particuliers d’accueillir un migrant. Il est aussi essentiel d’analyser et de tirer des enseignements de l’insertion des réfugiés que le gouvernement français s’est engagé à accueillir depuis 2015. Il convient toutefois de noter que le nombre de ces réfugiés reste relativement faible, avec environ 10 000 personnes par an, soit moins de 0,02 % de la population française.
En conclusion, la France a beaucoup à gagner en ouvrant ses frontières aux migrants. Non seulement cela répondrait aux besoins de main-d’œuvre et au défi du vieillissement de la population, mais cela permettrait également de lutter contre les préjugés et les fausses idées. En favorisant le contact entre la population locale et les migrants, en proposant des mesures concrètes d’intégration et en corrigeant les croyances erronées, nous pouvons bâtir une société plus ouverte et inclusive.
Frédéric Cherbonnier est professeur à Sciences Po Toulouse et chercheur à Toulouse School of Economics