La prolifération des kalachnikovs entre les mains des braqueurs, des trafiquants de drogue et même des délinquants des cités est un phénomène inquiétant. Cette arme de guerre, également connue sous le nom d’AK-47, se retrouve aujourd’hui bien au-delà des conflits armés. Le récent braquage d’une société prestataire de la SNCF à Paris, commis à l’aide d’une kalachnikov, soulève des questions sur les filières du trafic de cette arme dévastatrice.
Selon une source du Syndicat des commissaires de police (SCPN), la kalachnikov est tout d’abord redoutable en raison de sa puissance de perforation supérieure aux armes de poing. Elle est mortelle à plusieurs kilomètres de distance. De plus, la kalachnikov est réputée pour sa robustesse exceptionnelle, sa fiabilité et sa facilité de réparation. Sa conception est tout simplement fabuleuse. Cela explique pourquoi elle est largement utilisée sur les champs de bataille du monde entier, ainsi que dans les milieux du grand banditisme en France. La Chine produit même une copie de cette arme, bien que sa fiabilité soit moindre.
La filière de l’ex-Yougoslavie, principal fournisseur en France
L’effondrement du Pacte de Varsovie et, plus précisément, de l’ex-Yougoslavie, a rendu les frontières perméables avec les pays où la kalachnikov est extrêmement répandue. Il est extrêmement difficile de contrôler ces frontières terrestres, où les armes peuvent transiter en train, en bus ou en voiture. Les douanes éprouvent des difficultés considérables à les bloquer.
La plupart des kalachnikovs qui circulent en France proviennent des pays de l’ex-Yougoslavie. Selon Jean-Charles Antoine, chercheur à l’Institut français de géopolitique, les kalachnikovs d’origine yougoslave, appelées Zastava M70, sont les armes principales du marché noir en France. Il est maintenant plus facile de s’en procurer que cela ne l’était il y a 10 ou 15 ans. En règle générale, ces armes entrent en France par le nord de l’Italie, la Suisse ou l’Allemagne.
Néanmoins, acheter une telle arme de guerre n’est pas à la portée de n’importe qui. Selon le SCPN, trouver un contact est la partie la plus difficile. Dans une cité, un acheteur potentiel qui se présenterait sans être recommandé ou sans être connu serait immédiatement suspecté d’être un policier. Il est donc nécessaire de remonter la chaîne des intermédiaires pour se procurer une kalachnikov.
2 000 euros pour une kalachnikov en bon état
En France, il est possible d’obtenir une Zastava M70 en bon état avec sa crosse repliable et son chargeur de 30 cartouches pour un prix compris entre 2 000 et 2 500 euros. Trois filières d’approvisionnement coexistent. Tout d’abord, celle des trafiquants occasionnels vivant en France avec des liens en ex-Yougoslavie, par exemple des liens familiaux. Ils effectuent en moyenne deux voyages par mois et prélèvent une commission sur chaque arme revendue en France. Cela leur permet de gagner un revenu supplémentaire.
La deuxième filière concerne les kalachnikovs qui “tombent du camion” à la sortie de l’usine en ex-Yougoslavie. Enfin, la dernière filière concerne les collectionneurs d’armes mal-intentionnés qui remilitarisent des kalachnikovs démilitarisées. Ces armes peuvent être acquises légalement, puis une pièce manquante est fabriquée artisanalement pour les remettre en état de marche. Dans ce dernier cas, le prix de vente de l’arme “réactivée” tourne autour de 400 euros, car elle a perdu de sa puissance et de sa fiabilité.
Qui achète ces kalachnikovs? Selon Jean-Charles Antoine, il y a deux types de clients. Il y a ceux qui ont besoin d’une kalachnikov pour commettre un braquage ou régler un compte, et il y a ceux qui ressentent le besoin de posséder une kalachnikov pour protéger un territoire (comme une cité) ou un trafic. En d’autres termes, la possession d’une kalachnikov est contagieuse.
Ces informations font écho à la célèbre citation d’un ancien dictateur africain, Kabila : “Vous pouvez mettre cette arme dans l’eau, la boue, le sable, la donner à un enfant et il pourra encore tirer avec.” Cette arme jouit d’une triste réputation, c’est certain.
