Le tabagisme féminin est en hausse constante et représente un nouveau problème de santé publique. Le taux de cancer du poumon chez les femmes est désormais similaire à celui des hommes, mais ce qui m’inquiète le plus dans ma pratique quotidienne, c’est l’augmentation des accidents vasculaires à un âge de plus en plus précoce. En tant que gynécologues, nous avons un rôle important à jouer dans la prévention de ces accidents, car ils sont directement liés à la contraception œstro-progestative.
Au début de ma carrière, j’avais entendu parler du risque cardiovasculaire associé à la combinaison pilule-tabac, multiplié par 80, mais je n’avais pas connaissance de cas concrets illustrant l’importance de ce risque. Cependant, ces dernières années, j’ai rencontré des patientes de plus de quarante ans qui ont subi des séquelles d’accidents vasculaires après avoir pris la pilule tout en continuant de fumer un paquet de cigarettes par jour.
Par exemple, j’ai revu l’une de mes patientes, âgée de 45 ans, qui a développé une artérite de la jambe (un caillot a obstrué une artère, nécessitant une intervention chirurgicale pour éviter l’amputation). Elle prenait Harmonet depuis des années. Son chirurgien vasculaire a innocenté la pilule et a accusé le tabac, mais je me demande si son artérite se serait développée si tôt sans cette association entre cigarettes et pilule faiblement dosée mais contenant des œstrogènes de synthèse !
J’ai également reçu pour la première fois une patiente âgée d’environ 50 ans, hémiplégique à la suite d’un AVC provoqué par l’association tabac Adepal. Cette patiente était accompagnée de son mari qui l’aidait à se déshabiller. Elle est devenue dépendante de son conjoint pour accomplir les gestes les plus simples de la vie quotidienne tels que se rendre aux toilettes, se laver, s’habiller et manger.
Cette situation de dépendance tragique est le prix à payer pour avoir continué de fumer tout en prenant une pilule contraceptive classique. Malheureusement, de plus en plus de femmes fument, et nous savons que les fabricants de cigarettes ajoutent des substances addictives, ce qui rend plus difficile le sevrage tabagique que la désintoxication à l’héroïne !
Alors, que peut-on proposer comme contraception moins dangereuse possible pour les fumeuses afin de réduire le risque d’accident vasculaire ?
CHEZ LES JEUNES FUMEUSES
Il est toujours nécessaire d’essayer de persuader les jeunes fumeuses d’arrêter de fumer… ce qui est mission impossible si leur mère ne donne pas l’exemple ! Il est recommandé de prescrire des pilules très faiblement dosées en œstrogènes, voire sans œstrogène du tout, ce qui est encore mieux… Cependant, ces dernières peuvent avoir des effets secondaires indésirables tels que des cycles irréguliers et l’apparition de l’acné, ce qui peut nuire à l’observance.
Parmi les pilules faiblement dosées, on peut citer Qlaira, Zoely et l’anneau Nuvaring, qui sont des contraceptions œstroprogestatives permettant de limiter les cycles anarchiques, mais qui ne sont pas adaptées pour lutter contre l’acné.
D’autres pilules contiennent des œstrogènes artificiels qui sont néfastes pour les artères, mais je ne pense pas que ce soit un problème majeur entre 15 et 25 ans si la dose ne dépasse pas les 20 gammes. On peut prescrire des pilules contenant 15 gammes comme Minesse, Melodia ou 20 gammes comme Yaz (pour les fumeuses acnéiques), Desobel 20, Harmonet et leurs génériques. Je pense qu’il est déraisonnable de prescrire des pilules à 30 gammes comme Trinordiol, Diane 35, Adepal, Minidril, Varnoline, pour ne citer que les plus prescrites.
Comme le recommande la Haute Autorité de Santé, nous devons toujours prescrire, pour la première utilisation et la première année, une pilule contenant un progestatif ancien. Leeloo et ses génériques conviennent alors comme prescription de première intention. Il s’agit d’une pilule de 20 gammes contenant le progestatif de Trinordiol : elle n’est pas parfaite pour l’acné, mais présente un risque minimal de survenue d’accidents thrombotiques mortels. Si la première année se déroule sans incident, il est possible de prescrire une pilule plus “moderne”.
