Réforme de la responsabilité civile automobile : l’impact sur les assureurs

Réforme de la responsabilité civile automobile : l’impact sur les assureurs

C’est avec inquiétude que les assureurs automobiles voient se profiler la réforme de la responsabilité civile automobile. Présenté en mars 2017 par l’ex-ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, ce projet de loi vise à étendre le droit à l’indemnisation aux conducteurs victimes d’accidents de la route impliquant un autre véhicule terrestre à moteur, sauf en cas de “faute inexcusable” de la part de la victime.

Un impact financier considérable

Les assureurs automobiles, déjà confrontés à une augmentation des coûts des dommages corporels graves (+7% par an), s’opposent fermement à cette réforme, qui risque d’alourdir considérablement leur charge financière. En effet, si le droit à l’indemnisation des conducteurs victimes est appliqué de manière rétroactive, comme le prévoit le texte, cela pourrait entraîner une hausse de 48% du coût total des dommages corporels, selon une étude réalisée par CCR Re auprès de 40 assureurs ayant indemnisé 2 200 victimes pour des dommages évalués à plus d’1 million d’euros.

Selon cette même étude, l’application de la réforme pourrait également entraîner une augmentation de 25% du nombre de victimes indemnisées au titre de la responsabilité civile automobile, qui s’élève actuellement à 151 000 par an. Quant aux victimes graves, leur nombre augmenterait de 50%. Face à cette situation, la Fédération française de l’assurance (FFA) a proposé de généraliser les garanties conducteurs individuelles dans les offres d’assurance automobile, une solution qui pourrait augmenter la prime automobile de 25%, selon une source proche du dossier. CCR Re n’a pas étudié l’impact de cette proposition.

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Une réglementation nécessaire

Outre l’extension du droit à l’indemnisation des conducteurs victimes, la réforme de la responsabilité civile automobile comporte également des mesures positives. Sylvie Chanh, directrice département sinistres et services de CCR Re, souligne notamment “l’officialisation d’un barème médical, d’une nomenclature et d’un barème de capitalisation normatif”. En effet, bien que la nomenclature Dintilhac, qui regroupe 27 postes de préjudices, soit utilisée depuis 2007 par les assureurs, les tribunaux et les organismes payeurs, elle n’est pas obligatoire. Afin d’assurer une plus grande transparence dans l’indemnisation des dommages corporels, Sylvie Chanh estime qu’une réglementation plus encadrée est nécessaire.

Selon l’étude de CCR Re, le coût moyen de l’indemnisation totale des dommages corporels graves s’élève à 4,6 millions d’euros. Trois catégories de préjudices représentent les deux tiers de ce coût : l’assistance tierce personne (45%), les pertes de gains professionnels futurs (11%) et les dépenses de santé futures (10%). Les tables de capitalisation et les barèmes jouent donc un rôle déterminant dans le calcul des provisions. L’assistance tierce personne, qui représente en moyenne 2,3 millions d’euros, est le poste de préjudice qui a connu la plus forte augmentation (+12%) depuis 2009.

L’impact de la revalorisation des rentes

CCR Re a également étudié l’impact de la revalorisation des rentes, prise en charge par les assureurs automobiles depuis le 1er janvier 2013. En effet, la loi de finances rectificative de 2012 a transféré la responsabilité de cette indexation obligatoire des rentes versées aux victimes du Fonds de garantie des assurances dommages obligatoires (FGAO) aux assureurs. Si l’on applique une revalorisation de 2% par an à l’ensemble des rentes de la base de données de CCR Re, cela entraîne une augmentation de 25% du coût moyen des sinistres.

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En conclusion, la réforme de la responsabilité civile automobile représente un véritable défi pour les assureurs. Elle risque d’entraîner une hausse significative du coût des dommages corporels et nécessite une réglementation plus encadrée pour garantir une indemnisation équitable des victimes. Les assureurs devront faire preuve d’adaptabilité et de solidité financière pour faire face à ces nouvelles contraintes.