Pourquoi lutter contre le gaspillage alimentaire ?

Pourquoi lutter contre le gaspillage alimentaire ?

Par Nicolas Bricas, Cirad, UMR Moisa, Chaire Unesco Alimentations du Monde

– Décembre 2018 –

De nos jours, la lutte contre le gaspillage alimentaire a gagné en popularité. Mais pourquoi cet engouement ? Pourquoi devrions-nous redonner de la valeur à la nourriture et éviter de la gaspiller ?

La faim dans le monde n’est pas une question de disponibilité alimentaire

Il est important de souligner que l’abondance de nourriture ne résout pas le problème de la faim dans le monde. La planète produit bien plus de nourriture qu’elle n’en a besoin. Par conséquent, réduire le gaspillage alimentaire ne garantit pas que les personnes défavorisées auront plus ou mieux à manger. En réalité, donner des aliments invendus aux pauvres peut être humiliant et les priver de leur liberté de choix alimentaire. Valoriser les rebuts de la société de consommation en les donnant aux plus démunis ne devrait pas être notre modèle.

Réduire l’impact environnemental

Un autre argument en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire est la réduction de la pression sur les ressources rares et les pollutions liées à la production alimentaire. Cependant, si notre objectif est de réduire notre impact sur l’environnement, est-ce que le gaspillage alimentaire est réellement la première priorité ? Ne serait-il pas plus efficace de s’attaquer aux fuites de gaz réfrigérants, aux déplacements en voiture, à la consommation de produits animaux provenant de l’agriculture intensive, à l’obsolescence programmée, etc. ? Il existe des moyens beaucoup plus efficaces de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de simplement lutter contre le gaspillage alimentaire. Cette réalité remet en question la place de priorité que nous lui accordons. Il est intéressant de noter que la question de la réduction de l’utilisation des emballages, pourtant très polluants, est souvent négligée dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.

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Valoriser les déchets alimentaires : une absurdité écologique

Un dernier argument en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire est la création de nouvelles activités économiques et d’emplois en valorisant les déchets. Cependant, il existe des moyens bien moins coûteux pour nourrir les animaux que de leur donner des restes de plats cuisinés transformés et réchauffés. Valoriser les déchets alimentaires tout en les empêchant d’être réduits est une absurdité écologique. Cela permet au marché du gaspillage de prospérer, car le gaspillage des ménages est une source de revenus pour les entreprises. De plus, cela engendre une consommation accrue de ressources fossiles et de polluants.

Il est temps de repenser notre relation avec la nourriture.

Toutes les sociétés gaspillent, même les plus pauvres, bien que dans une moindre mesure que les plus riches. Le gaspillage est une conséquence de notre quête de liberté et de notre désir de pouvoir choisir plutôt que de simplement planifier. Nous achetons des aliments en espérant les cuisiner, sans être certains de les utiliser réellement. Les festins, les moments de célébration et de partage nécessitent l’abondance. Le luxe lui-même n’est-il pas une forme de gaspillage ?

Une démagogie utile mais attention aux priorités réelles

La lutte contre le gaspillage alimentaire est une démarche qui fait consensus. Personne ne peut être contre, car tout le monde s’accorde pour dire que le gaspillage est scandaleux. Politiquement, cela peut être bénéfique de se battre contre ce fléau. Cependant, il est essentiel de ne pas se focaliser uniquement sur une question marginale sur le plan environnemental et de la sécurité alimentaire. Nous ne devons pas donner aux citoyens le sentiment que nous répondons à leurs préoccupations tout en maintenant un système qui épuise nos ressources et contribue au changement climatique et à la pollution.

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Cessons de culpabiliser les consommateurs et remettons en question le système dans son ensemble.

Contrôler nos achats et nos stocks alimentaires nous permet de repenser la valeur sociale et environnementale de notre alimentation ainsi que les coûts cachés qu’elle engendre. Il est donc important de lutter contre la surproduction plutôt que de se focaliser uniquement sur le gaspillage alimentaire. Les consommateurs ont un rôle à jouer, mais la responsabilité doit être partagée par tous les acteurs de la chaîne alimentaire.

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(Image : Taz en Creative Commons – non retouchée, diffusée sur Flickr)