Parmi les contraceptions sans aucun risque pour les fumeuses, on peut citer les pilules sans œstrogène telles que Cerazette, Microval (dont j’ai déjà parlé dans un autre article sur la contraception chez les migraineuses) et Luteran 10. Toutes ces pilules ne présentent aucun risque de thrombose vasculaire.
Luteran 10 est un progestatif pur à dosage élevé, très fiable et remboursé, qui ne pose aucun problème artériel ou veineux. Il se prend par cures de 20 jours sur 28 et peut entraîner une légère prise de poids. Dans la plupart des cas, il est bien toléré et ne traite pas l’acné, mais il soulage les migraines menstruelles, les douleurs menstruelles et réduit le volume des règles, voire les supprime (ce qui est très apprécié par de nombreuses jeunes patientes).
L’implant est également très intéressant dans cette indication, à condition que la patiente accepte les effets secondaires possibles (et fréquents) tels que l’acné, la prise de poids et les cycles anarchiques.
Le DIU peut être proposé, mais il présente des risques d’intolérance que vous connaissez déjà.
En conclusion, toutes les pilules sans œstrogènes de synthèse sont conseillées aux jeunes fumeuses, mais elles ont l’inconvénient de provoquer des cycles irréguliers et, surtout, de réveiller l’acné chez celles qui y sont prédisposées (et elles sont nombreuses dans ce cas). Cependant, il existe une astuce : vous pouvez utiliser ANDROCUR, un progestatif puissant contre l’acné contenu dans la pilule Diane 35, comme méthode contraceptive. Je parlerai de cela plus en détail dans un prochain article consacré à la contraception chez les femmes acnéiques.
CHEZ LES PATIENTES DE PLUS DE 35 ANS
La Haute Autorité de Santé recommande d’arrêter toute contraception œstroprogestative chez les femmes fumeuses de plus de 35 ans. En effet, si un AVC survient, nous serons tenus pour responsables si nous avons prescrit une pilule œstroprogestative à une patiente fumeuse et nous pourrions être attaqués en justice.
Il est très difficile de convaincre une patiente satisfaite de sa pilule Trinordiol ou de sa Minidril de changer de contraception. Dans ces cas, nous devons encourager la contraception par DIU, mais ce n’est pas toujours possible. D’une part, parce que la patiente refuse l’idée d’un corps étranger dans son utérus, et d’autre part, parce que nous connaissons les antécédents de notre patiente et anticipons les effets négatifs du DIU au cuivre, tels que les saignements menstruels abondants et les douleurs pelviennes, ou ceux du Mirena, tels que la prise de poids et l’acné.
Nous pouvons également proposer des pilules progestatives pures, mais il est important d’être convaincante, car notre patiente n’a peut-être pas envie d’échanger des règles régulières contre des règles imprévisibles ! Dans ces cas, les patientes apprécient souvent la proposition de Luteran 10, prescrit 20 jours sur 28, qui entraîne une aménorrhée certaine.
La contraception définitive doit être évoquée lors d’une consultation comme une option parmi d’autres. Les réactions des patientes peuvent varier entre “Merci, Docteur, d’en parler. J’y pensais depuis longtemps mais je ne savais pas comment procéder” à “Mais, Docteur, vous n’y pensez pas ! Je suis beaucoup trop jeune !” Certaines femmes refusent de considérer une stérilisation définitive car elles espèrent encore devenir mères (la maternité tardive est très en vogue) et ont peur de se sentir moins femmes, moins désirables avec une contraception aussi radicale. Les hommes redoutent de perdre leur virilité après une vasectomie, alors pourquoi les femmes n’auraient-elles pas le droit d’avoir des craintes infondées ? Si nous forçons une patiente à subir une ligature des trompes sans qu’elle ait exprimé ce souhait auparavant, cela peut conduire à une catastrophe psychologique et à une dépression. Nous devons donc évoquer la possibilité d’une stérilisation définitive et, en fonction de la réaction de la patiente, expliquer les différentes méthodes avec leurs avantages et leurs inconvénients, ou bien exclure cette option sans insister.
En conclusion, il n’est pas facile de changer les habitudes contraceptives des fumeuses, car les dommages artériels sont insidieux et la patiente concernée ne perçoit pas le danger. Il est beaucoup plus facile de trouver une contraception adaptée aux femmes souffrant d’acné, car elles voient chaque jour l’état de leur peau dans le miroir ! Je parlerai de cela dans mon prochain article.