Qu’est-ce que la dysphasie (TDL) ? Comment la traiter ?

Qu’est-ce que la dysphasie (TDL) ? Comment la traiter ?

D’après l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), entre 5 et 7 % des enfants d’âge scolaire sont confrontés à des troubles spécifiques des apprentissages. Ces difficultés sont souvent synonymes d’échec scolaire, cependant, les fonctions déficientes des troubles dys peuvent être compensées avec une prise en charge adaptée. Parmi ces troubles spécifiques de l’apprentissage, la dysphasie, appelée désormais TDL (trouble développemental du langage), est un trouble spécifique du langage oral. Comment se manifeste-t-elle, quels sont ses symptômes et son traitement ? Nous abordons toutes ces questions dans cet article.

Qu’est-ce qu’un trouble dys ?

Je suis sûr que la plupart d’entre vous ont déjà entendu le terme “dysphasie”, mais on se demande souvent ce que cela signifie vraiment. Entre les dyslexies, les dysorthographies, les dysgraphies, les dyspraxies, on a du mal à s’y retrouver. Le point commun entre tous ces termes est le préfixe : “dys” qui signifie “dysfonctionnement” ou difficulté. On parle généralement de trouble.

  • Dyslexie : trouble de la lecture.
  • Dysgraphie : trouble du graphisme (écriture).
  • Dysorthographie : trouble de l’orthographe.
  • Dyspraxie : trouble de la coordination motrice (praxis en grec signifie action).

Et la dysphasie alors ?

En grec, “phasis” signifie la parole/le langage. Vous avez certainement déjà entendu parler d’adultes “aphasiques” ? Généralement, un adulte devient aphasique après un AVC (accident vasculaire cérébral) ou un traumatisme crânien. Le préfixe “a” signifie “absence” ou “perte”. C’est donc la perte ou l’altération du langage. Ce trouble est acquis et non inné.

La dysphasie est un “dys”fonctionnement ou un trouble de la “phasis” la parole ou du langage. On l’appelle également trouble spécifique du langage oral. Ce trouble peut toucher l’expression et/ou la compréhension. Je rappelle qu’on parle désormais de trouble développemental du langage.

D’où vient la dysphasie, ça s’attrape ?

Non ! La dysphasie est un trouble inné. On ne développe pas une dysphasie avec le temps. Il en est de même pour les autres troubles “dys”. La dysphasie est un trouble présent à la naissance et qui perdure à l’âge adulte. Il ne faut pas la confondre avec le retard de langage oral simple qui est transitoire. Comme tous les troubles, elle est d’intensité variable en fonction des personnes. J’ajouterai que ce trouble n’a aucun lien avec le niveau d’intelligence !

À lire aussi  Pompe à chaleur ou chaudière à granulés : le comparatif

Dysphasie : un trouble dys qui touche 5 à 7 % des enfants

Puisque Lulu ne peut pas attraper la dysphasie, il se contentera de son ami Victor…

Quelle est l’origine de la dysphasie ?

L’origine de ce trouble serait neurologique, cela signifie que le cerveau des personnes dysphasiques fonctionne différemment pour l’apprentissage du langage. Nous savons cependant qu’il existe des facteurs de risque comme le fait qu’un des parents soit dyslexique ou dysphasique lui-même. Il y a généralement un historique de trouble du langage dans la famille. En France, 1 million de personnes seraient dysphasiques et 2/3 des enfants dysphasiques sont des garçons. Les enfants dysphasiques peuvent être inintelligibles (on les comprend difficilement) jusqu’à l’âge de 7/8 ans. Ces difficultés de langage ont des répercussions importantes sur le plan scolaire.

Existe-t-il plusieurs types de dysphasie ?

Ce serait trop compliqué de détailler les différents types de dysphasies, mais je vais tout de même vous les décrire brièvement. Accrochez-vous, les termes peuvent vous paraître complexes.

La dysphasie (TDL) réceptive (2 types)

  • La surdité verbale : La compréhension du lexique (des mots) est touchée. Ces enfants peuvent parler correctement, mais ils comprennent mal le sens des mots et donc des phrases.
  • Le trouble de discrimination de la phonologie : Difficultés à percevoir la différence entre deux bruits du quotidien (téléphone/sonnerie du four) ou entre des mots proches : bain/pain. Ces difficultés altèrent la compréhension et se retrouvent généralement à l’écrit.

