Prédire avec précision la date d’accouchement : une équipe de Stanford pense avoir trouvé le modèle

Prédire avec précision la date d’accouchement : une équipe de Stanford pense avoir trouvé le modèle

Attendre de perdre les eaux, et partir en toute hâte à la maternité, sans jamais très bien savoir quand ça va se produire, c’est bien l’angoisse de toutes les femmes enceintes. On sait, en général, “en gros” quand on va accoucher, mais la fenêtre n’est pas précise, elle oscille entre 37 et 42 semaines, c’est-à-dire trois semaines avant et deux semaines après la date théorique, elle-même établie à partir des données échographiques et cliniques de la mère et du fœtus. Une équipe franco-américaine de l’Université de Stanford (Californie) pense pourtant avoir trouvé le moyen de savoir exactement quand la naissance aura lieu, via un simple échantillon sanguin ! Son étude vient d’être publiée dans “Science Translational Medicine”.

Combiner l’analyse du système immunitaire et de différentes protéines a partir d’un simple prélèvement sanguin

En effet, il s’en passe, des choses, dans le sang d’une femme enceinte quelques semaines avant que ne débute le travail, et avec les progrès technologiques, on peut mesurer tout ce qui se produit, beaucoup plus précisément aujourd’hui qu’il y a encore cinq ou six ans. On peut mesurer beaucoup plus de paramètres biologiques et de façon beaucoup plus pointue.

Alors que se passe-t-il ? Modifications métaboliques, variations des taux d’hormones stéroïdiennes (comme la progestérone), des paramètres de coagulation…Il y a aussi des changements dans les marqueurs immunitaires, qui sont très importants. C’est tout cela, et en particulier ce phénomène immunitaire, que l’équipe de chercheurs de Stanford a identifié. “L’immunologie est un territoire passionnant chez la femme enceinte”, explique Brice Gaudillière, ingénieur polytechnicien, professeur d’anesthésie, directeur de recherche à Stanford, et auteur principal de l’étude. “Imaginez : la femme enceinte va vivre neuf mois avec un fœtus dont la moitié des gènes ne viennent pas d’elle, mais du père. Ça pourrait déclencher un phénomène de rejet comme ce qui se passe avec une transplantation, or ça ne se fait pas ! Le bébé n’est pas rejeté comme un corps externe, parce qu’il y a des mécanismes immunitaires en jeu très complexes, des régulations, des mécanismes de tolérance qui se font au fil de la grossesse… Il y a des phénomènes inflammatoires aussi, jusqu’à l’accouchement, qui est finalement une sorte de rejet du fœtus. C’est ça en particulier que nous avons mis en évidence, et mesuré, très précisément : cet équilibre entre tolérance et inflammation, au fur et à mesure que le bébé grossit. Et on s’appuie sur l’analyse de ces marqueurs immunitaires au fil des semaines pour prédire l’accouchement”.

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Une prédiction qui va s’affiner au fil des ans

Pour leur étude, les chercheurs ont suivi une soixantaine de femmes enceintes, qui ont accouché ensuite de façon spontanée (en fait l’étude incluait plus de femmes, mais on n’a gardé, parmi elles, que les accouchements spontanés). On leur a prélevé du sang à plusieurs reprises durant le 3e trimestre, on y a analysé l’évolution, au fil des semaines, de 45 marqueurs (en fait, 11 marqueurs paraissent plus déterminants et suffiront pour la poursuite des recherches) et on en a déduit un modèle mathématique prédictif de la date d’accouchement (c’est du “machine learning” : on se nourrit des informations d’une base de données et on en tire un modèle mathématique linéaire qu’on pourra appliquer pour prédire l’accouchement à d’autres femmes). “L’un des marqueurs les plus importants”, explique Brice Gaudillière, “c’est IL1R4, Interleukine 1 Récepteur 4, c’est une molécule qui inhibe une cytokine inflammatoire, l’IL33. À l’approche de l’accouchement, il y a à la fois une réaction inflammatoire qui se met en marche, et un mécanisme de régulation qui se met en place pour contrôler ce phénomène inflammatoire, c’est ça notamment qui est prédictif de l’accouchement”.

Jusqu’à présent, la date d’accouchement se situait dans une fourchette d’environ 5 semaines, avec un risque de prématurité qui n’était pas connu (hormis des facteurs de risque existants chez la mère). La méthode permet de réduire la fenêtre de prédiction à moins de deux semaines, pour l’instant, mais les chercheurs sont optimistes : maintenant qu’elle est au point, elle va être expérimentée maintenant sur beaucoup plus de femmes, en Allemagne, aux États-Unis, en Asie du Sud-Est, ce qui va permettre d’affiner encore le modèle et de le rendre, d’ici deux à trois ans, beaucoup plus précis encore. Résultat encourageant, mais à confirmer sur de plus grosses cohortes de patientes : le modèle semble efficace pour prédire une prématurité.

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À terme, il pourrait devenir, via une simple prise de sang, un outil simple et précieux pour les obstétriciens. En matière d’organisation bien sûr, mais aussi et surtout d’un point de vue médical : pour anticiper notamment les accouchements prématurés, qui constituent 6 à 12% des accouchements.