Publier un roman au Québec : témoignage de Stéphanie Sylvain, auteure de l’imaginaire

Publier un roman au Québec : témoignage de Stéphanie Sylvain, auteure de l’imaginaire

On se pose tous cette fameuse question dès que l’on commence à écrire sérieusement : comment faire pour publier notre livre? C’est aussi le sujet abordé le plus fréquemment lors des événements littéraires ou tout autre regroupement d’amateurs d’écriture. Je vais tenter ici d’y répondre en partageant mon expérience personnelle. Cet article ne donnera donc pas de “recette magique” pour parvenir à publier son livre. Ce sera plutôt une tranche de vie d’une auteure en herbe qui souhaite simplement partager son parcours avec les écrivains qui débutent.

Ma petite histoire

Je dirais que mon parcours ressemble à celui de nombreux jeunes auteurs. J’ai développé très tôt une passion débordante pour les belles histoires. À l’adolescence, j’ai découvert la possibilité de concevoir des scénarios et des personnages fictifs. Alors que je ne lisais presque jamais, l’écriture était pour moi l’occasion de voyager à peu de frais et de créer des univers complètement différents du mien.

J’ai commencé avec la fantasy, étant une fan incontestable de Disney et, plus tard, de la trilogie du “Seigneur des Anneaux”. Mon premier “roman” faisait 10 000 mots et c’était déjà une grande fierté pour moi de l’avoir mené à terme. J’ai alors compris que je voulais écrire de manière professionnelle et publier des romans.

Je me suis donc concentrée sur la rédaction de mon premier livre. À 17 ans, je croyais l’avoir terminé et je me suis empressée de le faire lire à des proches. J’ai reçu plusieurs encouragements, mais mon histoire était loin d’être parfaite. C’est au fil des réécritures que j’ai réussi à obtenir un résultat convenable. J’ai alors commencé à faire des recherches pour comprendre comment soumettre mon manuscrit à des maisons d’édition.

Il s’est écoulé plusieurs années avant que je ne comprenne tous les aspects du processus. Il faut dire que je n’avais personne dans mon entourage pour m’introduire dans ce milieu et me guider. J’ai fini par envoyer mon texte à toutes les maisons d’édition québécoises que j’avais trouvées au cours de mes recherches, puis, après des mois d’attente, j’ai essuyé de nombreux refus sans précision quant aux améliorations à apporter à mon manuscrit.

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Chaque fois que j’accumulais 3 ou 4 lettres négatives, je commençais à douter de ce que j’avais construit et de mon talent. Il était pourtant hors de question de baisser les bras. Je retournais donc inlassablement devant mon clavier, faisais lire mon travail à de nouvelles personnes, et affinais mon histoire autant que possible. Puis, j’ai commencé à recevoir des commentaires partiellement positifs, du genre “Tu as une belle plume, mais…”. J’ai persévéré.

Et puis, enfin, à l’âge de 21 ans, les astres se sont alignés pour moi : un “vrai” éditeur, avec une distribution en librairie et tout, m’a dit oui. Ce fut un immense soulagement. L’idée de ne pas avoir perdu mon temps et mon énergie dans un projet sans avenir me réjouissait. Le chemin avait été assez difficile pour moi, mais j’ai persévéré jusqu’au bout.

La suite de ma carrière ne sera pas sans obstacles non plus, mais ma confiance en mes capacités était décuplée. C’était tout ce qu’il me manquait pour entamer mon rêve de publication.

Aujourd’hui, j’ai eu la chance de collaborer avec trois maisons d’édition à compte d’auteur, c’est-à-dire que je n’ai pas eu à dépenser d’argent pour faire corriger, concevoir la mise en page, imprimer ou distribuer mes œuvres. Je considère chaque publication comme un accomplissement en soi et je ferai tout mon possible pour renouveler cette expérience tant que l’industrie du livre et les lecteurs voudront de moi.

Quelques idées fausses sur l’édition

Il est impossible de publier lorsque l’on n’est pas connu

Comme je l’ai raconté dans mon histoire personnelle, je ne connaissais personne travaillant dans le milieu littéraire quand j’ai commencé. C’est donc dire que c’est possible. Il faut dire néanmoins que j’ai pris le chemin le plus ardu.

Pour les auteurs québécois, le milieu est, pour ainsi dire, limité. Tout le monde se connaît et les bonnes connexions sont précieuses. N’hésitez pas à rencontrer vos collègues écrivains lors d’événements ou d’ateliers. N’ayez pas peur de discuter avec des éditeurs si vous les croisez. Surtout, participez à la vie de ce petit milieu d’une façon ou d’une autre. C’est ainsi que vous vous ferez remarquer et que vous entendrez parler de projets à venir.

