A l’occasion du “Jour de la Victoire”, célébré le 9 mai en Russie, Vladimir Poutine a de nouveau justifié l’invasion de l’Ukraine par la nécessité d’empêcher le retour du “nazisme”. Mais pour quelles raisons? Essentiellement, parce que ça l’arrange. Le Président russe aime se présenter comme l’héritier de la grande armée rouge qui a vaincu l’Allemagne nazie en 1945, et encore plus le 9 mai à l’occasion de l’anniversaire de cette victoire.
Le passé sombre de l’Ukraine
Pour avancer cela, Vladimir Poutine se base sur deux arguments, le passé et le présent. Et le passé est sombre. En juin 1941, l’Allemagne nazie envahit la Galicie, l’ouest de l’actuelle Ukraine avec Lviv comme capitale. Dans cette région berceau du nationalisme ukrainien, les Allemands sont accueillis dans la liesse. Ils apparaissent comme ceux qui vont les libérer de l’occupation soviétique.
Stepan Bandera, un leader ukrainien, en profite pour créer un état ukrainien indépendant, qui affiche sa volonté de collaborer étroitement avec la grande Allemagne et son chef Adolf Hitler. Cet état ukrainien a donc effectivement été un état collabo. Des milices se sont formées et ont activement participé au génocide des juifs, en particulier à la shoah par balle.
Les Ukrainiens intégrés à l’armée rouge
Plus tard, le président Stepan Bandera sera finalement jugé trop indépendantiste par les Allemands et Hitler le fera interner dans un camp de concentration. Il meurt après la guerre empoisonné par le KGB.
L’URSS a ensuite reconquis l’Ukraine et les Ukrainiens se sont massivement battus dans l’armée rouge contre les Allemands. 1.3 million de soldats sont morts au combat. Proportionnellement, les Ukrainiens sont ceux qui ont payé le plus lourd tribut dans cette guerre contre le nazisme. Il y a donc eu deux réalités: des milices pro-nazies collabo à l’ouest, et tout un pays qui, à la fin, participe à la victoire contre les Allemands.
L’encombrant héritage de Stepan Bandera
La question est maintenant de savoir comment cette histoire est vécue aujourd’hui. Une partie des Ukrainiens considère toujours Stepan Bandera comme le père de leur indépendance, oubliant volontairement qu’il a été un complice actif des crimes nazis. A Kiev, l’avenue de Moscou a été rebaptisée avenue Bandera et à Lviv, le stade porte son nom. Des défilés en son honneur ont lieu deux fois par an, surtout dans les villes de l’ouest. Viktor Iouchtchenko, premier président anti-russe élu en 2005, lui avait attribué le titre de héros national et même l’actuel président Volodymyr Zelensky a un jour affirmé que c’était “cool” de célébrer la mémoire de Bandera, même si, en réalité, il disait qu’il ne fallait pas trop en faire. A l’évidence, sur ces collabos nationalistes, le travail de mémoire n’a pas été fait en Ukraine.
Le bataillon Azov
Il y a aussi la question du bataillon Azov, une unité militaire soupçonnée d’être composée de néo-nazis. Cette milice a été créée en 2014 par des militants d’extrême droite qui ont recruté des hommes qui ont souvent pour tatouages des croix gammées. Ce bataillon a aussi pour emblème les écussons d’une division SS. Le bataillon a participé à la révolution du Maïdan en 2014, puis à la reprise de la ville de Marioupol. Les autorités ukrainiennes expliquent que ce qui était au départ une milice d’extrême droite est aujourd’hui un régiment qui a été intégré à la garde nationale et dépolitisée. Sauf que leurs tatouages et les écussons sont encore là.
Seulement 2% pour l’extrême droite aux dernières élections
Mais il y a un moyen de mesurer l’influence des néo-nazis en Ukraine aujourd’hui: en regardant les résultats des élections. Le parti d’extrême droite, héritier des nationalistes de Stepan Bandera, a obtenu 1,6% à la dernière élection présidentielle, pendant que 73% des électeurs votaient dès le premier tour pour Volodymyr Zelenski. Un pays qui se choisit un juif comme président et qui donne à l’extrême droite moins de 2% des voix peut difficilement être traité de pays nazi.