Si le terme d’« intelligence artificielle » (IA) est de plus en plus couramment utilisé, il n’existe pas réellement de définition partagée. En effet, ce terme regroupe à la fois des systèmes qui relèvent de la pure science-fiction, dotés d’une forme de conscience, et des systèmes déjà opérationnels capables d’exécuter des tâches complexes telles que la reconnaissance faciale ou vocale, ou encore la conduite de véhicules.
Cette confusion alimente des craintes souvent spéculatives, qui pourraient sembler anecdotiques, mais qui en réalité perturbent la mesure des véritables enjeux, tels que l’impact sur les droits fondamentaux du processus de prise de décision basé sur des modèles mathématiques. Il devient donc difficile d’établir un cadre de régulation adéquat.
Des définitions précises en fonction des technologies utilisées
L’IA est une discipline relativement jeune, qui rassemble différentes sciences, théories et techniques, telles que la logique mathématique, les statistiques, les probabilités, la neurobiologie computationnelle et l’informatique. Son objectif est de permettre aux machines de reproduire les capacités cognitives des êtres humains.
Pour éviter les confusions, les spécialistes préfèrent généralement utiliser les noms exacts des technologies concrètement utilisées, principalement l’apprentissage automatique (machine learning). En effet, bien que les résultats soient extraordinaires dans certains domaines, ils restent relativement modestes par rapport aux ambitions nourries.
L’apprentissage automatique : une révolution dans le domaine de l’IA
Après deux périodes de développement intensif entre 1940 et 1960, puis entre 1980 et 1990, l’IA a connu un nouvel essor en 2010 grâce aux algorithmes d’apprentissage automatique. Deux facteurs ont contribué à cet engouement : l’accès à d’importantes quantités de données et la découverte de l’efficacité des processeurs graphiques pour accélérer le calcul des algorithmes d’apprentissage.
Cette « révolution » de l’IA ne repose pas sur une découverte fondamentale, mais sur l’exploitation de principes relativement anciens, tels que l’inférence bayésienne et les neurones formels. L’apprentissage automatique a transformé la manière d’aborder l’IA, passant d’une approche inductive, où les informaticiens devaient coder les règles, à une approche basée sur l’observation de corrélations et la classification de données massives. Son objectif n’est pas seulement d’acquérir des connaissances déjà formalisées, mais aussi de comprendre la structure des données pour automatiser des tâches.
Systèmes experts et apprentissage automatique : deux conceptions différentes de l’IA
Dans le cas de l’apprentissage automatique, la machine cherche des liens entre des données préalablement sélectionnées pour un domaine spécifique. Par exemple, en se basant sur les ventes de glaces et la température de l’air dans différentes villes sur une période de dix ans, on peut prédire combien de glaces seront vendues dans un lieu où la température est de 25°C.
Bien que certains systèmes soient capables de construire des modèles de manière relativement autonome, l’intervention humaine reste essentielle, que ce soit pour choisir les données d’apprentissage, détecter les éventuels biais, ou distinguer les corrélations réellement causales. Par exemple, si les ventes de glaces augmentent considérablement dans un endroit donné, est-ce dû à la température ou à la présence d’un glacier réputé ?
Le futur de l’IA et ses enjeux
Selon certains experts, comme Yann LeCun, chercheur en IA et pionnier de l’apprentissage profond, pour parvenir à imiter la cognition humaine, il faudrait réaliser de nouvelles avancées en recherche fondamentale, plutôt que d’évoluer simplement dans le domaine de l’apprentissage automatique. En effet, les technologies actuelles, principalement basées sur les mathématiques et la statistique, ne sont pas capables de prendre des décisions intuitives ou de modéliser rapidement leur environnement.
Les impacts sociaux, éthiques et sur les droits fondamentaux ne doivent pas être appréhendés en se souciant uniquement d’une éventuelle émergence d’une forme de conscience artificielle dans les prochaines années. Il est primordial de prévenir les biais, les discriminations, les atteintes à la vie privée, à la liberté d’expression ou de conscience, voire à la vie elle-même, notamment dans le cas des armes autonomes, issues d’une conception de la société réduite à un modèle mathématique.