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Il faut attendre les appels à textes ou que les maisons d’édition nous contactent

C’est une idée fausse que j’entends parfois et que je dénonce fermement. Les maisons d’édition sont toutes surchargées. Pour chaque livre publié, il y a des dizaines d’auteurs expérimentés qui attendent leur tour. Mettez toutes les chances de votre côté et sollicitez (sans être envahissant) les maisons d’édition. Prenez des initiatives.

Le concept n’est pas si différent de la recherche d’un emploi. C’est à vous de vous démarquer, de sortir du lot. De plus, la plupart des maisons d’édition acceptent de recevoir des manuscrits tout au long de l’année. Certes, il faudra faire preuve de patience avant de recevoir leur réponse finale, mais si vous attendez qu’on vienne vous chercher par la main, vous risquez de passer à côté de belles opportunités.

Il faut commencer par un roman

Là, c’est, à mon avis, la pire erreur que les auteurs débutants commettent, et je ne fais pas exception. Certes, comparer l’écriture d’un roman à celle d’une nouvelle est assez complexe, mais d’un autre côté, personne ne se lance dans un marathon sans avoir commencé par apprendre les bases et s’être exercé sur de plus courtes distances. Pas vrai ? Alors pourquoi ne pas débuter votre expérience par des textes courts ? Que ce soit en participant à des concours d’écriture ou en soumettant vos textes à des magazines littéraires ou à des fanzines, il s’agit du meilleur moyen de mettre à l’épreuve vos compétences et d’établir un premier contact avec le processus de publication.

Voici quelques magazines recommandés : Solaris, Brins d’éternité, XYZ.

Le processus d’édition au Québec

Je souhaite maintenant aborder les étapes habituelles qui mènent du manuscrit à la publication, car beaucoup de gens ignorent encore comment se déroule le processus. Publier un texte est un travail qui peut s’étendre sur plus d’une année en fonction des priorités de l’éditeur, de l’état du marché, de l’ampleur de l’œuvre et des corrections à apporter. Voici les étapes (cette liste est non exhaustive, puisque chaque processus diffère) :

  • L’écriture du texte est LE point de départ. Je n’ai presque jamais vu de maisons d’édition qui acceptaient de simples extraits ou un pitch de vente. Le manuscrit doit être terminé et révisé avant d’être soumis.
  • La soumission par l’auteur : on envoie son manuscrit à une maison d’édition soit par la poste, soit par courriel, selon les instructions fournies par la maison d’édition. Le texte doit idéalement être accompagné d’un synopsis détaillé ainsi que d’une lettre de présentation. Renseignez-vous sur le web pour vous assurer de respecter leurs exigences.
  • L’attente du retour : un manuscrit passe par plusieurs étapes de sélection, passant entre les mains d’un comité de lecture plus ou moins large. Les textes qui arrivent sur le bureau de l’éditeur représentent la crème de la crème. Chaque maison d’édition suit une ligne éditoriale qui comprend plusieurs critères de sélection. Un manuscrit peut avoir des qualités exceptionnelles, mais il ne sera pas retenu s’il ne correspond pas à cette ligne.
  • Le verdict : l’auteur sera informé de la décision finale. Si c’est positif, on passe à la prochaine étape avec la signature du contrat. Sinon, on recommence depuis le début. Il n’est pas toujours question d’un “non” catégorique et il est possible de renvoyer le même manuscrit après une réécriture en fonction des commentaires reçus.
  • Le travail éditorial : un projet d’écriture passe successivement par la direction littéraire, où l’éditeur peaufine le texte et en assure la qualité globale. Ensuite, il y a la correction linguistique, la conception de la couverture, la rédaction de la quatrième de couverture, l’approbation des épreuves, et enfin, c’est le départ pour l’impression !
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Mettez toutes les chances de votre côté

Voici quelques conseils en vrac pour les auteurs en herbe qui souhaitent être publiés. L’ordre des éléments est recommandé et tous ont été testés par mes soins.

  1. Relisez votre texte jusqu’à ne plus pouvoir le voir avant de le soumettre.
  2. Faites-le lire par des lecteurs de confiance, idéalement trois personnes assidues.
  3. Ciblez le bon éditeur pour économiser du temps et de l’argent, pour vous comme pour l’industrie.
  4. Rédigez une lettre de présentation personnalisée. Restez vendeur sans toutefois paraître vantard.
  5. Un synopsis ne doit pas dépasser une page et doit raconter le concept et l’histoire dans leur intégralité, y compris le dénouement.

Documentation

Pour conclure cet article, je tiens à vous recommander quelques livres de référence qui vous aideront à mieux comprendre le milieu du livre et à améliorer votre écriture :

  • Écrire et publier au Québec les littératures de l’imaginaire, Isabelle Lauzon, Geneviève Blouin et Carl Rocheleau, Éditions Les Six Brumes
  • Présentez votre manuscrit littéraire comme un pro en 5 étapes, Dominic Bellavance
  • Comment écrire des histoires, Élisabeth Vonarburg, Éditions Alire