Pourquoi les aides à l’achat doivent s’orienter vers les petites voitures électriques

Bonus, prime: pourquoi les aides à l'achat doivent s'orienter vers les petites voitures électriques

Des aides à l’achat qui ciblent (enfin) les “bons” véhicules pour les “bonnes” personnes. C’est ce que réclame en substance France Stratégie, une institution autonome qui conseille Matignon, dans une note d’analyse intitulée “Voiture électrique: à quel coût?”

Des aides actuellement inefficaces?

Leur constat: les ventes de voitures électriques n’ont représenté que 10% du marché du neuf en 2021 (et près de 13% depuis le début de l’année 2022) alors qu’elles doivent représenter 100% des ventes en 2035. L’Europe a en effet acté l’interdiction de vendre des voitures thermiques, hybrides compris, à cette échéance. Un niveau de ventes “zéro émission” qui reste donc encore trop faible, alors même que ces véhicules font l’objet d’aides publiques très importantes, via des dispositifs comme le bonus écologique (7000 euros l’an dernier, 6000 euros en 2022) ou la prime à la conversion.

“Les aides actuelles à l’achat d’un véhicule électrique représentent un coût à la tonne de carbone évitée élevé”, résument les auteurs de la note de France Stratégie, avec une série de recommandations comme “un ciblage plus fin du bonus écologique, notamment en le restreignant aux véhicules électriques de petite taille”.

Actuellement, le bonus écologique, dispositif national et sans conditions de revenus, n’est limité que par le coût d’achat du véhicule. Pour une voiture 100% électrique, il y a actuellement un plafond à 47.000 euros pour bénéficier de l’aide maximale de 6000 euros. Au-dessus de ce prix et jusqu’à 60.000 euros, la subvention retombe à 2000 euros.

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Des véhicules électriques “aidés” pas si gros

Le poids ou la taille du véhicule n’est donc pas pris en compte par cette aide. Toutefois, depuis le début de l’année, on retrouve plutôt des véhicules électriques “de petite taille” dans les meilleures ventes de voitures électriques en France, notamment avec le trio de tête Peugeot e-208, Renault Mégane E-Tech et Fiat 500, plus d’un tiers des ventes à elles seules. Si on remonte le classement, on ne trouve pas vraiment de “gros” véhicules: la Model 3, quatrième, reste une berline compacte et le Peugeot e-2008, sixième, un petit SUV.

Seul le Tesla Model Y (4,75 mètres et près de 2 tonnes) pourrait rentrer dans la catégorie d’un “gros véhicule”, mais il n’est que 11e au classement des ventes électriques et seule la version Propulsion, qui démarre à 49.990 euros, reste égligible au bonus réduit à 2000 euros.

Ces véhicules n’en restent pas moins onéreux, surtout en comparaison de leurs équivalents thermiques. C’est ce que souligne la note de France Stratégie avec plusieurs exemples, même si ce surcoût peut être en partie compensé par les aides, le prix de revente et le plus faible coût à l’usage.

Pour un véhicule de segment B (Peugeot 208/Renault Clio/Zoé); le surcoût est ainsi estimé à 16.000 euros. Mais son acheteur pourra bénéficier de 8800 euros d’aides (bonus, prime à la conversion, aides locales…), le revendre 4500 euros de plus que l’équivalent thermique au bout de six ans (le surcoût à l’achat se retrouve tout de même à la revente) et réaliser 1200 euros d’économies à l’usage par an.

Réorienter les aides vers ceux qui en ont vraiment besoin

Reste le problème du coût initial de l’achat d’une voiture électrique, qui reste impossible à supporter pour les ménages les plus modestes. Un point que soulevait également le dernier rapport du Réseau Action Climat, qui recommandait des aides plus ciblées sur ces Français qui ont vraiment besoin d’une subvention pour passer à l’électrique, avec 13,3 millions de personnes “qui sont aujourd’hui dans une situation de précarité mobilité”.

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Parmi ses 19 propositions pour la mise en place “d’une véritable stratégie mobilité” en France, l’association évoque notamment plusieurs pistes, comme une prime à la conversion remaniée pour améliorer “son efficacité sociale et environnementale”. Le tableau ci-dessous permet de voir rapidement ce mouvement vers un renforcement des aides pour les plus modestes (le bonus pour les ménages avec un revenu fiscal de référence par part inférieur à 14.000 euros passerait par exemple à 8000 euros, contre 2500 à 5000 euros actuellement) et une suppression des subventions pour les plus aisés.

Les propositions du Réseau Action Climat pour réorienter la prime à la conversion vers les ménages les plus modestes.

Sur le bonus écologique, l’association propose un plafond beaucoup plus bas qu’actuellement en n’accordant cette aide que pour les voitures à moins de 30.000 euros “afin d’inciter à l’achat de véhicule électrique plus légers et donc moins coûteux.”

Si le reste à charge après les aides reste trop important, le Réseau Action Climat propose la mise en place d’un prêt à taux zéro et d’un “leasing social” destiné uniquement aux voitures électriques.

De quoi rejoindre la recommandation de France Stratégie de mettre en place “un accompagnement spécifique pour les ménages modestes, surtout positionnés sur le marché de l’occasion où l’offre électrique est limitée (par exemple par des formules de leasing).” On attend d’ailleurs les détails du “leasing à 100 euros” qui doit être mis en place l’an prochain, une promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Renforcer le malus au poids, électriques compris

France Stratégie et le Réseau Action Climat se rejoignent aussi sur le financement de ces aides publiques, qui passeraient notamment par un renforcement du malus automobile. Une surtaxe qui doit aussi dissuader de se tourner vers les véhicules les plus polluants et donc limiter aussi au passage les émissions de CO2: un fondement du système du bonus-malus depuis sa mise en place en 2007.

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L’institution qui murmure à l’oreille de Matignon souhaite ainsi “un durcissement du malus sur les émissions et sur le poids, avec notamment pour ce dernier son extension aux véhicules électriques”.

Cette mesure “pourrait avoir des cobénéfices sur la pollution atmosphérique, les véhicules plus gros émettant plus de polluants atmosphériques que les véhicules de petite taille et étant plus demandeurs en ressources”, poursuit la note de France Stratégie. L’occasion de rappeler que les véhicules électriques, “du fait d’un poids plus élevé” peuvent finalement émettre “autant de particules primaires (systèmes de freinage, pneumatiques, chaussée) en masse que leurs homologues thermiques”.

Un aspect abordé par le projet de norme Euro 7, dévoilé le 10 novembre dernier et qui doit pour la première fois prendre en compte les émissions de particules générées par les freins et les pneus, voitures électriques comprises, dans la stratégie antipollution européenne.

Le Réseau Action Climat souhaiterait de son côté renforcer fortement un malus au poids, mis en place en France depuis début 2022, mais qui ne concerne que peu de modèles. “Le seuil à 1800 kg du malus poids adopté dans la Loi de finances 2021 apparaît très insuffisant car il ne permet de couvrir que 2,6% des ventes véhicules” alors qu’un seuil à 1300 kg sans exclure électriques et hybrides rechargeables toucherait “40% des véhicules thermiques et 18% des électriques”, résume l’association.