La dysphasie (TDL) phonologique

Elle entraîne des difficultés d’analyse et de manipulation des sons de la langue, des confusions à l’oral. Un des symptômes les plus courants est l’assourdissement : “foiture” au lieu de “voiture”, “chambe” à la place de “jambe”, “pain” à la place de “bain”. On retrouve d’ailleurs ces assourdissements chez les enfants malentendants ou souffrant d’otites à répétition.

La prise en charge de la dysphasie se réalise par un orthophoniste/logopède.

La dysphasie (TDL) phonologique-syntaxique

Cette dysphasie est la plus courante. Les enfants présentent des difficultés phonologiques ainsi que des difficultés de syntaxe (ordre des mots dans les phrases). Les enfants qui en souffrent font de nombreuses confusions de sons à l’oral et certains des mots qu’ils prononcent sont inintelligibles. Inversions : “barque” devient “praque”. Erreurs syntaxiques : “moi roule camion” ; “j’ai allé à la piscine” ; “j’ai tombé sur vélo”. Ces difficultés se retrouvent également chez les enfants qui présentent un simple retard de langage, mais pour les enfants dysphasiques, ces difficultés persistent dans le temps. Les difficultés syntaxiques peuvent altérer l’ordre des mots dans les phrases, entraîner des confusions entre les auxiliaires “être” et “avoir”, des confusions entre le masculin et le féminin.

La dysphasie (TDL) lexicale-syntaxique

Ici, il n’y a pas de trouble phonologique, l’enfant prononce bien les mots et ne présente pas de difficulté de discrimination des sons. Par contre, on retrouve :

  • des difficultés de lexique : faible niveau de vocabulaire, un manque du mot (il cherche ses mots) ;
  • des difficultés d’expression ou de syntaxe : comme expliqué plus haut, l’ordre des mots dans la phrase peut être erroné, ainsi que le choix de l’auxiliaire.
À lire aussi  Les principaux constructeurs de voitures électriques dans le monde

Ce sont des enfants qui parlent peu. Pour le décrire, on utilise encore un terme compliqué : “l’hypospontanéité verbale”. On la retrouve très souvent chez les enfants dysphasiques.

La dysphasie (TDL) sémantique-pragmatique

La dernière de cet article ! Ouf ! J’en ai sûrement perdu quelques-uns en route, mais il est difficile de parler de ce trouble complexe, aux formes diverses, sans entrer dans les détails. Cette dernière forme est difficile à repérer, car on ne la remarque pas au premier abord. L’enfant semble bien parler. Par contre, son discours est plaqué, il parle un peu comme s’il récitait un texte. De plus, il comprend difficilement les blagues, les histoires, les phrases abstraites, tout ce qui est implicite. Ces enfants ont souvent du mal à exprimer leurs émotions.

Quels sont les symptômes de la dysphasie ?

Les premiers signes devraient être visibles dès l’âge de 2-3 ans :

  • Votre enfant semble ne pas comprendre ce que vous lui dites.
  • Vous ne le comprenez pas quand il vous parle.
  • Ses phrases restent très simples “moi bois”.
  • Votre enfant parle très peu et préfère utiliser des gestes.
  • Votre enfant se contente de répéter ce que vous lui dites.
  • À l’école, il ne comprend pas les consignes.
  • Votre enfant connaît peu de mots.
  • Vous notez un décalage important avec les autres enfants de son âge.

Prise en charge de la dysphasie

Quel spécialiste consulter ?

Au moindre doute, je vous invite à aller voir un·e orthophoniste/logopède : le professionnel le plus à même de poser un diagnostic de dysphasie. Les neuropédiatres peuvent également poser ce diagnostic sur la base du bilan orthophonique/logopédique et d’un éventuel examen psychométrique (évaluation des capacités cognitives effectuée par un psychologue ou neuropsychologue). Comme pour tous les retards de langage, je vous encourage également à vérifier l’audition de votre enfant auprès d’un médecin ORL. En effet, comme pour tous les retards de langage, l’audition est la première chose à vérifier. Il s’agit d’ailleurs de la première recommandation donnée dans le guide complet pour aider mon enfant à bien parler.

Quelle prise en charge pour la dysphasie ?

L’accompagnement orthophonique/logopédique

La mise en place d’une prise en charge orthophonique/logopédique précoce est primordiale. Cette prise en charge permettra de minimiser les conséquences sur la vie future de l’enfant. Chaque enfant dysphasique a ses particularités, l’orthophoniste/logopède met donc en place un plan thérapeutique personnalisé et le suivi dure généralement plusieurs années. En parallèle de la prise en charge de l’enfant dysphasique, l’orthophoniste/logopède donne de nombreux conseils aux parents pour aider au mieux leur enfant. Il·elle préconise également des aménagements scolaires à mettre en place. La collaboration entre les parents, l’orthophoniste/logopède et l’enseignant·e est primordiale.

La constitution d’un dossier MDPH en France

Pour ces enfants, il est important que ce trouble, réel handicap, soit reconnu par la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Grâce à cette reconnaissance, l’enfant peut bénéficier de l’aide d’un·e AVS (auxiliaire de vie scolaire), d’aménagements spécifiques, bénéficier d’outils informatiques en classe…

À lire aussi  Comment choisir la meilleure tablette tactile ?

Les conséquences de la dysphasie

Quel est l’impact sur les apprentissages ?

Les enfants qui présentent une dysphasie phonologique ou phonologique-syntaxique sont souvent dyslexiques/dysorthographiques. Un enfant qui parle difficilement aura forcément du mal à écrire correctement des mots qu’il prononce mal. On retrouve souvent le fameux trouble phonologique (conscience et analyse des sons de la langue), très courant chez les enfants dyslexiques. Les troubles associés à la dysphasie (TDL) : faible mémoire auditive (en lien avec le trouble phonologique) ; trouble de repérage dans le temps et dans l’espace ; troubles praxiques (mouvements) ; troubles visuo-constructifs (analyse des formes complexes, des objets les uns par rapport aux autres…) ; troubles du comportement (agitation, attention, fatigabilité, repli…). On peut également retrouver des difficultés en mathématiques, notamment en résolution de problèmes et en logique. L’apprentissage des langues étrangères sera également plus difficile. En effet, un enfant qui présente un trouble phonologique (difficultés d’analyse des sons) aura d’autant plus de mal à discriminer des sons qu’il n’a pas l’habitude d’entendre.

Lecture et dysphasie : le soutien de la méthode de lecture Apili.

Quel est l’impact de la dysphasie sur la psychologie ?

Un enfant dysphasique souffre face à ses difficultés. Il peut se sentir dévalorisé, frustré, rejeté par les autres enfants. Il se peut qu’il ne veuille plus parler. Il est indispensable de l’entourer, de le rassurer, de l’encourager. Si besoin, un suivi psychologique peut être mis en place. Vous trouverez également des conseils sur l’attitude à adopter face à un enfant en difficulté dans cet article.

Que faire pour aider un enfant dysphasique ?

Les moyens d’aide à mettre en place sont très nombreux et diffèrent grandement en fonction des enfants, du type et de l’intensité de leur trouble. Je pourrais lister des centaines de moyens d’aide à mettre en place, mais ce ne serait pas utile. Je citerai simplement quelques grandes lignes :

  • Privilégier les supports visuels : en effet, afin de contourner les difficultés de langage, il peut être efficace de s’appuyer sur la mémoire visuelle de l’enfant.
  • S’appuyer sur la communication non verbale (gestes, dessins, mimes…).
  • Reformulation ou feedback correctif, par exemple redire la phrase correctement à l’enfant.
  • Ne donner qu’une consigne à la fois.
  • Accorder plus de temps à l’enfant, respecter son rythme, être attentif à son niveau de fatigue, etc.
  • Utiliser tous les sens pour faciliter les apprentissages (toucher, vision, gestes…).

Mon expérience d’orthophoniste avec la dysphasie

J’aimerais commencer par dire que, de manière générale, j’ai toujours trouvé les enfants dysphasiques particulièrement gentils. Je ne sais pas s’il y a une explication scientifique à cela, certainement pas, mais c’est vraiment ce que j’ai toujours remarqué. La prise en charge globale de l’enfant dysphasique est primordiale. Les parents sont souvent perdus et se sentent démunis face aux difficultés de leur enfant. Dans ma pratique, la guidance parentale tenait une place prépondérante. Il est important que les parents soient présents en séance (pour ceux qui le souhaitent), qu’ils puissent voir les bonnes habitudes à mettre en place… Il s’agit donc de mettre en place une équipe motivée et bienveillante afin d’aider l’enfant et sa famille. Il est également important d’entretenir une relation étroite avec l’enseignant afin de travailler main dans la main.

Qu'est-ce que la dysphasie (TDL) ? Comment la traiter ?

L’apprentissage de la lecture chez les enfants dysphasiques

Avec les enfants dysphasiques, il est utile de débuter l’apprentissage de la lecture dès la maternelle. En effet, la lecture est un soutien efficace à l’articulation et au langage. Privilégier une méthode syllabique reprenant des images de référence pour s’appuyer sur la mémoire visuelle et des gestes pour passer par la mémoire kinesthésique, la lecture aide les enfants dyslexiques à améliorer leur articulation.